François Hollande et le seuil de douleur fiscale

Le ras-le-bol fiscal est devenu le marqueur du quinquennat. Jamais un budget n'a été aussi déséquilibré en faveur des entreprises et au détriment des ménages. Un paradoxe pour la gauche qui n'assume pas sa politique de l'offre...
Philippe Mabille

Rarement, depuis longtemps (allez, en exagérant à peine, depuis la création de l'impôt sur le revenu en 1914 ou de la TVA en 1954), une loi de finances aura suscité autant d'agitation fiscale. Les zig-zags de communication de François Hollande sur la pause de 2014 y sont pour beaucoup. Pourtant, à être honnête, il y a bien un « ralentissement » de l'augmentation des prélèvements obligatoires l'an prochain, après trois années de hausse brutale qui ont relevé de 3 points ce taux hyper-sensible et d'un maniement délicat.

A 46,1%, du PIB la France est champion d'Europe, voire du monde de la fiscalité. Mais elle ne l'est pas devenue en 18 mois, depuis l'élection de 2012. A eux deux, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont largement contribué à nourrir le sentiment de ras-le-bol fiscal qui explose à la figure du président actuel. Mais c'est en réalité un mouvement continu de hausse qui a porté la France à ce niveau, très éloigné de la moyenne des pays comparables, plus proches de 40%.

 

Cette jacquerie fiscale qui saisit la France a des raisons d'être. De partout en France remonte le sentiment que l'excès d'impôts et de charges est en train d'étouffer l'économie. François Hollande l'a dit lui-même lors de sa dernière intervention télévisée. A un certain moment, les impôts, « c'est beaucoup, donc ça devient trop » (sic !).

Trop pour les gros contribuables, ce n'est pas nouveau. Le mouvement des «#Pigeons », à l'automne dernier, a marqué un tournant dans la révolte fiscale de la société civile, au nom de l'efficacité économique. Intelligemment, François Hollande a d'ailleurs assez vite compris et corrigé son erreur. La loi de finances pour 2014 propose pour la taxation des plus-values des entrepreneurs exactement l'inverse de celle de 2013. Mais pour les riches, la facture fiscale va continuer à augmenter, avec la confirmation de la promesse d'un super taux à 75% qui avait fait basculer la campagne présidentielle de 2012.

 

On pourra longtemps débattre de l'utilité de cette mesure temporaire, assortie d'exceptions curieuses (les clubs de football), somme toute assez démagogue et qui ne rapportera pas grand chose : 470 entreprises concernées, 1000 individus et 260 millions d'euros espérés des entreprises qui y seront soumises. L'effet d'image sur l'attractivité de la France sera à coup sûr désastreux, mais, soyons clairs, le pays y survivra.

Le choix est clair et net : celui de l'entreprise et de la politique de l'offre

Le vrai sujet de ce budget 2014 n'est pas là. Si le ras-le-bol fiscal a débordé à gauche cet été, c'est bien parce qu'il concerne désormais tout le monde. Nous serions tous devenus des #Pigeons en puissance, révoltés devant l'apparition d'un seuil de douleur fiscal auquel nous n'étions pas habitués. C'est que, c'est une grande règle de la fiscalité, quand l'impôt se met à mordre plus fort les « riches », c'est rarement une bonne nouvelle pour les plus pauvres.

Dans ce deuxième budget Hollande, le choix est clair et net. C'est celui de l'entreprise et de la politique de l'offre. Avec le CICE (Crédit d'impôt compétitivité emploi), ce seront les employeurs qui sortiront gagnant du loto fiscal,avec, en net, une baisse de 10 milliards d'euros. Certes, certaines mesures ne plaisent pas au patronat, notamment cette curieuse taxe sur l'EBE. Mais la gauche n'est pas dans ce domaine à un paradoxe près.

Face au ras-le-bol fiscal, François Hollande semble comme tétanisé

Là où la majorité socialiste est plus embarrassée, c'est lorsqu'elle feint de découvrir que la conséquence de ce choix est un fort alourdissement de la ponction sur les ménages qui en seront  de leur poche d'un montant équivalent voire supérieur à ce qui sera donné aux entreprises. Et encore sans compter la compensation promise sur la hausse des cotisations retraites patronales, qu'il faudra bien financer quelque part. Donc au détriment des ménages.

