Emily O'Reilly, l'égérie irlandaise de la transparence

Elue "médiatrice européenne" par le Parlement, en 2013, cette ancienne journaliste a gardé de son passé le sens de la formule, une compétence utile pour... médiatiser son action, surtout quand celle-ci ne se cantonne pas aux factures en retard mais braque le projecteur sur les mécanismes souterrains à l'oeuvre dans l'écosystème décisionnel bruxellois.

L'ancienne journaliste irlandaise, élue médiatrice européenne en 2013, a fait des conflits d'intérêt et de la transparence un fer de lance. Une manière d'aiguillonner la Commission européenne... sans répondre pour autant à la question de l'utilité du secret en politique.

« Vous ne laisseriez pas quelqu'un venir dans votre bureau et voler vos dossiers ou hacker votre ordinateur ? Or, dans un sens, c'est ce qui se passe. »

C'est ainsi qu'Emily O'Reilly décrivait récemment la pratique des revolving doors, ces portes à tambour par lesquelles juristes ou spécialistes de l'environnement (mais pas seulement) passent et repassent du public au privé, d'un cabinet d'avocat à la Direction générale du commerce ou de la concurrence, d'un groupe industriel au cabinet d'un commissaire.

Cette élégante Irlandaise de 59 ans, élue « médiatrice européenne » par le Parlement, en 2013, a gardé de son passé de journaliste le sens de la formule. Une qualité utile pour déployer sa « stratégie » consistant à « augmenter l'impact, la pertinence et la visibilité » de sa fonction. Le médiateur n'a pas d'autre mission que d'« enquêter sur les cas de mauvaise administration dans l'action des institutions et organes de l'Union européenne »... et de formuler des recommandations.

Le fer de lance de la transparence

Rien de très affriolant, quand il s'agit d'accélérer le paiement des services d'une chercheuse allemande, que les lenteurs administratives de la Commission laissent sur la paille, ou de faire retoucher, à la demande du Crédit Agricole, un communiqué de presse un peu trop musclé de la Direction générale de la concurrence, dans une affaire de cartel en cours d'instruction.

Mais depuis son arrivée, Emily O'Reilly a fait du médiateur le fer de lance de la « transparence ». Au point d'apparaître parfois comme le meilleur allié des lobbys anti-lobbys qui traquent toutes les zones d'ombre de l'écosystème bruxellois.

Après avoir demandé à la Commission de mettre de l'ordre dans le recrutement des groupes d'experts et d'améliorer les règles de son « registre » des lobbyistes, la médiatrice a ouvert une enquête sur les « trilogues », ces conciliabules entre représentants du Conseil des ministres, de la Commission et du Parlement, par lesquels se terminent la plupart des procédures législatives, afin d'éviter une deuxième lecture au Parlement. À présent, elle s'attaque au recrutement des « conseillers spéciaux » qui travaillent auprès des commissaires européens.

 « Objective et impartiale... »

Elle relaye ainsi une plainte de Corporate Europe Observatory, le plus actif des lobbys anti-lobbys, qui s'en prend depuis plusieurs mois à Jan E. Frydman, conseiller de la commissaire au Commerce Cecilia Malmström, et... responsable des dossiers transatlantiques et européens dans un cabinet d'avocats suédois. L'intéressé a beau avoir déclaré sur l'honneur exercer ses activités de façon « objective et impartiale... [dans] un devoir de loyauté et de discrétion », comme le précise la déclaration mise en ligne par la Commission européenne, l'ONG a des doutes. Emily O'Reilly également. Le 25 mai, elle a écrit au président Juncker qu'elle souhaitait procéder à une « inspection » sur site, fin juin. Elle soupçonne la Commission de ne pas prendre suffisamment garde aux risques d'« influence inappropriée [que ses conseillers pourraient exercer] sur l'élaboration des politiques ».

Sans parler du bénéfice qu'ils pourraient tirer de l'accès aux responsables les plus haut placés de l'exécutif. Parmi les 40 conseillers spéciaux dont la liste, les CV et les déclarations sur l'honneur sont publiés sur le site de la Commission, quelques-uns dirigent des cabinets d'affaires publiques. La Commission devra rendre compte. Et la question se posera : ces « conseillers spéciaux » aux activités très publiques ne risquent-ils pas de devenir des conseillers de l'ombre, si leur position actuelle leur était déniée car, après tout, personne n'interdit à un commissaire de voir qui il veut ? Les risques de confusion entre intérêts publics et privés ne seront-ils pas alors plus grands?

« Aucune bonne loi sur la transparence ne doit nuire », explique Emily O'Reilly. Une manière de poser, en creux, la question de l'utilité du secret en politique.

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