Les défis de l'ouverture du marché pour le transport de marchandises

Partner du Cabinet Simon-Kucher & Partners, Franck Brault analyse pourquoi le report de l'ouverture massive du marché français au cabotage va éviter de mettre sous pressions les acteurs de la filière du transport de marchandises. Il détaille, en outre les trois défis à relever pour cette filière...
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Après les annonces du report de l?ouverture étendue du marché français au cabotage, le pavillon français reste plus que jamais sous pression. Certes le report est favorable à court terme et pourtant jamais au cours des vingt dernières années, le nombre de défaillances d?entreprises du secteur du transport n?a été aussi fort. La hausse structurelle des coûts combinée à des volumes confiés par les chargeurs en constante diminution et à une pression accrue sur les prix laisse peu de place à l?optimisme. Dans ce contexte, l?assouplissement des règles de cabotage aurait présenté une nouvelle forme de concurrence amplifiée et contribué à mettre sous pression tous les acteurs de la filière.

Surcapacité du marché
Ce changement des règles du jeu, bien qu?annoncé depuis longtemps, intervient dans un moment critique pour le secteur. Dans un marché en surcapacité, les comportements opportunistes de certains clients peu scrupuleux ont de quoi inquiéter. En première ligne, les artisans et les indépendants se sentent directement menacés et abandonnés par les pouvoirs publics.

A l?inverse, pour les leaders du secteur, l?ouverture du cabotage ne peut pas être considérée comme une menace réelle, mais plutôt comme une opportunité pour accentuer la mise en concurrence des sous-traitants. Même si le scénario d?un basculement brutal du marché n?est pas réaliste et que la majorité des flux de marchandises continuera à être traitée sans changement, le cabotage et le recours ponctuel à des sous-traitants étrangers devient un argument de négociation supplémentaire.

Trois défis pour la filière
Derrière les débats du cabotage se cachent en réalité trois défis pour la filière du transport de marchandises. Au niveau des Etats, l?harmonisation des règles de transport dans l?Union Européenne ne peut pas fonctionner durablement sans une harmonisation fiscale et sociale spécifique. Les écarts entre les fiscalités nationales restent le dernier bastion important qui constitue une distorsion entre les acteurs européens impossible à compenser à date. La compétitivité de la filière transport impacte directement tous les secteurs. Un alourdissement des charges et des taxes, comme cela est prévu avec les nouvelles taxes environnementales prévues dans certains états, ne peut que pénaliser davantage l?ensemble des entreprises européennes face à leurs concurrents internationaux.

Pour limiter les effets néfastes de cette ouverture et en l?absence de l?harmonisation fiscale nécessaire, le régulateur a parallèlement mis en place tout un arsenal de contrôles et de mesures vis-à-vis des fraudeurs potentiels. La faisabilité et l?efficacité de ces contrôles restent encore une fois très discutables, tant il est difficile de faire appliquer simplement et rapidement les sanctions éventuelles en dehors de l?hexagone.

Mieux défendre la valeur de services
Au niveau des transporteurs, les efforts de réduction de coûts ont déjà été menés depuis bien longtemps et les potentiels d?optimisation sont très limités sur ce volet. L?enjeu est désormais de mieux défendre la valeur de services et de défendre le prix, par rapport à des offres low-cost. La mise en place d?une offre de services structurée, différenciée et valorisée constitue le nouvel axe de progrès pour le secteur. A défaut, la banalisation des offres et la spirale décroissante des prix restera le lot quotidien des transporteurs.  A titre de comparaison, l?ensemble de la filière transport a jugé son propre ?pricing power? comme le plus faible parmi les 15 secteurs interrogés en France et en Europe*.

Avec une rentabilité oscillant entre 0 et 2%, l?enjeu de défense des marges et des prix n?est plus une question de dogme, c?est une question de survie et de pérennité des entreprises. Certains acteurs spécialisés ont déjà entamé cette démarche de longue date et ressortent gagnants de l?ouverture du marché. Avec une offre mieux structurée et davantage différenciée, leur ?pricing power? leur permet d?améliorer en moyenne de 29% leur EBITDA et de redéployer leurs ressources vers des segments plus porteurs sur le long terme.

Emergence de champions internationaux
Au niveau de l?internationalisation des acteurs de la filière, le chemin est encore long. Quelques groupes ont pris une longueur d?avance et ont européanisé leurs activités. Cette étape constitue une première marche avant l?émergence de champions internationaux et d?un pôle d?excellence sectoriel.

Cependant, les acteurs français dans leur grande majorité restent sous-représentés en dehors de l?Europe et ne captent pas les bénéfices de la croissance des nouveaux marchés. Contraints ou volontaires, les groupes de la filière n?ont qu?une voie pour assurer durablement leur pérennité et réduire leur exposition à la conjoncture économique locale, celle de l?internationalisation à pas forcé, transformant le risque de l?ouverture du marché français en une opportunité de croissance.


* Source : « Global Pricing Study 2012 » - Simon - Kucher & Partners, étude menée auprès de plus de 2000 dirigeants européens

 

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Commentaires 2
à écrit le 24/06/2013 à 14:31
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Continuons dans ce "libéralisme" pour les "déjà trop riche" et on va voir de plus en plus de poubelles roulantes mettre en danger les automobilistes...

à écrit le 24/06/2013 à 12:19
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Où va nous ammener ce protectionnisme??? Pourquoi payer plus cher que nécessaire??

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