Jamais on a vu un budget aussi déséquilibré et c'est quand même assez paradoxal que cela soit du fait de la gauche. Et en tout cas, jamais on n'aura vu un président de la République autant à la peine pour assumer ses choix politiques et les défendre devant l'opinion. Face au ras-le-bol fiscal, François Hollande semble comme tétanisé, paralysé par son impopularité record, et incapable de reprendre la main.

Des mesures correctives prises dans l'urgence

Alors du coup, les injonctions contradictoires se multiplient. Pour corriger le tir et sa mauvaise conscience, le gouvernement a dû dans l'urgence prévoir des dispositions pour le pouvoir d'achat des plus modestes, à l'image du mécanisme de la décote pour éviter à certains contribuables de devenir imposables.

Mais cette mesure technique ne sera évidemment pas comprise ni ressentie par les intéressés avant la campagne d'impôt sur le revenu pour 2014. Et les ménages verront leur pouvoir d'achat amputé dés le début de l'année prochaine par la hausse de la TVA à 10% pour le taux intermédiaire et 20% pour le taux normal. Sans parler des hausses de cotisation retraites qu'il n'est pas prévu, et pour cause de compenser aux salariés.

C'est parce qu'il fait mal que l'impôt exerce sa vertu pédagogique

Pris à son piège de la facilité, François Hollande subit ici le contre-choc de son refus d'imposer une vraie réforme des retraites, qui aurait dû être fondée sur des économies et non  sur des prélèvements nouveaux.

Pour en sortir, le président de la République devrait peut-être avoir recours à quelques vieilles maximes de la fiscalité. Le premier, énoncé notamment par Raymond Barre, dit que la douleur est en quelque sorte consubstantielle à l'impôt. C'est parce qu'il fait mal que l'impôt exerce la vertu pédagogique de dissuader les dirigeants politiques de sombrer dans l'excès de dépense publique.

Le ras-le-bol fiscal plus efficace que la perte du Triple A sur la dette de la France

Force est de constater que le seuil de douleur « barriste » est désormais atteint et même dépassé. Et que c'est peut-être le seul levier pour contraindre l'Etat à se réformer vraiment et à faire enfin des économies sérieuses par un réflexion sur le périmètre de son action.

Le ras-le-bol fiscal serait de ce point de vue plus efficace que la perte du Triple A sur la dette de la France, qui n'a pas eu jusqu'ici d'effet sur le niveau des taux d'intérêt. On le sait bien, l'endettement atteint sa limite lorsque le niveau des intérêts ou des impôts devient insupportable.

Il reste une voie de sortie à François Hollande

Une autre maxime bien connue de la fiscalité, sorte de pendant en plus intelligent du « trop d'impôt tue l'impôt » de la courbe de Laffer, dit que les seuls bons impôts sont à assiette large et à taux modérés. Là aussi, il y a un champ immense de réflexion pour une vraie réforme de la fiscalité française, inspirée des exemples de la CSG et de la TVA, les deux impôts les mieux acceptés et les plus productifs.

Appliquer à l'impôt sur le revenu cette règle -une assiette large et des taux modérés- reste une voie de sortie pour François Hollande. Mais pour cela, il faudrait qu'il finisse de manger son chapeau sur l'affichage unique au monde d'un taux de 75% punitif pour les « riches » qu'il a dit une fois ne pas aimer. Aujourd'hui, les pauvres le lui rendent bien !

 

Philippe Mabille

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Commentaires 26
à écrit le 26/09/2013 à 12:04
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J'ai déniché un tableau du nouveau montant des impots après suppression d'une niche fiscale approuvée à la majorité des parlementaires en 2011 : ça a l'air de correspondre , malheureusement , et ça fait très mal , mais pour les contribuables concer...

le 26/09/2013 à 14:57
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Le terme mensuel est mal placé , il correspond aux revenus mensuels , soit 1300 euros/mois , 1400 euros/mois , etc... les autres nombres , représentant le montant des impots correspondants , sont annuels , évidemment ! Exemple : le contribuable qu...

à écrit le 26/09/2013 à 10:56
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Exempter le football est une faute majeure ! Cette décision fait passer le message que pour le gouvernement, la distraction prime sur l' EMPLOI...

à écrit le 26/09/2013 à 10:47
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Cet article commence par un lapsus : le seuil de douleur, çà n'existe pas. Mais, par contre, le seuil de résistance à la douleur, on en en plein dedans.

à écrit le 26/09/2013 à 10:31
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Et si on abolissait à nouveau les privilèges (il y a du boulot) et qu'on recoupait quelques têtes, traitres de syndicats compris ?

