
« Qu'est ce qui fait marcher Tapie ? », la publicité réalisée en 1986 par l'inénarrable Jacques Séguéla dépeignait en 1986 le célèbre homme d'affaires des années Mitterrand en infatigable entrepreneur qui avance grâce ses deux piles Wonder alors que tout le monde s'écroule autour de lui. Le fait que la célèbre marque française ait disparu après 78 ans d'existence en 1994 ne doit pas nous dissuader de faire le parallèle avec la campagne pour la réindustrialisation de la France lancée cette semaine par notre président de la République. A la question « qu'est-ce qui fait marcher Macron ? », on a eu la réponse jeudi et vendredi avec une véritable leçon de communication positive sur le thème : comment relancer mon quinquennat ?
Et de fait, c'est une belle suite de bonnes nouvelles que nous avons vu déferler sur le pays, en dépit de la météo pluvieuse qui a fait penser aux heureux temps de la présidence Hollande. Commençons par la fin : accueillis au son des casseroles des opposants à la réforme des retraites, ce sont plus de 12.000 emplois indirects que le président de la République a annoncé vendredi à Dunkerque avec une quatrième gigafactory (une super usine en français) avec l'arrivée du groupe taïwanais Prologium.
Wonderful, a dû penser le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui voit sa région s'ériger en « Electricity Valley », sans compter l'usine de recyclage de batteries et les deux EPR2 prévus dans le grand chantier nucléaire, le « Chnord » a la frite et les « Chtis » des emplois pour une décennie. A condition de trouver la main d'œuvre suffisante, s'inquiète Gaëtane Deljurie, notre correspondante à Lille. Comment répondre à ces besoins et rendre attractive la région ? Tel est le défi qui attend les Hauts-de-France mais aussi tous les territoires concernés par la réindustrialisation. Batteries, électriques, automobile, nucléaire : les Hauts-de-France auront-ils assez d'emplois ?
Réindustrialiser la France, qui peut être contre ? Même s'il se heurte au scepticisme ambiant, Emmanuel Macron a retrouvé les accents des origines et commence à sortir du Pot-au-Noir, cette Zone de Convergence Intertropicale caractérisée soit par une absence totale de vent, soit par des grains violents. Avec la réforme des retraites, la France a traversé les deux situations en même temps : une violente secousse sociale dont seul notre pays a le secret et un enlisement bloqué dans une impasse politique en l'absence de majorité. Cette sortie est encore laborieuse et le président va devoir tirer des bords de tous côtés pour retrouver des vents favorables mais il faut se féliciter pour le pays que la ligne de fuite soit à l'horizon.
La communication est une pile qui comme la Wonder « ne s'use que si l'on s'en sert ». La bataille de la réindustrialisation lancée par le président est une bonne stratégie politique qui a le mérite de nous faire collectivement penser à autre chose qu'au commentaire des manifestations. En attendant la quatorzième journée de mobilisation qui précédera le 6 juin prochain le vote à l'Assemblée nationale du projet de loi LIOT sur le retour aux 62 ans, qui n'a aucune chance de passer puisqu'elle sera, sauf énorme surprise, bloquée par le Sénat, on reparle enfin emploi et transition écologique. Et il faut reconnaître une cohérence au paquet de mesures détaillé par le chef de l'Etat.
Formation, réforme du lycée professionnel, on retrouve le Macron de l'égalité réelle de 2017, afin de préparer les jeunes aux métiers de demain. Pour aider les plus éloignés du marché du travail à « traverser la rue », il y a encore de dures réformes à affronter. Notre débat Pour ou contre de la semaine porte justement sur le sujet qui fâche : faut-il conditionner l'accès au RSA ?
Souveraineté, relance des territoires, avec le plan de soutien à une filière française de véhicules électriques qui répond fermement à l'IRA américain, en mettant l'ensemble des 54 milliards d'euros du plan France 2030 au service de l'industrie verte. La mère des batailles se jouera sur la mise en œuvre d'un équivalent français et européen au « Buy American Act ».
Pour éviter de sombrer dans une guerre commerciale, ce protectionnisme vert qui ne dit pas son nom affiche la couleur : le bonus écologique pour l'achat d'une voiture électrique sera réservé aux véhicules dotés du nouveau label Triple E, sorte d'éco-score basé sur l'empreinte carbone des produits. Une façon habile d'exclure les batteries chinoises, pour ne pas les citer. Son obsession est de ne pas répéter la même erreur qu'avec la filière photovoltaïque que l'Europe a laissé détruire en ne ciblant pas mieux ses subventions. Le plan Macron montre la voie à l'Europe, souligne Grégoire Normand.
C'est de fait à une remise en cause complète des fondamentaux européens qu'invite le chef de l'Etat. Quitte à choquer le camp écolo, Emmanuel Macron a dit tout haut ce que de nombreux chefs d'entreprise pensent tout bas, appelant l'Europe à « faire une pause en matière de normes environnementales », afin de ne pas favoriser inutilement nos concurrents bien moins disant, mais bien plus agressifs sur le plan commercial. Le fait que Dunkerque ait été préféré aux Américains pour l'implantation du taïwanais Prologium montre que la guerre ne fait que commencer. La suite lundi avec un nouveau record des investissements étrangers lors du Sommet Choose France.
Un vaste chantier s'ouvre désormais dans toutes les régions : revalorisation anticipée des friches industrielles pour lever l'obstacle du ZAN, le zéro artificialisation nette, formation accélérée d'ingénieurs, d'électromécaniciens, de soudeurs de précision, pour orienter les jeunes vers les métiers de la transition, la France va avoir du boulot. « Nous voulons être la première puissance décarbonée en Europe » a expliqué le ministre de l'Economie et des Finances dans le premier Entretien du Jeudy, un nouveau format lancé par La Tribune cette semaine. Bruno Jeudy interrogera la semaine prochaine le président du Sénat Gérard Larcher, un possible successeur d'Elisabeth Borne, quoi qu'il en dise. Cette réindustrialisation verte prendra du temps et n'est pas un chemin pavé de roses, souligne notre chroniqueur Marc Endeweld. Il y faudra de la constance et de la cohérence.
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Haro sur la vie chère. En Europe, l'inflation peine à baisser, en raison notamment des prix de l'alimentaire de détail qui restent élevés malgré le reflux des cours des matières premières agricoles depuis quelques mois. Les ménages ont commencé à réduire leur consommation, alors que les négociations annuelles entre industriels et distributeurs n'avancent pas en France malgré les pressions du gouvernement, écrit Robert Jules.
L'entreprise responsable à l'heure des comptes. Si vous avez raté notre forum « Partageons l'économie », retrouvez ici le replay des débats avec les interventions, de celle de Pierre -André de Chalendar (Institut de l'entreprise) à celle du député européen Pascal Canfin.
L'aviation ne fait plus autant rêver. Si la transition environnementale du secteur représente un potentiel formidable d'avancées technologiques, celles-ci peinent à trouver un écho chez les Français à en croire une étude tout juste publiée. Et s'ils semblent prêts à payer pour financer ces technologies vertes, il faut encore les convaincre de monter à bord. Lire l'article de Léo Barnier.
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