Après un an de guerre, les marchés s'envoient en l'air !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Les marchés financiers ne voient pas venir la crise et volent de sommets en sommets. Laurent Berger est devenu le pivot de la sortie de crise de la réforme des retraites. Le Medef se tâte autour de la succession de son nouveau président.
Philippe Mabille
(Crédits : Reuters)

La crise, quelle crise ? A une semaine du triste anniversaire du début de « l'opération militaire spéciale » déclenchée le 24 février 2022 à la surprise générale par Vladimir Poutine (et d'une probable nouvelle offensive russe), il est utile de regarder le monde tel qu'il continue à fonctionner alors que la guerre tonne depuis un an aux portes de l'Europe.

Après une période de forte instabilité, marquée par la flambée des prix de l'énergie et le retour d'une inflation dont on avait oublié l'existence en Occident, les banques centrales semblent avoir réussi à crédibiliser leur capacité à contenir la poussée des prix, avec l'aide il est vrai des Etats qui via des subventions massives aux ménages (500 milliards d'euros à l'échelle de l'Europe) ont limité l'impact social de la crise énergétique avec plus ou moins de succès. Dans un entretien exclusif avec les journalistes de La Tribune Grégoire Normand et Robert Jules, l'économiste en chef du FMI se montre d'un « optimisme prudent » et pense qu'une récession sera évitée à condition que l'on ne répète pas la même erreur qu'en 2012 : « il ne faut pas mettre en place des programmes d'austérité », explique Pierre-Olivier Gourinchas. Attention toutefois aux effets de second tour avec la réouverture de la Chine qui pourrait faire monter les prix du pétrole et du gaz et surtout l'indispensable transition écologique qui aura des effets inflationnistes qu'il faudra compenser pour les ménages modestes.

L'économiste en chef du FMI donne également quitus à la réforme des retraites menée en France qui pourrait permettre d'augmenter le taux d'emploi et donc la croissance potentielle du pays, à condition qu'elle aboutisse à une augmentation du nombre des seniors au travail... En supprimant, avec les voix des frondeurs de la droite, l'article 2 sur l'index Senior, l'Assemblée nationale a mis le doigt sur le caractère hypocrite de cette mesure qui n'est assortie d'aucune réelle contrainte de nature à changer les pratiques des entreprises qui ont remplacé les préretraites d'antan par des ruptures conventionnelles collectives ou individuelles.

Examen de l'article 7 qui reporte de 62 à 64 ans l'âge légal ou pas, les regards se tournent surtout vers le 7 mars, date à laquelle les choses sérieuses pourraient commencer avec l'appel à une grève reconductible pour, aux dires de Laurent Berger lui-même, « bloquer le pays ». Elisabeth Borne a de nouveau reculé en partie sur les carrières longues mais le débat sur les 43 ou 44 années de cotisations pour avoir droit à une carrière à taux plein bascule dans l'absurde : 44 ans si on a commencé à 14, 16 et 18 ans, 43 ans à 15, 17, 19, 20 ans, voilà encore un coup de génie de la technocratie à la française. Un coup de champion du monde, presque aussi fort que la distinction entre biens essentiels et non essentiels pendant les confinements. De quoi attiser en tout cas le ressentiment d'injustice et à croire que le gouvernement le fait exprès ! Le groupe Horizons, le micro parti d'Edouard Philippe, réclame désormais comme toute la droite un maximum de 43 ans de cotisation pour tous pour apporter une majorité au texte emblématique d'Emmanuel Macron.

Les échanges qui ont enflammé l'Assemblée nationale ont montré le pire, avec des députés Nupes qui ont montré le pire en traitant Olivier Dussopt, le ministre du Travail, « d'assassin ». A partir de lundi, cela sera désormais au Sénat de prendre la main dans le cadre de la procédure accélérée de l'article 47-1 de la Constitution. La droite majoritaire à la chambre haute devrait par cohérence avec elle-même donner son soutien à la réforme Macron dans la perspective du vote final prévu le 28 mars. Mais l'état de la tension sociale dans le pays pourrait rendre l'approche du printemps particulièrement chaude et le danger est de voir l'adoption des 64 ans laisser à Emmanuel Macron le champ de ruine d'un pays plus fracturé que jamais, ce qui ne sera pas bon pour mener d'autres réformes d'ici la fin du quinquennat.

