Danser jusqu'à ce que la lumière s'éteigne

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Malgré la chaleur ambiante, il faut s'attendre un hiver rigoureux : sobriété et récession seront les mots de l'année.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

Bonne nouvelle, Emmanuel Macron sortirait enfin de sa déprime (passagère ?) évoquée par plusieurs médias depuis son échec à trouver une majorité autre que relative lors des Législatives. Ce 14 juillet, après deux mois de flottement, le président de la République a enfin revêtu le costume de chef de guerre pour s'adresser aux Français en renouant avec la tradition de l'interview télévisée, à laquelle il se refusait jusque-là. Offensif et pugnace sur l'affaire Uber -« ça m'en touche une sans bouger l'autre », a-t-il lancé à quelques journalistes empruntant une formule que même Jacques Chirac, son inventeur, n'a jamais prononcé publiquement-, a-t-on enfin retrouvé le président Macron à son meilleur ? Notre chroniqueur, Marc Endeweld, en doute un peu : il endosse le costume mais au-delà la com', il n'a guère de bonnes nouvelles à annoncer aux Français qui ont l'esprit aux vacances d'été. L'automne sera rude sur le front de la guerre avec Poutine, prévient-il pourtant, et pour l'hiver, ce sera dur. « Winter is coming » avertit Emmanuel Macron annonçant comme « probable » une coupure des fournitures de gaz russes en Europe.

La guerre pour nous, sera celle de la « sobriété », le mot de la fin de l'année, difficile à endosser pourtant, même par le président, tant sa signification reste floue y compris dans la communication gouvernementale. Lors d'un déjeuner chez Europlace, l'association de promotion de la place financière de Paris, la ministre de la sobriété énergétique, Agnès Pannier-Runacher, lui a préféré le mot, plus chic il est vrai, de « sufficiency » en anglais. De fait, comme on peut s'en douter, il ne suffira pas de baisser de 1°C ou 2°C la température de notre chauffage, ni d'acheter pulls et chaussettes si l'hiver est froid, pour nous sauver. C'est qu'il ne s'agit pas seulement de nous passer de gaz russe, mais aussi d'affronter une situation inédite avec la mise à l'arrêt de nombre de nos réacteurs nucléaires pour maintenance et réparation. Résultat, la France se retrouve fort dépourvue et les Français peuvent s'attendre à payer beaucoup plus cher leur électricité et leur gaz, lorsque prendra inévitablement fin le bouclier énergétique.

La loi sur le pouvoir d'achat, qui sera votée au Parlement, va avoir un effet d'atténuation de la hausse pour les plus modestes, en ciblant les aides, mais pour les classes moyennes, le choc à venir sera violent, lorsque l'on reviendra à la vérité des prix. « En même temps », quoi de mieux qu'un bon signal prix pour changer les comportements. Le président de la République a souligné que cette crise était aussi l'occasion de réaliser la transition écologique sur laquelle la France a pris tant de retard.

La sobriété sera énergétique, mais aussi budgétaire. Dans son interview depuis les jardins de l'Elysée, Emmanuel Macron a aussi prévenu que le « quoi qu'il en coûte » était arrivé à son terme. Avec la remontée des taux d'intérêt, qui va s'accélérer la semaine prochaine avec la première hausse des taux par la Banque centrale européenne, l'Etat va devoir s'appliquer à son tour la sobriété à laquelle il nous invite. Il y aura moins d'argent magique, c'est plutôt une bonne nouvelle pour nos enfants, qui devront payer nos dettes. Et il faudra aussi travailler plus longtemps, a répété Emmanuel Macron, évoquant sur la pointe des pieds le relèvement de l'âge de départ à la retraite, tout en laissant ouverte la façon d'y parvenir : mesure d'âge ou plus probablement extension de la réforme Touraine d'augmentation progressive de la durée de cotisation.

Ainsi va la France en cet été 2022. A Versailles, au Sommet Choose France, les investissements étrangers continuent de pleuvoir, bonne nouvelle. Avec près de 7 milliards d'euros, et un projet emblématique dans les semi-conducteurs à Grenoble.

