Thierry Breton, l'architecte de la politique spatiale européenne qui a su imposer la constellation IRIS

En un temps record, Thierry Breton a imposé la constellation satellitaire IRIS², qui donnera à l'Union européenne et à ses pays membres des communications ultra sécurisées. Le commissaire va également présenter début mars une stratégie spatiale pour l'Europe.
Michel Cabirol
« On le vit tous les jours en Ukraine, la connectivité par les satellites LEO dans des zones de conflit est absolument cruciale. C'est un élément désormais déterminant des théâtres d'opération. C'est une capacité essentielle - il faut bien dire les choses - que l'Europe n'a pas et que fournira IRIS² », a expliqué Thierry Breton.
« On le vit tous les jours en Ukraine, la connectivité par les satellites LEO dans des zones de conflit est absolument cruciale. C'est un élément désormais déterminant des théâtres d'opération. C'est une capacité essentielle - il faut bien dire les choses - que l'Europe n'a pas et que fournira IRIS² », a expliqué Thierry Breton. (Crédits : YVES HERMAN)

Tel un bulldozer, Thierry Breton a tout emporté - quitte à froisser certaines susceptibilités à Bruxelles et dans certaines capitales européennes - pour imposer la constellation IRIS² à l'Union européenne. En seulement un an. Ce tour de force incroyable permettra aux États membres de l'Union européenne (UE) « un accès garanti à une communication ultra sécurisée, globale, autonome et qui réponde à leurs besoins opérationnels », a rappelé lundi dans la soirée le commissaire européen pour le marché intérieur au Parlement européen à Strasbourg, qui a massivement voté en faveur de ce programme souverain (603 pour, 6 contre, 39 abstention). Cette constellation est principalement dédiée à des usages gouvernementaux (services publics), notamment dans la sécurité et la défense.

« On le vit tous les jours en Ukraine, la connectivité par les satellites LEO dans des zones de conflit est absolument cruciale. C'est un élément désormais déterminant des théâtres d'opérations. C'est une capacité essentielle - il faut bien dire les choses - que l'Europe n'a pas et que fournira IRIS² », a expliqué Thierry Breton.

Et Thierry Breton n'a pas l'intention de souffler. Il veut continuer à aller vite. Au pas de charge. Il compte lancer le principal d'offres d'ici à un mois « pour pouvoir avancer vite ». Le commissaire envisage la mise en service des services initiaux dès 2024, puis avoir des services complets en 2027. Le programme IRIS² vise le déploiement de 170 satellites en orbite basse entre 2025 et 2027. L'UE prévoit de le financer à hauteur de 2,4 milliards d'euros, l'ESA apportant de son côté 750 millions d'euros. En outre, IRIS² sera construite sur la base d'un partenariat public privé. « On va ouvrir cette possibilité à un ou plusieurs partenaires », a expliqué Thierry Breton.

Des critères d'éligibilité « exigeants »

« L'usage premier d'IRIS², je le répète et je crois que c'est très important, sera gouvernemental, a-t-il martelé à plusieurs reprises. Et ceci impose de restreindre la participation aux acteurs européens tel que le définit le programme spatial. On sait le faire. On l'a déjà fait avec Galileo par exemple. On sera évidemment le faire ». Dans ce contexte, les critères d'éligibilité pour les entreprises qui développeront IRIS², seront donc « exigeants », a confirmé Thierry Breton. « Nous ne compromettrons en aucun cas la sécurité et la souveraineté de cette infrastructure. Et je tiens à le dire très clairement, ce sera donc aux industriels de s'adapter, évidemment pas l'inverse », a-t-il insisté.

Pas question d'accepter des entreprises qui ont eu un lien technologique avec la Russie. « Nous ne pourrons accepter aucun risque d'interférences directes ou indirectes avec ceux qui présentent une surface de risques avec la Russie », a-t-il réitéré comme il l'avait déjà évoqué dans La Tribune. Car, a-t-il estimé, « la guerre en Ukraine change tout et de façon durable, probablement même, disent certains, définitive, en tout cas sur le très long terme ». Thierry Breton veut très clairement développer et concevoir une constellation souveraine pour des communications sécurisées, qui font clairement défaut aujourd'hui à l'UE. En outre, elle consolidera la souveraineté technologique de l'UE.

