Le mini-Godesberg de François Hollande

On dit que François Hollande n'aime pas les ruptures... Façon de se démarquer de son prédécesseur... Pourtant, à défaut de tournant, l'accélération que préfigure le pacte de responsabilité est bien une rupture dans le socialisme français. À la mode du programme de Bad-Godesberg du SPD en 1959 ?
Philippe Mabille

Bien sûr, il ne s'agit pour l'instant que de paroles et les Français, ménages comme entreprises, ne veulent plus se payer de mots. Ils attendent des actes, et surtout des résultats. Impossible néanmoins de faire comme si la conférence de presse du 14 janvier 2014 de François Hollande ne marquait pas une rupture, importante, pour le pays. Ne parlons pas de « tournant » à la mode 1983 et créditons le chef de l'État d'une volonté d'approfondir le choix assumé d'une politique de l'offre tournée vers la compétitivité des entreprises. François Hollande affirme même qu'il s'agit d'une « accélération » et a fixé un calendrier très court, le printemps, pour la mise en place du « pacte de responsabilité » qu'il propose aux Français.

Une référence vient à l'esprit, celle du programme de Bad Godesberg du parti social-démocrate allemand, le SPD, adopté en 1959 pour marquer la rupture avec le marxisme révolutionnaire. François Hollande a-t-il fait son mini-Godesberg en clarifiant ainsi son appartenance à la social-démocratie ? C'est lui faire un mauvais procès, car ce proche de Jacques Delors a toujours été un social-démocrate convaincu. Mais c'est certain, pour sa gauche, le « pacte » sera dur à avaler. Placé au pied du mur et à la tête d'un pays considéré à tort ou à raison comme « l'homme malade de l'Europe », François Hollande semble donc se réincarner en un Tony Blair ou un Gerhard Schröder français, choisissant le courage de l'impopularité pour faire enfin les réformes indispensables pour remettre le pays sur de bons rails.

Faut-il y croire ? S'en féliciter ?

À la gauche, Hollande assure qu'il reste à l'antithèse du libéralisme et promet que la redistribution viendra, après les sacrifices. La vie privée du président de la République trouble le message. « Un homme dont la vie personnelle est instable et qui ment à sa compagne peut-il être honnête avec les Français ? », se demandent les adeptes de la psychologie de bazar. D'autres assurent que c'est un François Hollande à la fois libre et libéré qui vient de proposer un nouveau « contrat de confiance » au pays, un historique « compromis social ». Le programme est ambitieux, volontariste et cohérent, au point que, tout en demandant des « clarifications » (le tour de passe-passe sur les 20 milliards du CICE fait craindre une entourloupe), le Medef, mais aussi une partie de la droite « barriste », ont applaudi.

Et si, finalement, François Hollande était une Angela Merkel qui s'ignore ? La chancelière allemande a assuré sa réélection l'an dernier en reprenant une partie du programme du SPD, notamment la création d'un salaire minimum. Le président français cherche, lui, son salut en 2017 dans un vol avec effraction du programme de l'UMP. Supprimer les cotisations familiales, Sarkozy en avait rêvé, Hollande le fait ! Ce faisant, il déplace le centre de gravité de la politique française vers le centre droit et ramène le vieux socialisme de la redistribution au rang des reliques du XXe siècle.

À chacun désormais « de prendre ses responsabilités », a-t-il lancé comme un défi à toutes les parties prenantes. L'État fera sa part en baissant le coût du travail - via la suppression de l'équivalent des cotisations patronales à la branche famille - et en réduisant les dépenses publiques. Aux entreprises de démontrer que l'offre peut, comme il l'affirme, créer sa propre demande, en relançant l'investissement et l'embauche. Salué comme un « clair changement de paradigme » par la CDU, le parti d'Angela Merkel, le nouveau cap fixé par François Hollande sera vu par les uns, à l'extrême gauche et à l'extrême droite, comme une preuve supplémentaire de l'hégémonie allemande en Europe. D'autres, les plus lucides, y verront la dernière chance de la France de reprendre la maîtrise de son destin face au risque d'un déclassement inéluctable, que démontre le décrochage de la croissance alors que les pays occidentaux qui se sont réformés se relèvent rapidement.

Philippe Mabille

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