à écrit le 26/09/2013 à 10:09
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Ce budget ne se fait pas en faveur des entreprises en général, mais des grandes entreprises uniquement. Justement celles en mesure de délocaliser et de créer le moins d'emplois. Le PS a toujours agit de la sorte.

à écrit le 26/09/2013 à 9:48
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Tout ce cirque est juste pathétique! Une augmentation massive des impôts pour tous et à la sortie feindre la surprise que les travailleurs sont révoltés. On se moque de qui. Soit ces élites auto-proclamées sont définitivement en dehors de toute réali...

à écrit le 26/09/2013 à 8:41
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Et si le gouvernement dépensait que la moitié de ces frais de fonction ? Que les ministres payent (enfin) des impôts et que les anciens ministres rende leurs voitures de fonction à la fin de leurs mandats, pour des scooters !

à écrit le 26/09/2013 à 8:37
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Au risque de me répéter, il ne s'agit ni d'une politique de l'offre, ni d'une politique de la demande, juste une politique de gribouille qui consiste à geler les dépenses sans discernement et à augmenter ou compenser par à-coups la fiscalité, tantôt ...

à écrit le 26/09/2013 à 5:02
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On peut augmenter tous les impôts. Cela permettra de gagner du temps avant que le système ne s'effondre. Dans un pays où plus de la moitié de la population ne paient pas d'impôts sur le revenu mais bénéficient d'aides, il y a gros à parier que la fin...

le 26/09/2013 à 7:52
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L'IR suffit à peine à rembourser les intérêts de la dette et la TVA (que tout le monde paye) rapporte bien plus que cet impôt. Quant aux aides sociales, sachez que les deux postes principaux sont l'assurance maladie et les retraites, financés par les...

le 26/09/2013 à 8:41
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Vous gagnez bien votre vie, pas besoin de pleurer !

à écrit le 25/09/2013 à 21:19
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Bernard Mabille oublie les maximes fiscales 2.0. Si les impots deviennent ras-le-bolesques, en 3 clics, je transfers mes avoirs ailleurs. Inutile d'aller dans un pays exotique, Les USA ou la GB sont très biens et collaborent fiscalement avec la Franc...

le 26/09/2013 à 7:53
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Parfait, vous serez aux premières loges de la banqueroute ! Vous nous raconterez ce que ça fait ...

à écrit le 25/09/2013 à 20:10
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Ceux à qui il en reste un peu mais pas suffisamment pour défiscaliser vont faire un arbitrage sévère. Et la politique de l'offre s'échouera sur des carnets de commandes vides. Ceux qui le peuvent vont se barrer de ce pays de dingue qui paye très cher...

le 25/09/2013 à 20:46
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Excellent ! jolie littérature, un des derniers restes de ce pays ...

le 26/09/2013 à 8:42
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n'oubliez pas les tableaux de maîtres qui ne sont pas soumis à l(ISF

à écrit le 25/09/2013 à 19:42
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Avec Normal 1er, la fiscalité c'est tout en finesse, taxman style.

à écrit le 25/09/2013 à 19:11
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C'est pourquoi, sur la pointe des pieds, je vais me retirer dans un pays plus accueillant. Je constate qu'aucun effort n'a été demandé aux élus, pas de diminution envisagée du nombre pléthorique de sénateurs et députés, pas de déstratification admini...

le 26/09/2013 à 8:43
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sont pas d'accord pour lâcher le cumul des mandats! ....sans compter le P...TAIN de reste... !

le 26/09/2013 à 10:17
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Un retraite qui se plaint qu il paie trop d impot ... c est de l humour ??? Savez qui paie votre retraite tous les mois ? Qui paie vos soins medicaux ? S il n y avait pas tous ses cons de jeunes actifis pour cracher au bassinet, vous devrez vous serr...

à écrit le 25/09/2013 à 19:01
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Fiscalité 46 pour cent du PIB, dépenses publiques 56 pour cent..on fait comment pour le break even?

le 25/09/2013 à 20:46
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Avec le nombre de vioques qui se profile, rêvez pas trop !

à écrit le 25/09/2013 à 18:53
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Les prochaines élections municipales seront l'occasion de faire baisser la douleur (seulement le soir des élections)

le 25/09/2013 à 19:28
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les élections ne seront pas municipales, mais une guillotine.

le 26/09/2013 à 8:44
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Que les Dieux, vous entendent !

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