"Le grand emprunt dessine notre futur paysage économique"

L' "homme à tout faire" de la politique industrielle, René Ricol, commissaire général à l'Investissement, dresse le bilan de son action au commissariat général à l'Investissement. Et précise sa nouvelle mission de coordonnateur de la politique publique en faveur des entreprises.
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Profession médiateur. « Vous avez un problème ? René Ricol trouvera la solution », résume un de ses admirateurs. « C'est le genre de type capable d'enfermer dix personnes, qui jusqu'ici s'affrontaient dans des combats stériles, dans une pièce en leur disant : personne ne sort tant que vous n'avez pas trouvé un terrain d'entente ! » Commissaire général à l'Investissement, chargé par Nicolas Sarkozy de gérer les 35 milliards d'euros du grand emprunt, il s'est imposé comme l'homme à tout faire de la place de Paris.

Soutenir les PME

S'il conserve un pied comme président du comité stratégique chez Ricol Lasteyrie, le cabinet conseil qu'il a fondé en 1987, sa vie est de plus en plus consacrée au service de l'État. C'est lui qu'on appelle quand il faut trouver un terrain d'entente entre la direction du Trésor et Augustin de Romanet sur le sauvetage de Dexia, qui engage la signature de la CDC. C'est lui qui, en pleine crise financière, impose aux banques la création d'un médiateur du crédit aux entreprises. C'est lui qui doit réconcilier les multiples acteurs publics qui interviennent en soutien des PME. Aujourd'hui, son credo, ce sont les investissements d'avenir, ces dizaines, peut-être ces centaines, de « pépites » technologiques qu'il espère voir pousser, au carrefour de la recherche universitaire et des entreprises.

Où en est le programme d'investissements d'avenir lancé il y a près de deux ans ?

Le rythme est conforme à celui annoncé. La première vague des appels à projets est en phase de contractualisation et la seconde vague en cours de sélection dont les résultats seront connus au premier trimestre 2012. À la fin de l'année, nous aurons sélectionné des projets pour un montant de 15 à 20 milliards d'euros. D'ici à la fin de l'année, 1,5 à 2 milliards auront été effectivement décaissés ce qui, avec les effets de levier, correspond à 4 milliards environ. Toutefois, la phase de contractualisation prend plus de temps que prévu. Certains projets ont atteint le seuil limite de 9 mois. Par exemple, seulement les deux tiers des 52 équipements d'excellence, les Equipex, sélectionnés le 20 janvier ont été signés. Il est évident que le délai est trop long pour le tiers restant. On peut avancer deux raisons : les délais administratifs et le nombre inhabituel d'entreprises impliquées car nombre de projets sont des partenariats. Or, cette phase de contractualisation demande de la part des porteurs de projets un engagement réel impliquant parfois des reconfigurations. Pour accélérer le processus, des dispositifs ont été mis en place, notamment avec l'Agence nationale de la recherche (ANR).

La crise a-t-elle changé le comportement des porteurs de projets ? Le grand emprunt est-il toujours vu comme la priorité à même de changer la France ?

Du côté des projets de recherche, rien n'a changé. Du côté des entreprises, il est possible que certains industriels prennent un peu plus de temps pour formaliser leurs projets ou leurs engagements du fait des incertitudes actuelles, mais il y a toujours beaucoup d'engouement. La conjoncture ne doit pas conduire à réduire l'effort d'innovation, au contraire. De fait, tous ces projets sont réellement en train de modifier le paysage de la France et ont fait émerger l'excellence. En matière de compétition internationale, nous ne devons plus perdre de temps.

Que répondez-vous aux critiques sur le risque d'une université à deux vitesses ?

Nous ne faisons pas d'aménagement du territoire ! Notre stratégie est justement inverse : nous faisons émerger des pôles inattendus et favorisons les liens entre territoires avec la mise en relations de différents projets locaux. Nous avons le souci permanent de pousser des pépites sur des territoires désertifiés ou en situation de monoactivité. Nous aviserons au terme du processus, fin 2012-début 2013. Si certaines régions apparaissent délaissées, nous traiterons le sujet. Une chose est sûre, les investissements d'avenir dessinent le futur paysage économique de la France. On voit déjà apparaître l'excellence sous nos yeux.

Vous venez d'être nommé coordonnateur de la politique publique en faveur des entreprises. Quelle sera votre mission exacte ?

Mettons les choses au point : je ne me substituerai pas aux dispositifs déjà en place et qui font un travail formidable dans le soutien au développement des PME et des ETI (entreprises de taille intermédiaire). Sous l'autorité du Premier ministre, je suis simplement là pour les aider à travailler en bonne intelligence, pour que leur action en faveur des entreprises qui ont des besoins de financement des problématiques liées au passage au numérique, au développement durable, soit la plus efficace possible.

Elle ne l'est pas actuellement ?

Au regard du nombre de structures de soutien existantes, elle est performante. Mais elle peut l'être davantage.

La mise en oeuvre du FSI Régions aurait donné lieu à de sérieuses querelles d'ego. Êtes-vous là pour pacifier les relations entre CDC Entreprises, Oséo, le FSI, les Régions... ?

Je n'ai pas un rôle de gendarme. Mais il faut avoir à l'esprit que les petites querelles sont inadmissibles quand elles risquent de se traduire par des fermetures d'entreprises et des destructions d'emplois. Il faut agir rapidement et efficacement lorsque des entreprises appellent à l'aide et il me semble que tout le monde est maintenant bien d'accord.

Comment procéderez-vous ?

Nous allons organiser en régions des ateliers avec toutes les structures en place. L'idée est qu'à la fin de la journée, vingt à trente entreprises qui méritent qu'on leur apporte un soutien tout particulier sortent du chapeau et qu'on les aide à devenir les champions de demain de notre économie.

N'y a-t-il pas un risque que vous soyez juge et partie ?

Vous avez raison, il ne doit pas y avoir de confusion des genres. Je ne me mêlerai pas des discussions qui déboucheront sur le choix des entreprises à soutenir. Les investissements d'avenir ne sont pas le plan de relance !

La réindustrialisation est un sujet qui monte à quelques mois de la présidentielle. L'État doit-il tout décider ?

Non, évidemment. En revanche, il doit être un facilitateur et faire en sorte que les structures publiques aient une action efficace, que ses instruments fiscaux et réglementaires soient incitatifs. N'oubliez pas que les filières industrielles qui affichent les plus grands succès commerciaux sont celles qui se sont prises en main toutes seules.

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