2045 : Le climat de la planète entre les mains de la Chine

#30ansLaTribune - La Tribune fête ses 30 ans. A cette occasion, sa rédaction imagine les 30 événements qui feront l'actualité jusqu'en 2045. Le 2 décembre 2045 : Tous les yeux sont tournés vers Pékin, ou l’on compte sur l’habilité des diplomates pour parvenir a stopper la folle envolée des températures a +4 °c avant la fin du siècle.
Dominique Pialot
"Le développement des énergies renouvelables s’est poursuivi à un rythme effréné depuis 35 ans."

Une - COP 51, climat

4 décembre 2045. Nous y voici enfin. Avec une semaine de retard en raison d'un violent cyclone qui a balayé la région, c'est après-demain que s'ouvre à Pékin le « sommet de la dernière chance ». Galvaudée par des décennies d'échecs, cette expression reste pourtant plus brûlante que jamais. Cela fait maintenant 50 ans que les Etats se réunissent année après année à la recherche d'un accord permettant d'endiguer la hausse des températures sur la planète. En 2010, un an après la désillusion de la COP15 de Copenhague, ébranlés par les prévisions de plus en plus alarmistes du GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), ils étaient tombés d'accord sur la nécessité de la limiter à +2 °C en moyenne en 2100, par rapport à l'ère préindustrielle. Mais pour y parvenir, il aurait fallu abaisser de 40 à 70 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre avant 2050, puis les supprimer totalement, voire atteindre des émissions négatives à partir de 2100. Ce qui signifiait notamment, laisser sous terre 80 % des réserves de charbon connues à l'époque, la moitié de celles de gaz et un tiers de celles de pétrole.

La COP21 organisée à Paris en 2015 avait suscité un grand espoir. Pour la première fois dans l'histoire des négociations, plus de 150 Etats membres de l'ONU avaient pris des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en amont de la conférence. Certes, leur effet cumulé, calculé par les scientifiques à un mois de l'ouverture des négociations, restait en deçà de l'objectif, puisqu'on était plus près de +3 °C voire 3,5 °C selon les sources. Mais le principe d'une révision régulière des ambitions, avalisé par la Chine elle-même à un mois de la conférence, laissait espérer des engagements plus forts à mesure de l'évolution des technologies et des réglementations.

Las ! En dehors de l'Union européenne, que le ralentissement économique a aidée à atteindre des objectifs somme toute assez modestes, rares sont les « parties » à la Convention à les avoir tenus. Entre les grands émergents qui n'ont pas voulu sacrifier sur l'autel du climat, une croissance à la mode occidentale et les pays développés sous influence des lobbies des énergies fossiles, les émissions ont continué de s'envoler et la barre des 2 °C s'est peu à peu transformée en chimère. La remise à plat du calcul des contributions nationales, qui prennent désormais en compte les émissions « importées » ou « exportées », a nécessité plusieurs années de discussions serrées. Il faut dire que ce nouveau mode de calcul a fait bondir l'empreinte carbone de plusieurs pays dont la France, le Japon ou, dans une moindre mesure, les Etats-Unis. D'autres comme celle de la Chine s'en sont trouvées quelque peu allégées ou se sont tout simplement effondrées comme celle de l'Ethiopie.

Déplacés climatiques et guerres de l'eau au menu

L'année dernière, le président chinois avait profité du centenaire du débarquement en Normandie pour réaffirmer ses ambitions à propos de la COP51 qu'il allait accueillir 18 mois plus tard. Les commémorations se sont déroulées à Lisieux, pour cause d'inondation des plages du débarquement. Cette zone balnéaire est pourtant nettement moins affectée que la Camargue, dont ne subsistent plus que quelques îlots, ou l'Aquitaine dont le trait de côte recule chaque année un peu plus. Fort de sa domination économique, de son leadership incontesté en matière d'énergies renouvelables depuis 35 ans et de la lutte entamée contre la pollution locale aux particules fines qui porte enfin ses fruits, le président chinois entend bien marquer l'histoire. Il est convaincu de parvenir à faire enfin signer, sous sa présidence, l'accord international contraignant qui permettra d'endiguer la folle course en avant des températures... à +4 °C en 2100 par rapport à 1880.

