À Paris, petits meurtres entre amis pour les candidats LREM

POLITISCOPE. Jour après jour, le poison de la division ronge le parti présidentiel, fracturé entre l'officiel Griveaux, et l'outsider Villani, convaincu de son bon droit. L'opposition entre les deux hommes s'apparente à une guerre de tranchées, où chacun s'écharpe pour récupérer tel ou tel soutien.
Au final, deux camps se dessinent autour des candidats LREM à Paris, mettant aux prises les différentes familles de la macronie.
Au final, deux camps se dessinent autour des candidats LREM à Paris, mettant aux prises les différentes familles de la macronie. (Crédits : Mathilde Mazars / SIPA)

La sentence est sans appel, et on la doit à Hugues Renson, vice-président LREM de l'Assemblée nationale, dans Le Parisien : « Qu'on le veuille ou non, il y a aujourd'hui deux candidats issus de La République en marche à Paris. Chacun a sa légitimité. » Ajoutant : « Aux yeux des Parisiens, il n'y a pas de candidat naturel ou évident. »

Pour la macronie, c'est le pire des scénarios : les municipales à Paris s'apparentent à un jeu à somme nulle. Le constat est d'autant plus cinglant qu'il n'est pas dressé par n'importe qui. Biberonné au gaullisme social, le quadragénaire Hugues Renson avait cru sincèrement en 2017 en la promesse d'Emmanuel Macron, lui qui avait franchi le Rubicon dès 2012 en votant pour François Hollande à la présidentielle, après avoir estimé qu'une bonne partie de sa famille politique, la droite, avait déjà abandonné les rives républicaines.

Certes, les mauvaises langues diront que ces propos sont ceux d'un homme qui a échoué à obtenir l'investiture LREM à Paris. On aurait tort pourtant de n'y voir qu'une simple vengeance à l'égard de son camarade Benjamin Griveaux. D'ailleurs, ce dernier ne l'avait-il pas cherché en balançant : « C'est un fils de pute, on le sait depuis le premier jour » ? Pour le candidat officiel, habitué à ce genre de saillies, le retour de bâton se paye cash.

Poison de la division

Rien ne semble indiquer la fin du supplice pour les supporters du président. Jour après jour, le poison de la division ronge le parti présidentiel, fracturé entre l'officiel Griveaux, et l'outsider Villani, convaincu de son bon droit. L'opposition entre les deux hommes s'apparente à une guerre de tranchées, où chacun s'écharpe pour récupérer tel ou tel soutien. Dans le 15e arrondissement, fief d'Hugues Renson, la députée Olivia Grégoire est une fervente supportrice de Benjamin Griveaux. Dans le 11e, la suppléante du député Pierre Person, numéro 2 de La République en marche, Bouchra Nazzal, a décidé de soutenir Cédric Villani.

Lire aussi : Paris 2020 : Anne Lebreton se désiste au profit de Cédric Villani

Au final, deux camps se dessinent autour des candidats LREM à Paris, mettant aux prises les différentes familles de la macronie. Autour de Griveaux, les anciens strauss-kahniens de la « bande de la Planche » (du nom de la rue où ils se sont réunis) font bloc. On y trouve le chef du parti, Stanislas Guerini, mais aussi les secrétaires d'État, Cédric O et Adrien Taquet, ou encore Ismaël Emelien, l'ex-conseiller du président : « Ils se battent pour leur gueule, car ils ont l'impression d'avoir été trahis par Macron », diagnostique un responsable LREM.

Autour de Cédric Villani, viennent s'agréger les anciens de la « bande de Poitiers », les trublions venus de la droite. Ceux qui ne se vivent pas dans le moule, ces outsiders qui s'affirment comme les vrais héritiers du macronisme.

Lire aussi : Candidat à Paris, Cédric Villani se voit déjà champion du monde de l'écologie

Anti-héros

Pour ne rien arranger, les candidats adoubés par Macron, l'officiel comme l'illégitime, ressemblent davantage à des anti-héros qu'à des champions médiatiques. Notable de province pour l'un, professeur tournesol pour l'autre, aucun n'a réussi à imposer de leadership, encore moins à constituer un capital sympathie, malgré un bashing anti-Hidalgo. Résultat, si l'UDI de Jean-Christophe Lagarde s'est ralliée à Benjamin Griveaux, le MoDem hésite encore, au point de s'intéresser à des sondages testant les candidatures d'Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, et de Jean-Louis Borloo.

Reste que Paris se conquiert via 17 élections, et tout candidat peut se maintenir au second tour s'il rassemble au moins 10 % des votants. Dans ce contexte, la droite parisienne, orpheline après la candidature avortée d'Édouard Philippe, n'a toujours pas fait son choix. Rachida Dati se sent pousser des ailes, quand le baron Philippe Goujon préfère Villani, comme le député Pierre-Yves Bournazel qui pense déjà à l'après : « La vraie élection, c'est 2026 », dit-on à droite. En attendant, la division pourrait faire le jeu d'Anne Hidalgo chez qui l'on se félicite : « Villani, Griveaux et les Républicains se partagent la même moitié du gâteau, c'est tout bon ! »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 06/11/2019 à 10:58
Signaler
La médiocrité de la l'actuelle maire attire un trop plein de candidats qui va paradoxalement favoriser sa réélection. C'est le scénario inéluctable qui va nous conduire au pire pour la capitale.

à écrit le 06/11/2019 à 9:11
Signaler
Ce scénario est plus ou moins en train de se reproduire dans la plupart des grandes villes de France. Et puis la glissade spectaculaire du pouvoir vers la droite, voire plus (Macron en est arrivé à emprunter le vocabulaire de JM Lepen à propos de ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.