Jeff Clavier, le business angel français le plus en vogue de San Francisco

Jean-François « Jeff » Clavier est l'investisseur français le plus célèbre en Californie. Un ange autodidacte, débarqué dans la Silicon Valley en 2000.
Jean-François Clavier s'est lancé dans l'amorçage avec ses propres économies : 250 000 dollars.

Quand j'ai interviewé Jeff Clavier, je me suis souvenu de ce mot de Jean Rostand sur la liberté: « la seule liberté que nous concède la vie, c'est de choisir nos remords".

De Tours, sa ville natale à la Silicon Valley de ses rêves, Jeff aura sans relâche poursuivi sa propre voie, son propre bonheur comme aurait dit Joseph Campbell. Avec des paris insensés - aux rebours de la réalité, diront certains - mais qui auront fini par délivrer des résultats exceptionnels pour ce capital risqueur/ange dont le profil est finalement très proche de celui de ses startupers qu'il a financé.


Aller simple pour la Silicon Valley

Formé en école d'ingénieur (informatique) sans prépa (il a testé mais a vite détesté, signe d'un esprit non formatable), Jeff Clavier rejoint très tôt une startup dans le secteur technologique sur Paris, Effix, qui est rachetée par Reuters. Apres quelques années comme responsable informatique de cette société, il se lasse de l'Europe et souhaite partir tenter sa chance aux Etats Unis.

Son opportunité viendra quand le fonds de Reuters lancé en 1995 lui propose de partir en Silicon Valley pour les représenter. C'est ainsi qu'à 33 ans, le 10 août 2000, Jeff arrive avec son épouse dans cette Silicon Valley qu'il a appris à connaitre au cours de plusieurs voyages pour son employeur. Il s'agit pour lui, clairement, d'un aller simple. Et ce malgré les problèmes immédiats : il est partenaire de RVC, le fonds de Reuters, mais n'a aucune expérience réelle du métier de capital risqueur.

Un "self-made angel"

L'explosion de la bulle internet entrave quelque peu les ambitions du fonds mais Jeff apprend le métier sur le terrain. En 2004, alors que le secteur techno parait renaitre de ses cendres avec le web collaboratif, Clavier décide de lancer son propre fonds avec SoftTech VC. Il se lance en mode bootstrapping, comme disent les américains, avec ses propres économies (250 000 dollars) et se spécialise sur l'amorçage, du fait de la dichotomie existante entre les besoins initiaux des startups (dont les coûts baissent de manière vertigineuse) et la taille des vrais fonds de capital-risque californiens hérités de la bulle. Avec une dizaine d'investissements, Jeff se constitue son deal-flow et enregistre ses premiers succès : Truveo, par exemple, un moteur de recherche de vidéos en ligne, est rapidement acheté par AOL (multiplication de la mise initiale par 17).

Ces succès amènent logiquement Jeff Clavier à annoncer la création de son premier fonds institutionnel en 2007 avec 15 millions de dollars, alors qu'on lui prédisait de fastidieuses années de levées de fonds. Ce premier fonds de Softech VC est qualifié de Micro-VC ou spécialisé dans l'amorçage.  Avec Eventbrite, Fitbit, il concentrera 90 investissements entre 2004 et 2010, et amènera Jeff à faire venir un partner pour lancer un second véhicule d'investissement sur la période 2011-2013, doté de 55 millions de dollars. Les sociétés de ce portefeuille se verront rachetées par Groupon, Twitter ou Facebook.

Savoir se réinventer

En 2014, l'heure du bilan a sonné pour 10 ans d'investissements chez Softech VC : avec 150 investissements et un portefeuille à plus de 2 milliards de dollars, Jeff doit s'adapter au nouveau climat des affaires dans le monde des startups californiennes. En premier lieu, du fait de la montée inexorable de l'immobilier californien mais aussi de la compétition par les salaires pour attirer les meilleurs programmeurs, - deux phénomènes auxquels viennent s'adjoindre  d'énormes flux de capitaux injectés dans les startups - , les tours de financement d'amorçage dépassent désormais allègrement le million de dollars.

Par ailleurs, l'action ne se passe plus vraiment dans la Silicon Valley mais bien dans San Francisco. SoftTech VC déménage donc sur San Francisco et lève 85 millions de dollars. L'objectif est  toujours de combler les dix-huit mois de financement avant le premier tour dit de Series A, avec des participations en moyenne de 750 000 dollars (7-10% du capital des sociétés) suivies d'investissements dans les tours ultérieurs (pour un total de 2 millions de dollars).

Le "rêve américain" existe ?

Quarante-cinq entreprises devraient ainsi être financées par Jeff Clavier au cours des prochains mois. Celui-ci est déjà prêt à miser sur la nouvelle génération, des drones, à l'intelligence artificielle en passant par, moins flashy, le logiciel d'entreprise.

« J'ai eu énormément de chance dans ce parcours en Californie - aussi bien en terme d'opportunités que du timing de mon entrée sur le marché du « super angel ». C'est un peu le cliché du "rêve américain", mais les opportunités ici sont réelles pour ceux qui osent en prendre le risque. Mon seul regret ? Mis à part avoir refusé des offres d'investissement chez LinkedIn et Uber, c'est de ne pas être venu plus tôt.  »

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Commentaires 2
à écrit le 19/03/2015 à 6:36
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Tout est dit dans le titre de ce qu'est devenu ce monde de coercition et de capitalisme de connivence, encore qu'il ne s'agisse évidemment aucunement de capitalisme. Quant à la saillie culturelle "la seule liberté que nous concède la vie, c'est de ch...

à écrit le 18/03/2015 à 18:09
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Ca me rappel un bouquin, "Le désarroi de Ned Allen" de Douglas Kennedy

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