Citoyen Macron, où en est ton « Pacte girondin » ?

Synonyme de décentralisation du pouvoir, le «Pacte girondin» promis par Emmanuel Macron devant le Congrès réuni à Versailles, début juillet 2017, tarde à se matérialiser alors que dans le même temps, l’orientation de la politique gouvernementale hésite entre deux centres de gravité : une jambe droite incarnant l’ordre et incitant le pouvoir à accélérer le tempo des réformes (assurance-chômage, retraites) ; et une jambe gauche écolo-sociale, plus à l’écoute des corps intermédiaires et des attentes de la société civile. Au risque de susciter l'incompréhension. Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.
Le président de la République Emmanuel Macron.
Le président de la République Emmanuel Macron. (Crédits : Reuters)

Face au Congrès réuni à Versailles début juillet 2017, l'année de son élection, Emmanuel Macron avait appelé à conclure « de vrais pactes girondins » avec les territoires. Au menu, un tiers de parlementaires en moins, une dose de proportionnelle, réforme du Conseil économique, social et environnemental, un droit de pétition revu. Quinze mois plus tard, rien n'ayant avancé, le Pacte girondin est revenu en boomerang en direction de l'exécutif avec le déclenchement, le 17 novembre 2018, du mouvement des « gilets jaunes ». Sous-estimée au départ, cette crise sociale inédite aux revendications diverses, des taxes sur les carburants au Référendum d'initiative citoyenne, en passant par la dénonciation des privilèges des « élites » (les politiques, les métropolitains, les « riches »), a marqué profondément le quinquennat.

Si Emmanuel Macron a tenu bon en refusant de détricoter les réformes votées au début de son mandat, comme la suppression de l'ISF, marqueur de sa politique de l'offre probusiness, il a aussi mis sur la table un chèque de 17 milliards d'euros pour calmer les manifestations, de plus en plus violentes, et soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes. Paradoxalement, la crise des « gilets jaunes » a ainsi contribué à relancer l'économie française qui a ainsi résisté (provisoirement ?) aux nuages de la récession qui freine la croissance chez nos voisins.

Un président entre deux rives

La crise des « gilets jaunes » a aussi, de façon contre-intuitive, consolidé le pouvoir d'Emmanuel Macron, qui a non seulement su conserver, au plus fort de la tempête sociale, un socle de partisans inconditionnels, mais aussi a conquis une partie de l'électorat du centre-droit, rassuré par la figure du Premier ministre, Édouard Philippe. Du coup, l'orientation de la politique d'Emmanuel Macron hésite entre deux centres de gravité : une jambe droite incarnant l'ordre et incitant le pouvoir à accélérer le tempo des réformes (assurance-chômage, retraites) ; et une jambe gauche écolo-sociale, plus à l'écoute des corps intermédiaires et des attentes de la société civile.

Obligé de faire de la godille pour tenir l'équilibre entre ces deux axes, Emmanuel Macron entame sa troisième rentrée sociale sur un risque de malentendu. D'un côté, il en fait des tonnes pour donner des gages aux écologistes, sans doute avec sincérité sur l'Amazonie, mais sans grande efficacité ; de l'autre, il louvoie sur les réformes en semblant céder du terrain aux syndicats sur l'âge de départ à la retraite. S'il est prudent sur ces deux sujets, c'est que le chef de l'État sait très bien, comme le disait le Cardinal de Retz, qu'on ne sort de l'ambiguïté qu'à son propre détriment. Sur l'urgence climatique, Emmanuel Macron sait fort bien qu'il n'y a pas de solution sans rétablir une taxe carbone, mais que si elle est possible sur les billets d'avion, la crise des « gilets jaunes » ne permet pas de l'augmenter à nouveau sur les transports terrestres. Du moins tant qu'aucune solution ne sera apportée aux précaires de la mobilité que sont les habitants des zones périphériques et de la ruralité.

Plus que l'écologie, le grand rendez-vous de la rentrée est donc l'urgence de résoudre la fracture des territoires : pour se rétablir politiquement, Emmanuel Macron doit maintenant devenir le grand décentralisateur qu'il affirme vouloir être : redonner du pouvoir aux maires (le projet de loi « Engagement et proximité » sera débattu au Sénat en octobre), clarifier le millefeuille territorial en associant à chaque compétence un financement, ce qui signifie réformer la fiscalité locale dans le cadre du projet de loi de finances 2020 (la révision en cours des bases foncières en donne un avant-goût), et aller au bout des « 3D » : décentralisation, déconcentration, différenciation, ce qui sera le chantier du printemps 2020. Tout cela, Emmanuel Macron le sait bien, se passera sous le regard vigilant des « gilets jaunes », qui annoncent leur grand retour à partir de ce samedi.

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Commentaires 11
à écrit le 10/09/2019 à 11:54
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On comprend quand étant "européiste", on ne peut être ni de droite, ni de gauche, au risque d'une division absurde dans le dogme mais c'est bien une chose que l'on souhaite aux "eurosceptiques"! Cela se ressent dans toute les communications médiatiq...

à écrit le 10/09/2019 à 11:36
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micron n'a pas les moyens de ses pretentions. C'est un illusionniste et un vendeur de tapis a l'ancienne.. Trop de francais le croient. L'atterrissage va etre violent.

le 10/09/2019 à 14:12
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C’est quand même un peu mieux que son prédécesseur !!! Mais il fait beaucoup de bla-bla avec, au final, assez peu d’efficacité, à tel point que l’on va se retrouver en 2022 en poussant toujours devant nous les mêmes problèmes qu’en 2017 : déficits, d...

le 10/09/2019 à 15:44
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Au final ce que l'on voit c'est avant tout les résultats de la politique du prédécesseur allié a une conjoncture économique, des chiffres favorables et des mesures a un coup de l’actuel président (réforme de la comptabilité du chômage et durcissement...

le 10/09/2019 à 17:39
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"Trop de francais le croient"... En fait, non. 75% des français ne lui font pas confiance pour la réforme de la retraite. 64% estiment que sa politique est injuste et favorise outrageusement les riches. L'Elysée se sent pousser des ailes dès qu...

à écrit le 10/09/2019 à 8:50
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"et une jambe gauche écolo-sociale" LOL ! La loi qu'ils veulent sortir sur le sulfatage des champs agricoles par les produits chimiques industriels c'est la recommandation qu'il y a écrit dans sur les bidons de ces mêmes poisons ! 5 mètres de...

à écrit le 10/09/2019 à 8:22
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Un Jupiter peut il être girondin?

à écrit le 10/09/2019 à 7:43
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De la difficulté d'être et de gauche et de droite : et clairement ça penche largement à gauche : incapacité à réduire la dépense publique et en particulier les effectifs de la fonction publique, réticence à prendre les mesures nécessaires comme le re...

le 10/09/2019 à 10:29
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Report de la retraite au delà de 65 ans ? Vous avez envie de travailler jusqu'à 70 ans, vous ? Grand bien vous fasse ! Après tout, on a le droit de considérer que le but sa vie c'est de travailler jusqu'à ce que mort s'en suive :D

le 10/09/2019 à 11:05
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Réduire la dépense publique? Où, quand, comment? Quelles solutions donnez vous pour y arriver? Très beau sur le papier et dans certains discours, mais dans les faits que voulons nous ? Des service de santé efficients , des services publics toujours p...

le 10/09/2019 à 14:31
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@Cynique Bruno-bd est déja en retraite ,il est dans les 49% de ces retraités qui souhaitent une augmentation de l'âge de départ pour les autres (voir l'article de la tribune sur les conflits à venir).Ce sont souvent d'ailleurs des retraités par...

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