Réconcilier contraintes internationales et progrès social

Par Marc Deluzet, ancien syndicaliste, et Jacky Bontems, ex-numéro deux de la CFDT.
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La France et l'Europe affrontent aujourd'hui un double défi. Nous devons assurer notre place dans le nouvel ordre planétaire, renforcer notre compétitivité sur les marchés mondiaux et, simultanément, faire face à une crise sociale profonde : crise du travail, chômage et précarité, montée des inégalités et de l'exclusion sociale. Ces défis seront au centre de la prochaine élection présidentielle.

Les solutions de la droite ne sont pas à la hauteur de ces enjeux. Elle flirte avec un protectionnisme qui précipiterait notre marginalisation internationale en renonçant au progrès social. Elle est incapable de mettre des limites aux intérêts restreints du monde financier.

Pourtant, contraintes internationales et progrès social ne sont pas contradictoires. Au contraire, le déploiement des politiques de développement humain renforcerait notre compétitivité, tout en nous permettant de surmonter la crise sociale : accroissement des compétences et évolution de carrière, qualité de vie au travail, prise en compte de la diversité, articulation entre vie professionnelle et vie privée, coopération intergénérationnelle, etc.

Il s'agit d'abord de changer de vision sur le social et l'entreprise. Le social n'est plus seulement un ensemble de garanties collectives, financées par une partie des bénéfices. Il représente aujourd'hui un investissement dans les femmes et dans les hommes, en amont de l'activité professionnelle pour accroître leur efficacité et celle de l'entreprise. Plus qu'un coût, le développement social est notre principal atout stratégique sur la scène mondiale.

Quant à l'entreprise, elle a une double vocation : lieu d'épanouissement et de promotion de ses salariés, espace de création et d'innovation pour répondre aux enjeux d'intérêt général. Ces deux ambitions sont facteurs de progrès social et de performance économique accrue, si toutefois nous considérons que l'entreprise n'est pas un simple objet de propriété de ses actionnaires. C'est pourquoi la responsabilité sociale des entreprises doit être mise en avant, à travers une nouvelle gouvernance qui prenne en compte les intérêts des parties prenantes et qui inscrive les logiques financières dans les perspectives plus vastes du développement humain.

Dès lors, deux priorités s'imposent. La première concerne le travail. Au sein des entreprises, la financiarisation de l'économie a produit une culture du résultat, qui a dévalorisé le travail humain. Peu importent finalement les difficultés rencontrées par les salariés, leurs compétences ou les innovations qu'ils développent : pour leurs dirigeants, seuls comptent les résultats obtenus. Cette dévalorisation du travail est à la source d'une perte de dignité et d'une démobilisation d'un nombre croissant de salariés, d'une perte de sens dans l'activité professionnelle et d'une perte d'efficacité des équipes de travail.

Il est urgent d'établir des espaces et des temps d'échange sur les situations de la vie au travail, entre salariés et avec leur hiérarchie, et d'accorder aux salariés un droit d'initiative et de participation pour transformer leurs tâches quotidiennes. Démocratie professionnelle et bien-être au travail sont aujourd'hui les conditions d'une compétitivité accrue.

L'autre priorité concerne la démocratie. Cette nouvelle articulation entre progrès social et compétitivité internationale exige l'engagement de tous les acteurs : employeurs, salariés, syndicalistes, pouvoirs publics. Une avancée démocratique est incontournable pour que de nouvelles marges de manoeuvre déclenchent une large mobilisation et favorisent les pratiques coopératives à tous les échelons : entreprises, branches, territoires. Ainsi le champ de la négociation collective doit être élargi et ses acteurs puissamment légitimés. Une gouvernance plus partenariale des entreprises s'impose également, pour donner voix délibérative aux représentants salariés dans les organes sociaux et organiser la consultation des parties prenantes.

Ces orientations représentent une véritable alternative à la politique conduite depuis 2007. Sur cette base, la gauche peut l'emporter en 2012. Avec un groupe de responsables d'entreprise, de syndicalistes et d'experts de haut niveau, nous avons choisi de contribuer à la campagne de François Hollande car il incarne parfaitement cette stratégie : faire du social et du développement humain le meilleur carburant de la France.

Les auteurs sont animateurs du groupe "Social et Entreprise" de l'équipe de campagne de François Hollande.

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