S'il y en a un qui se « refait la cerise » - pour reprendre l'expression fétiche d'Emmanuel Macron en privé - sur le dos de la réforme des retraites, c'est bien Laurent Berger. Par son refus clair et net, le leader de la CFDT, le premier syndicat de France, respecte le mandat de ses électeurs et engrange les soutiens et les adhésions. Au point que d'aucuns,rappelant son « pacte pour le pouvoir de vivre » conçu avec des Verts et des ONG, lui imaginent un destin national et pourquoi pas l'Elysée. Il est vrai que le macronisme, qui s'est construit sur un procès d'impuissance publique des partis politiques et du paritarisme à la papa (il suffit de relire les pages du livre « Révolutions » du candidat Macron de 2017), risque de disparaître avec son fondateur qui, ne pouvant se représenter une troisième fois, laisse un champ de ruine politique pour 2027, dont seul Marine Le Pen et le Rassemblement national semble tirer les marrons du feu.

Absente de la réforme, la retraite par capitalisation est pourtant déjà monnaie courante pour les fonctionnaires, les sénateurs ou encore les pharmaciens. La France opère donc déjà la retraite par capitalisation mais de manière « désorganisée », selon Nicolas Marques, directeur général de l'institut Molinari, un think tank d'orientation libérale, interrogé par Jeanne Dussueil. Selon cet économiste, le système de retraite par répartition est à bout de souffle et risque d'accroître les inégalités entre les actifs.

La capitalisation, certains au Medef en rêvent, mais à voix très basse... Chut, pas de provocation inutile. Les patrons se font discrets par crainte d'un retour de bâton : index seniors, superprofits et profits tout court, ça commence à sentir le roussi et une odeur de taxe flotte au-dessus de l'odeur d'essence qui pourrait agiter les Gilets Jaunes... On se demande donc dans les cénacles patronaux si l'élection du nouveau président du Medef vaut bien la peine que l'on s'écharpe dans ce contexte national et international tendu. La bataille pour la succession de Geoffroy Roux de Bézieux, qui cédera son bureau avenue Bosquet le 6 juillet,aura-t-elle lieu ? Fanny Guinochet a fait le tour des popotes patronales...et des surprises sont encore possibles !

Autre « débat interdit », que feu Jean-Paul Fitoussi, ex patron de l'OFCE et auteur d'un livre du même nom, aurait adorer endosser, ne faudrait-il pas changer la cible d'inflation de 2% ? Le sujet est tabou chez les banquiers centraux mais il commence à agiter le cénacle des économistes. Le débat a été relancé par Olivier Blanchard, ex-chef économiste du FMI, en novembre dernier. Dans une tribune publiée dans le Financial Times, cet économiste respecté et écouté plaide pour que la cible d'inflation des grandes banques centrales -actuellement de 2 % - soit revue à la hausse, à au moins à 3%. La question mérite en effet d'être posée alors que l'inflation est désormais bien supérieure à 5 % dans les pays développés. Dans le cadre du débat Pour ou contre, Eric Benhamou a demandé leur avis à Christopher Dembik,directeur de la recherche macroéconomique de Saxo Bank, et Gilles Moëc, chef économiste chez Axa.

Les marchés eux ont choisi leur camp et ont défié cette semaine les banques centrales en renouant avec leurs plus haut. Porté par les résultats exceptionnels des géants du luxe et de l'énergie, notamment, l'indice CAC 40 a atteint jeudi un record de clôture à 7380 et quelques points. Et les banques centrales de s'affoler tant cette exubérance ne semble pas bien rationnelle. Font-ils fausse route ? s'interroge Eric Benhamou.