Le plafond des +2 °C visé à Paris en 2015 semble bien loin. Comme l'annonçaient à l'époque de nombreux rapports, le Groenland a quasiment disparu, entraînant une élévation du niveau de la mer de plusieurs mètres. Des Maldives aux Tuvalu en passant par l'Indonésie, plusieurs îles ont été rayées de la carte. Des villes comme Hong-Kong, Shanghai, Rio et même New York ont vu leur topographie totalement modifiée. Le grand chantier de construction d'un hub de transports publics à quinze étages de profondeur sous Grand Central a dû être abandonné par crainte des risques d'inondations.

Chaque année, des millions de personnes fuient le Bangladesh pris en tenaille entre la fonte des glaciers et la montée de la mer, pour chercher refuge en Inde. Des millions d'autres traversent la Méditerranée pour échapper aux sécheresses et à la famine qui sévissent dans une grande partie de l'Afrique. Des îles artificielles alimentées par l'énergie d'éoliennes flottantes ont été construites au large de l'Australie ou de l'Italie pour accueillir ces réfugiés climatiques. Mais ils sont également nombreux à affluer en périphérie des mégapoles des pays émergents, exacerbant les enjeux de santé publique ou d'accès à l'eau potable, mais aussi les tensions sociales... Le sujet est d'ailleurs à l'agenda des réunions prévues en marge de la COP51, tout comme la gestion des conflits liés au contrôle des fleuves et à l'accès aux terres arables qui se multiplient au Moyen-Orient.

Pékin entre innovation et tradition

La Chine a fait les choses en grand pour accueillir cette COP51. Boudée pendant des années en raison de son atmosphère irrespirable, la capitale est redevenue fréquentable depuis la fermeture de la moitié des centrales à charbon du pays, et la généralisation des équipements de captage de CO2. Le développement des énergies renouvelables s'est poursuivi à un rythme effréné depuis 35 ans. Avec des températures qui atteignent régulièrement les 50 °C, le désert de Takla-Makan, qui concentre une part importante des centrales solaires ou éoliennes, est devenu inaccessible. Heureusement, des outils de pilotage et de maintenance à distance développés ces dernières années permettent de poursuivre leur exploitation.

En revanche, comme en France, la raréfaction et le réchauffement de l'eau nécessaire au refroidissement des centrales ont limité le développement du nucléaire sur lequel le pays misait beaucoup il y a encore 20 ans. Mais de nouvelles solutions de stockage permettent d'utiliser pleinement la production des renouvelables, qui alimentent notamment les systèmes à induction destinés à recharger les 250 millions de voitures électriques en circulation. Depuis quelques années, celles-ci sont devenues plus nombreuses que les moteurs thermiques, peu à peu évincés des villes et amenés à disparaître totalement. Les façades de Daxing, le principal aéroport de Pékin, qui en compte quatre, sont recouvertes de micro-algues nourries au CO2 qui contribuent à limiter la surchauffe à l'intérieur et sont transformées en bio-kérosène dans une usine avoisinante. Les sols sont équipés de dalles piézoélectriques qui produisent de électricité grâce au passage des 50 millions de voyageurs annuels et alimentent la climatisation des aérogares.

Ce sont des voitures sans chauffeur qui ont accueilli la presse internationale. Une soixantaine de kilomètres de route incrustée de cellules solaires séparent l'aéroport du village à demi-souterrain où nous sommes logés. A l'approche de la ville, des milliers de bicyclettes électriques circulent sur des ponts spécialement construits à cet effet à dix mètres du sol. Des forêts de gratte-ciel abritent des fermes verticales géantes. Les champs de sorgho situés à quelques dizaines de kilomètres et exploités par une armée de drones veillant à fournir à chaque plant la quantité exacte d'eau nécessaire complètent l'approvisionnement des Pékinois. L'eau potable, elle, est acheminée par pipeline depuis de vastes usines flottantes de dessalement d'eau de mer. Après avoir explosé au début du siècle, la consommation de viande amorce sa régression, avec seulement quelques années de décalage sur les pays occidentaux d'où elle a quasiment disparu.

En attendant l'ouverture des négociations, nous pouvons choisir entre plusieurs visites de vestiges d'une époque pourtant pas si ancienne : une station de ski du Nord du pays, où nous serons emmenés en avion électrique ; la reconstitution à l'identique du quartier de hutongs à proximité de la Cité impériale, détruit avant les JO de 2008, ou encore le zoo où les pandas cohabitent avec des renards polaires, des manchots, des koalas, des tortues géantes et d'autres spécimens d'espèces disparues, ou leurs clones pour certains d'entre eux.

Dominique Pialot

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