Le taux de chômage en France est de 10,2% (janvier 2016), considéré au plus haut historique. Le 1er avril, le Smic britannique augmente de 7,5% pour atteindre 9,20 euros de l'heure, contre 9,67 euros en France. Il concernera directement 1,9 million de salariés, et indirectement 2,5 millions. Le taux de chômage britannique est de 5%, considéré au plancher. Cherchez l'erreur ! Le Royaume-Uni a une économie libérale !

Le mot est lâché, c'est la punition absolue : « Économie libérale. » En Allemagne, le Smic passera au 1er janvier 2017 à 8,80 euros de l'heure, avec un chômage à 4,3%, au plancher. Ce n'est pas une économie libérale.

Ces deux pays ont deux visions du travail différentes de la France.

• La première : mieux vaut travailler moins payé, qu'être tenu à l'écart du travail.
• La seconde : l'emploi crée la croissance et non la croissance crée l'emploi.

Ces deux visions anglo-saxonnes ont un énorme mérite : elles sont dans l'évolution naturelle du travail d'aujourd'hui et de demain, elles contribuent à l'adaptation du salarié au travail. Le travail tend vers une double bipolarité, une matrice simple : les qualifiés, les non-qualifiés ; l'employeur unique, les multiples employeurs et l'auto-entrepreneur.

Ce modèle anglo-saxon fonctionne : le chômage est bas et, baromètre ultime, les migrants choisissent l'Allemagne et le Royaume-Uni (et la Suède), pas la France.

Je doute que la hausse du Smic fasse reculer les migrants, je doute que la loi El Khomri les attire. Il y a donc erreur de fond dans la vision française du travail depuis au moins quarante ans, si ce n'est soixante-dix ans.

Le travail est la richesse d'un individu et non l'exploitation d'un patron. La matrice décrite plus haut ne dit surtout pas que demain les qualifiés seront mieux payés que les non-qualifiés. La hausse du Smic relativise ce propos et les progrès du numérique vont mettre en péril l'emploi qualifié plus que l'emploi non qualifié, les compétences techniques plus que les compétences humaines. Or justement, la vision anglo-saxonne répondra à ce choc du travail par sa faculté d'adaptation. La vision française au contraire renforcera l'État-providence - où la formation est un échec - qui n'aura de providence que le nom, pas les moyens.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013

À découvrir aussi sa contribution à l'ouvrage collectif Rupture, vous avez dit disrupture ? Le futur est déjà derrière nous, Éditions Kawa, 2015.