Thierry Breton souhaite donc intégrer l'état de l'art en matière de sécurisation de la connectivité en envisageant une utilisation du cryptage quantique. L'Agence spatiale européenne (ESA) s'est mise au diapason en sélectionnant en janvier pour le projet baptisé TeQuantSun, un consortium d'entreprises européennes, dirigé par Thales Alenia Space. Il devra développer des technologies de communications quantiques entre l'espace et la Terre afin de protéger les réseaux contre les cyberattaques. Ce programme s'intègre pleinement dans le programme IRIS².

Par ailleurs, le commissaire souhaite que ce programme soit « aussi l'occasion pour l'Union de faire de l'espace différemment en mettant à profit le tissu de startup du secteur, en donnant leurs chances à des nouvelles technologies ». Il prévoit notamment une participation des startup et des PME dans ce programme à hauteur de 30%. « Je mettrai en place une stratégie de passation de marchés publics qui permettra aux startup de développer des services spécifiques pour l'Union », a-t-il expliqué. Et de préciser qu'il « va s'agir que nos acteurs innovants se mobilisent pour pouvoir vraiment saisir ces opportunités qu'on leur tend. Je suis confiant. On fera tout pour les attirer, notamment à travers des contrats flexibles et avec une stratégie dite incore customer » (client principal, ndlr).

Une future stratégie spatiale européenne

Thierry Breton voit plus loin que la seule constellation IRIS², qui n'est finalement qu'un moyen, tout comme Copernicus et Galileo. Cette troisième constellation souveraine renforce l'Union comme un acteur majeur de l'espace. Il estime que IRIS² est une infrastructure avec des visées géopolitiques. « De par sa couverture potentiellement globale, nous pourrons apporter de la connectivité là où c'est nécessaire. Et je pense bien entendu à l'Afrique où je souhaite que IRIS² joue un rôle important pour l'ensemble du continent africain », a-t-il expliqué

Thierry Breton a une vision d'une stratégie spatiale européenne. D'ailleurs, il va présenter début mars avec le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, une stratégie de l'espace et de la défense en suite directe de la Boussole stratégique. « Ce sera le premier texte de ce genre intégrant toute la dimension spatiale dans notre nouvelle approche de défense et proposant une doctrine spatiale, a-t-il souligné. « C'est une stratégie importante, un changement de paradigme au cœur duquel IRIS² évidemment et son volet gouvernemental jouera pleinement son rôle ».

Michel Cabirol

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Commentaires 8
à écrit le 15/02/2023 à 20:19
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Tout cela est bel et bon mais dans son état actuel, ce projet est tout sauf crédible. Penser qu’on pourra avoir des services en 2024 et un système opérationnel en 2026 alors qu’on a même pas une étude de phase B disponible (étude système détaillée) e...

à écrit le 15/02/2023 à 5:45
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C'est dommage que M. Breton ne semble pas du tout comprendre le marché des lancements spatiaux. L'Europe n'a pas la capacité de lancer la moitié de ce qu'il prévoit aux dates qu'il promet. Ariane 6 aura un nombre de lancements qui peut se compter sur...

à écrit le 14/02/2023 à 19:17
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" des communications ultra sécurisées." En 2023 nous n'avons toujours pas de communications sécurisées ? Ma femme me parlait d'étranges petits nuages de fumée sur les terrasses des ministères parisiens. Je lui est donc expliqué que Macaron et conf...

à écrit le 14/02/2023 à 18:55
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Bonjour, Dans tous les cas , ils est plus que souhaitable que l'Union européenne est enfin une stratégie de développement spatiale... Mr Breton T a très bien oeuvrait, car depuis sa nomination beaucoup de dossiers avance.... Au moins lui n'a pas ...

à écrit le 14/02/2023 à 17:41
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Pour son ego, ce monsieur a t il besoin d'un publi-reportage afin de convaincre les populations européennes ?

à écrit le 14/02/2023 à 16:32
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Pourquoi ne parle t on plus de Galileo, le GPS européen ? Le projet est abandonné pour mieux subordonner l'europe aux usa ?

le 15/02/2023 à 10:57
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Galileo est toujours en cours de déploiement, une vingtaine de satellites sont en orbite et fonctionnels. De nouveaux satellites sont en production. Avec un peu de chance vous pouvez même recevoir le signal sur votre smartphone....

à écrit le 14/02/2023 à 16:31
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Pourquoi ne parle t on plus de Galileo, le GPS européen ? Le projet est abandonné pour mieux subordonner l'europe aux usa ?

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