Ils parlent d'une même voix et c'est déjà tout un programme. L'appel commun dans La Tribune Dimanche signé par deux anciens Premiers ministres est un événement dans ce moment de fortes tensions. L'homme de droite Édouard Philippe et celui de la gauche républicaine Bernard Cazeneuve affichent leurs « idées claires » dans ces « temps obscurs ». En 2017, les deux Normands se sont succédé à Matignon. L'un venait d'accompagner François Hollande dans son chemin de croix. L'autre franchissait le Rubicon, passant de la droite à Emmanuel Macron.
Aujourd'hui, ils s'inquiètent pour leur pays par-delà leurs ambitions présidentielles parallèles. Le camp des modérés se ressaisit. Il est temps car la scène politique vire à l'émiettement et à la radicalisation. Avec en toile de fond l'interminable débat sur le projet de loi immigration. Encalminé depuis des mois au Sénat, il reprend demain son parcours parlementaire. Avec une immense incertitude sur l'issue de ce texte clé pour l'avenir d'Élisabeth Borne à Matignon et pour celui du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Depuis des mois, la majorité et la droite tentent en vain de s'accorder. La surenchère des uns et les calculs politiques des autres empêchent jusqu'à présent tout rapprochement. Au fil de sa présidence, Emmanuel Macron a pris conscience de l'importance de cette préoccupation majeure des Français. Sa première loi (votée sous Gérard Collomb) n'a servi à rien. Les flux migratoires restent incontrôlés. L'espoir porté en 2022 pendant la présidence française de l'Union européenne avec le « pacte migratoire » a fait long feu faute d'accord entre les Vingt-Sept.
Ce texte défendu par Gérald Darmanin est devenu le texte de tous les dangers politiques faute de majorité absolue au Parlement. Ce qui se joue aussi dans cette bataille, c'est un peu l'avenir du camp des modérés. En clair : les macronistes et la droite républicaine sont-ils capables de trouver un compromis ? Au printemps, les LR avaient lâché la Première ministre sur les retraites. Cet hiver, ils peuvent se rattraper ou bien emprunter définitivement une autre voie qui les conduira, peu ou prou, à se diluer dans le camp nationaliste, voire celui de l'extrême droite. Ne pas trouver les moyens de s'accorder sur ce sujet, c'est d'une certaine manière, après le précédent des retraites, accepter qu'il y ait deux candidats du camp modéré en 2027, avec le risque qu'aucun ne se qualifie au second tour.
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