Qui sera porté sur le bouclier, Obamix ou Romnex ?

Pierre Lemieux est professeur associé à l'université du Québec en Outaouais et auteur de "Une crise peut en cacher une autre" (Les Belles Lettres, 2010).
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Une campagne électorale ressemble souvent à une compétition pour déterminer quel nouveau leader faire monter sur le bouclier, à l'instar d'Abraracourcix dans Astérix - coutume qui, de fait, semble venir des Francs. La politique échappe difficilement au culte du leader. La campagne à la présidence des États-Unis ne fait pas exception : qui sera chef, Obamix ou Romnex ?

S'adressant au président sortant Barack Obama, le gouverneur de l'État de New York a joué de grandiloquence : "Il n'y a pas de doute, Monsieur le président, que votre leadership a permis à la nation de traverser la tempête, et nous vous en remercions." Mêlant piété familiale et religion civile, Michelle Obama, l'épouse du président, déclare : "Ce président nous a fait sortir de la nuit pour retrouver la lumière." Un porte-parole d'Obama jette des doutes sur le leadership de Mitt Romney, le candidat républicain pressenti, s'inquiétant de "ce à quoi le peuple Américain pourrait s'attendre s'il était promu commandant en chef".

Y a-t-il meilleure expression que celle, pléonastique, de "commandant en chef" pour décrire la prétendue omnipotence du président des États-Unis d'Amérique ? Acceptant son Prix Nobel de la paix, Barack Obama s'est décrit comme le "commandant en chef" de la nation. Il y a 69 ans, un autre président démocrate, Franklin D. Roosevelt, menaçait de demander au Congrès, "pour faire la guerre à la situation d'urgence, des pouvoirs exécutifs aussi importants que ceux qui [lui] seraient accordés si on faisait face à une invasion étrangère". "Nous devons", ajoutait-il - sous-entendu "vous devez" -, "agir comme une armée disciplinée, loyale, et prête au sacrifice".

Mitt Romney tombe dans le même piège. Il avait déjà critiqué son adversaire (maintenant hors course) Newt Gingrich comme n'étant "pas le leader dont nous avons besoin à ce tournant critique". Il s'insurge maintenant contre "le manque de leadership présidentiel". Il fait valoir son expérience de chef d'entreprise comme garante de ses qualités de leader de la nation. Il se voit déjà sur le bouclier.

La question fondamentale est de savoir si une société a vraiment besoin d'un président, d'un leader, d'un führer. La constitution américaine décrit bien le président comme "commandant en chef de l'armée et de la marine des États-Unis". Mais entre commander les forces armées et commander les citoyens d'un pays libre, il y a une petite marge. Nonobstant la naïveté du magazine The Economist, qui demande si Romney sera le futur "président-directeur général [CEO] de l'Amérique", on peut aller plus loin : la différence entre une société libre et un peuple enrégimenté est justement que la première n'a pas besoin d'une autorité dirigiste mais, tout au plus, d'un fournisseur de biens publics comme la défense nationale et la justice.

Même en Amérique, ces idées brillent par leur absence dans la bouche des ténors de la campagne électorale. Entre-temps, les sondages d'opinion montrent que l'électorat crie plus fort en faveur d'Obamix que de Romnex pour choisir celui qui sera hissé sur le bouclier présidentiel.

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