A date, la micro-économie, les résultats des entreprises, a déjoué voire contredit la macro-économie. Mais les traders le savent bien : certes, le marché a toujours raison, mais on ne gagne jamais contre la Réserve fédérale (« don't fight the Fed ») surtout lorsque celle-ci, comme la BCE, annonce encore des hausses de taux. Ceci dit, il faut être cohérent : si comme le disent les banques centrales, l'inflation sera revenue à la normale d'ici 2024, les marchés n'ont pas tort d'anticiper le meilleur plutôt que le pire. Mais comme chacun sait, les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel...

Quitte à prendre de l'altitude avec les marchés financiers, regardez aussi les étoiles avec Thierry Breton, le commissaire européen en charge de la politique industrielle. Michel Cabirol raconte comme l'ancien patron de France Télécom et d'Atos est en train d'imposer la constellation IRIS² à l'Union européenne. Un projet qui vise le déploiement de 170 satellites en orbite basse entre 2025 et 2027. Et un enjeu majeur de souveraineté comme le montre la guerre en Ukraine où c'est Elon Musk qui a fourni des solutions de connectivité à l'armée de Zelensky.

Avec la guerre des ballons Chine-Etats-Unis et la bataille des constellations de satellite, la très haute altitude devient un nouvel espace stratégique conflictuel entre grande puissance. La guerre en Ukraine ne se joue pas que sur terre avec des chars, mais aussi dans le ciel et même l'espace.

Philippe Mabille

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Commentaires 14
à écrit le 19/02/2023 à 16:02
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Sur le long terme, ce ne sont que des épiphénomènes. Après la pluie, c'est le beau temps et vice versa. Le tout est de savoir quel est son horizon personnel. Mon épargne est placée sur le marché boursier depuis 1994 et je suis toujours très positif. ...

le 19/02/2023 à 20:42
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Expliquez-nous donc votre méthode car si sur le papier la démonstration est convainquant dans la réalité elle l'est moins du simple fait que les entrées et sorties ne se font que très rarement dans les meilleures conditions et ce quel que soit la fo...

le 20/02/2023 à 9:26
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Je souhaite pour vous d'avoir l'occasion de pouvoir l'emporter dans votre tombe le plus tard possible ! :-)

à écrit le 19/02/2023 à 9:01
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A méditer: "On croit mourir pour sa patrie, on meurt pour des industriels" - Anatole France..

à écrit le 18/02/2023 à 14:49
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L'euphorie a toujours précédée les krachs boursiers, c'est même son principal signal annonciateur.

le 18/02/2023 à 21:44
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Effectivement.. mais ils n'est pas encore dans l'exubérance...

à écrit le 18/02/2023 à 13:20
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« S’envoyer en l’air » est une expression populaire, voir argotique, pour désigner le fait d’avoir une relation sexuelle. Quel rapport avec des cours de bourse ? Est-ce un langage normal pour un quotidien économique ? L’effondrement actuel du nive...

le 19/02/2023 à 9:02
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"Quel rapport avec des cours de bourse ?" Le mot bourse peut-être ?

à écrit le 18/02/2023 à 12:53
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Macron, laisse moi prendre MON POGNON que j'ai gagné en tant que petite fonctionnaire et arrête L'INQUISITION BANCAIRE. S' il y a la guerre ou un gros bug informatique, comment mangerais-je. Rejoignez mon combat contre la loi tracfin.

le 19/02/2023 à 20:45
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Merci de ne pas jouer les usurpateurs ou trices avec mon pseudo .

à écrit le 18/02/2023 à 12:09
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On s'inquiète de la dette mondiale. Mais on oublie trop souvent les montagnes d'épargne au niveau mondial. Épargne qui atteignent des sommets, dépasse l'endettement, et cherche désespérément des placements qui rapportent un peu plus que l'inflation. ...

le 19/02/2023 à 20:47
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80% des épargnants sont réfractaires aux risques donc à la bourses .

à écrit le 18/02/2023 à 11:31
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Les indices boursiers ne sont pas des indicateurs fiables de la santé de l'économie réelle , ils sont juste un repère pour les spéculateurs .

à écrit le 18/02/2023 à 9:24
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Cela ne mise pas sur le futur mais sur la financiarisation, l'occultation de la monnaie va générer l'inflation jusqu'à vider les épargnes licites ...! Préparons nous a faire du troc et de la monnaie locale ! ;-)

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