« La nostalgie des années 1970 » (Franck Louvrier, maire de La Baule-Escoublac)

OPINION - L’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy évoque les grands travaux et la modernisation de la France il y un demi-siècle, dans une tribune en hommage à Olivier Guichard, ministre du général de Gaulle et grand artisan de l’aménagement du territoire, dont la ville de la Baule commémorera la disparition le 20 janvier.
Franck Louvrier, le maire de La Baule-Escoublac
Franck Louvrier, le maire de La Baule-Escoublac (Crédits : © Franck Castel/ABACAPRESS.COM)

À la veille de cette nouvelle année 2024, arrêtons-nous sur la modernité des années 1970 qui contraste avec la frilosité actuelle des décideurs. Cet élan de changement est particulièrement incarné à cette époque par l'homme de l'aménagement du territoire, Olivier Guichard, décédé il y a bientôt vingt ans, le 20 janvier 2004.

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Dans cette fin des Trente Glorieuses, il fallait agir fortement pour installer notre pays dans le XXIe siècle ; cette équation complexe, l'ancien ministre, président de la Région des Pays de la Loire et maire de La Baule, réussit à la résoudre tout au long de sa vie politique. C'est aussi sous l'égide de cet homme fidèle au général de Gaulle et proche de Georges Pompidou que la France change de visage dans un esprit de croissance, confirmant ainsi sa place de grande puissance mondiale.

C'est d'abord, pour l'ancien chef de cabinet de l'homme du 18-Juin, plus d'une décennie au service de la décentralisation, qui aboutit à des projets structurants comme les métropoles, le TGV, le développement du tourisme ou l'expansion de nos ports. Il était indispensable de répondre à cette rupture d'après-guerre, exprimée dans Paris et le désert français 1, cette rupture que l'on voit aujourd'hui réapparaître dans l'archipélisation de notre pays 2.

À travers Olivier Guichard, fidèle du général de Gaulle et proche de Georges Pompidou, on a vu la France changer de visage

Ainsi, après 1968, le regard des dirigeants politiques sur l'Éducation nationale a changé, celui du ministre aussi. Jamais la Rue de Grenelle n'aura eu un tel esprit bâtisseur avec des moyens hors normes. Olivier Guichard installe sur les fonts baptismaux, dans une démarche d'égalité républicaine qui lui est chère, le principe du collège unique.

Prenons aussi l'enjeu du logement alors que la France, déjà en retard dans la construction, veut tirer les leçons des erreurs des années 1960. Olivier Guichard le précise en 1973 : « Se moderniser sans s'abîmer, grandir sans exploser et conserver vivace [son] utilité sociale. » Dans cet esprit d'équilibre, il crée le Conservatoire du littoral, développe les parcs naturels régionaux, espaces de biodiversité avant que ce concept devienne à la mode. Le développement de l'automobile est une nécessité absolue : à l'opposé de la politique adoptée par la maire de Paris depuis quelques années, la voiture est considérée comme un droit citoyen prioritaire. On va construire le périphérique pour accéder à la capitale, qui ne peut plus accueillir une démographie croissante. La maison Phénix a rendu alors possible le rêve d'une classe moyenne émergente qui ressemble à celle d'aujourd'hui dont le rêve est une maison avec jardin en périphérie. C'est ce que nous n'arrivons plus à atteindre de nos jours.

Et que de temps perdu sur le nucléaire ! Il deviendra infréquentable sous la gauche alors que Pierre Messmer en 1974 avait annoncé treize nouvelles centrales et que le président Macron, cinquante ans plus tard, présente enfin le lancement d'un programme de six nouveaux EPR. Autant de temps pour avoir un consensus économique et écologique !

Constance Guichard-Poniatowski, l'une de ses filles, traduit bien dans son livre sur son père, Après tant de silences, sorti en 2022, le climat de l'époque : « Tout alors y est toléré si ce n'est accepté, parce que, après la noirceur des deux guerres mondiales, la liberté a repris des couleurs. »

Et enfin, la décentralisation dont l'État a tant besoin aujourd'hui, ce sont ces années audacieuses qui l'ont bâtie, elle qui permet, dès la fin du XXe siècle, cette respiration démocratique indispensable à notre société diverse et complexe. Saura-t-on l'adapter avec la même disruption dans les mois à venir ?

Le balancier s'est arrêté de l'autre côté et nous voyons poindre une société de la décroissance où nous ne sommes plus capables de construire en France un nouvel aéroport, une nouvelle autoroute, où les quelques initiatives de l'État se retranchent derrière un systématique principe de précaution. Où sont les idées progressistes de ces politiques qui étaient des faiseurs et non des diseurs ? Ils étaient à l'initiative, on fait tout aujourd'hui pour qu'ils n'y soient plus. Cette liberté post-soixante-huitarde qui irriguait les couloirs du pouvoir et faisait naître des projets dont nous avons la chance de profiter semble s'être évanouie derrière une bureaucratie sclérosante et une absence de créativité politique !

Comme l'écrit Martial You dans son récent ouvrage Les années 70 sont de retour, c'étaient « des années de liberté et de fougue qu'on aimerait pouvoir ressentir à nouveau aujourd'hui. Le monde est sans doute devenu plus sérieux et la légèreté des seventies, au cœur d'un monde qui s'écroulait, peut paraître salutaire ».

1. Paris et le désert français, de Jean-François Gravier, Le Portulan, 1947.

2. L'Archipel français, de Jérôme Fourquet, Seuil, 2019.

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Commentaire 1
à écrit le 31/12/2023 à 8:57
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"L’ancien conseiller de Nicolas SarkozyL’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy" Ok donc de Camorra, Cosa Nostra ou Ndrangheta ?

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