Les lumières sont allumées à Versailles, mais comme le dit la formule célèbre de l'époque de la « chasse au Gaspi », ce n'est « pas Versailles ici ». Le président d'EDF, Jean-Bernard Lévy, sur le départ pour laisser place à un successeur chargé de mettre en œuvre le programme de construction de nouveaux réacteurs en jachère depuis dix ans, propose carrément à la maire de Paris l'extinction de la Tour Eiffel la nuit pour faire mieux comprendre aux Français la gravité de la situation énergétique, raconte Juliette Raynal. En fait d'extinction des feux, c'est EDF qui ouvre le bal en suspendant sa cotation à la Bourse de Paris jusqu'au 19 juillet, pour calmer la spéculation sur son titre, qui flambe dans l'attente de connaître le prix que paiera l'Etat pour indemniser les minoritaires et nationaliser l'électricien national. Une chose est sûre : demain, EDF sera moins une entreprise qu'un vaste programme nucléaire national, souligne Fabrice Gliszczynski.

Pour passer l'hiver, il va falloir nous adapter, changer de mode de consommation et peut-être même accepter des restrictions, souligne Marine Godelier. La transition écologique sera aussi un défi politique. Le Conseil d'analyse économique a formulé des recommandations à Elisabeth Borne pour éviter une fronde sociale. Les Gilets Jaunes restent dans les mémoires et pourraient bien se rappeler au bon souvenir d'Emmanuel Macron avant la fin de l'hiver. Mais cette fois, c'est différent. La flambée de l'inflation, même si elle reste plus modérée en France qu'aux Etats-Unis, laisse craindre que les mois en « R », qui caractérisent le passage de l'été à l'automne, soient aussi ceux de l'entrée de l'économie mondiale en RécessionLes marchés financiers ne parlent que de cela et s'inquiètent. Inflation, Récession, Sobriété, en attendant de voir si le pire est à venir, passons un bel été !

Un été que La Tribune a commencé aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence organisées par le Cercle des Économistes. Retrouvez ici et sur latribune.fr toutes les interviews réalisées à cette occasion avec les dirigeantes et dirigeants venus sur notre studio en plein air.

Philippe Mabille

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Commentaires 10
à écrit le 17/07/2022 à 20:40
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Coupure ? quelle coupure ? c'est lui meme qui a ordonné (sous contraintes ou pas des US) de ne pas acheter du gaz à la Russie . Si on est dans la panade c'est 100% de sa responsabilité ,, jamais une personne logique et équilibré n'aurait osé se cou...

à écrit le 17/07/2022 à 4:05
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On nous raconte n'importe quoi . Lors des sanctions nous étions assurés d'avoir du gaz :" grosses réserves en France et si les réserves sont épuisées pas de soucis ,nous pouvons en acheter partout ." 1er mensonge " On n'aura plus de gaz car Poutine...

le 17/07/2022 à 20:43
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100% d'accord et ill ne fait pas compter sur les medias pour mettre les choses au clair . Ici le journaliste ose écrire "coupure" pour une auto interdiction de se fournir chez les Russes

à écrit le 16/07/2022 à 10:47
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"Ca n'est pas Versailles ici !" Ah bon ? Alors en même temps on décrète que la France ce sont les lumières mais ce n'est pas Versailles... Toujours cette schizophrénie du en même temps auto contradictoire... En fait c'est comme souvent l'exact ...

le 16/07/2022 à 12:05
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Cépafo. +1

à écrit le 16/07/2022 à 9:48
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Eh ben pour se chauffer on achètera moins de choses inutiles, de mauvaises qualité qui arrivent du bout du Monde. Des économies sont à faire en coupant dans la pléthore des abonnements liés à Internet, en cuisinant un peu, plutôt que de se faire livr...

le 16/07/2022 à 16:24
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Je partage ce point de vue … il est grand temps de prendre les choses en main d arrêter d attendre tout de l état … pour que chacun fasse ses choix en fonction de ses possibilités mais face des réellement choix au lieu de beugler …. Perso depuis 3 ...

le 16/07/2022 à 16:27
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Je partage ce point de vue … il est grand temps de prendre les choses en main, d arrêter d attendre tout de l état … pour que chacun fasse ses choix en fonction de ses possibilités mais face réellement des choix au lieu de beugler …. Perso depuis...

à écrit le 16/07/2022 à 9:29
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Faudra qu'on m'explique pourquoi la cotation d'EDF n'a pas été suspendue dès l'évocation de la renationalisation ...

le 18/07/2022 à 6:56
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Peut-être pour permettre aux actionnaires privés de faire une belle plu-value lors de la nationalisation.

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