Un seule et forte tête au Medef

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Heureusement qu?il y a Hervé Lambel... pour sauver la démocratie au patronat. Et maintenir envers et contre tous sa candidature, il est vrai anecdotique, à la présidence d?un Medef qui a fait le choix de l?unité face aux risques de division que faisait courir l?élection du 3 juillet.

En décidant de fusionner leurs candidatures, autour du mieux placé, Pierre Gattaz, les trois candidats « sérieux » au poste de « patron des patrons » ont voulu mettre fin à une campagne qui commençait à prendre mauvaise tournure, avec le risque d?un "syndrome UMP" lors de l?élection si aucun choix clair ne s?imposait.

Or, le patronat n?est pas un parti politique. C?est un partenaire social et surtout, en tout cas c?est ce qu?il aspire à redevenir, c?est un lobby qui a perdu de son aura et de son influence au cours des dix dernières années, notamment parce qu?il s?est montré incapable de peser sur les choix de politique économique et n?a pas su empêcher le décrochage de compétitivité qu?a connu la France pendant que la droite était au pouvoir. Ultime paradoxe, c'est avec la gauche qu'il va falloir reconstruire, désormais, un pays en déclin économique.

En obtenant le ralliement de Geoffroy Roux de Bézieux et celui de Patrick Bernasconi, lâché par Martin Bouygues et la fédération du bâtiment, Pierre Gattaz évite de connaître comme son père avant lui une compétition frontale avec ses concurrents (on se souvient de la guerre des deux Yvon, Gattaz et Chotard). L?ambiance commençait il est vrai à devenir... électrique entre le patron de Radiall et celui de Virgin Mobile. Le premier avait fait une sèche déclaration mardi en recevant la presse (« Si certains parlent de nouvelles technologies, d?autres en fabriquent », a-t-il dit, laissant percer son agacement à être présenté comme le représentant du passé face au futur incarné par le fougueux « GRB » adepte des nouvelles technologies, alors que Radiall est autant sinon plus techno que le MVNO de Virgin?).

Quant à Geoffroy Roux de Bézieux, il risquait de se voir entrainer à son insu dans un combat stérile entre l?actuelle présidente du Medef, Laurence Parisot, et Pierre Gattaz, soutenu par l'ennemi juré de Laurence Parisot, Denis Kessler, ancien vice-président du Medef, soupçonné de tirer les ficelles en coulisses. Laurence Parisot avait même « piégé » Roux de Bézieux en le conviant il y a quelques jours à prendre un verre au Fouquet?s? Pas très subtil, il est vrai !

Le Medef a donc choisi d?éviter le combat fratricide, d?arrêter là les frais et de présenter un front uni, avec une nouvelle équipe déjà constituée et notamment deux vce-président de poids, dés le prochain sommet social des 20 et 21 juin. Cette décision du conseil d?administration patronal vole sans doute le vote des « militants » à l?assemblée générale du 3 juillet. Mais c?est aussi un signal très clair d?une volonté du Medef de peser de façon dans les choix politiques dans les mois qui viennent, alors que des réformes cruciales sont à venir. L?emploi, la formation professionnelle, les retraites, l?équilibre de la protection sociale, l?avenir de l?assurance-chômage, tout cela est au menu des partenaires sociaux et du gouvernement, le tout dans une conjoncture encore très difficile et dans un pays où la montée inexorable du chômage exacerbe les tensions politiques et sociales.

Pour François Hollande, qui s?inquiète de voir réémerger un patronat de combat, c?est l?assurance d?avoir en face de lui un partenaire social plus combatif, mais pas forcément, comme certains à gauche se complaisent à le croire, un opposant systématique. Le 14 décembre 1982, Yvon Gattaz, le père de Pierre, alors président du CNPF, avait certes organisé une manifestation monstre de plus de 25.000 patrons de province à Villepinte pour des « Etats généraux des entreprises au service de la Nation », pour définir un programme d?action qui fut présenté le 23 décembre à François Mitterrand, raconte l'ancien chef du service de presse du CNPF, Bernard Giroux dans son livre de mémoires (*). Mais le même Yvon Gattaz fut reçu à sept reprise en tête à tête à l?Elysée et fut in fine un partenaire plus qu?un opposant à une gauche qui finit par se convertir à l?entreprise et au marché. Cétait l?époque, les années 80, où un certain Bernard Tapie présentait une émission de télévision à succès pour vanter l?esprit d?entreprise...

Trente ans plus tard, on peut donc espérer que Pierre Gattaz, héritier de son père, certes, mais aussi représentant de l?entreprise familiale qui a plutôt bonne presse face aux multinationales parisiennes aux patrons salariés surpayés, et de ce mittelstand d?Entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui font tant défaut au tissu industriel français, se révèlera un partenaire ferme, mais loyal, de l?opération de redressement de la France auquel aspire François Hollande.

Le président de la République sait bien qu?il ne parviendra à tenir la promesse d?inverser la courbe du chômage qu'avec les entreprises. Bien sûr, il y aura sans doute des manifestations de force du patronat. L?université d?été du Medef, fin août, une création de Denis Kessler, peut en offrir l?occasion, autour d?un thème fédérateur pour les patrons et sans équivoque aucune : « Refondation ».

Réunir les entreprises, organiser le dialogue avec le gouvernement et la majorité autour des enjeux de compétitivité et de modernisation de l?économie, voilà le programme que dessine le Yalta patronal signé mercredi soir entre les candidats à la succession de Laurence Parisot. Pour réussir ce défi, la présidente du Medef leur lègue avant de partir le plus beau des cadeaux, avec la validation hier par le conseil constitutionnel de l?accord national interprofessionnel du 11 janvier qui préfigure un nouvel âge dans l?anticipation des mutations industrielles (à l?exemple du plan annoncé par Michelin) et d?une forme de flexisécurité à la française.

Cerise sur le gâteau qui mettra fin aux divisions du patronat, le conseil constitutionnel a même donné raison aux assureurs, dont Kessler reste le plus influent représentant, en invalidant l?article 1 de l?ANI qui autorisait, au profit des institutions de prévoyance, les clauses de désignation pour les complémentaires santé. On peut le dire, Pierre Gattaz commence son mandat avec un quasi-carton plein?

(*) Du CNPF au  Medef, confidences d'un apparachik (L'Archipel)
 

>> Retrouvez notre interview de Pierre Gattaz à la Tribune des Décideurs

>> Retrouvez notre interview de Geoffroy Roux de Bézieux à la Tribune des Décideurs

>> Patrick Bernasconi sera l'invité de la Tribune des Décideurs le lundi 17 juin à 12h30, posez lui vos questions dès maintenant!

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Commentaires 2
à écrit le 14/06/2013 à 12:54
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On parle beaucoup retraites, on devrait dire défaite ! Il serait bon d éviter de construire des châteaux en Espagne? sur le sable ! Le mur des dettes tombent sur la veille Europe Chronos qui dévore les jeunes générations : suppression d emplois publ...

à écrit le 14/06/2013 à 10:41
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de cette tête ce sont des idées novatrices que nous attendons .or ,ce que nous avons entendu jusque là ne semble pas aller dans ce sens .il faudra bien que le patronat se pose la question de sa part de responsabilité dans les difficultés économique d...

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