« L'urgence est d'aider les Etats et les entreprises européennes »

À l'heure du Conseil européen des 27 et 28 juin à Bruxelles, Thierry Repentin, le ministre délégué aux Affaires européennes détaille l'ordre du jour et les modalités du pacte de croissance réclamé par François Hollande et décidé il y a un an. Il précise que la BPI et les banques pourront bientôt redistribuer en France les prêts de la BEI pour financer les projets d'investissement. Il revient aussi sur le changement de discours plus axé sur la relance en Europe, mais qui doit encore se traduire en actes.
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LA TRIBUNE - Comment la France aborde-t-elle la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin prochains ?
THERRY REPENTIN - Nous y arriverons avec le texte signé le 30 mai par François Hollande et Angela Merkel à l'Élysée. Il s'appuie sur les propositions formulées par la France lors du discours du président de la République le 16 mai, et fixe les lignes du dialogue pour l'amélioration de la croissance et de l'emploi dans l'Union européenne.

Il y a un an, a été décidé un pacte de croissance. Quels en sont les apports réels ?

Le discours de relance en Europe est à mettre à l'actif de la France. Avant juin 2012, personne ne s'inquiétait de la question. Le pacte consiste à mettre en place des outils supplémentaires, comme la réorientation des fonds structurels non utilisés dans le cadre du budget pluriannuel qui s'achève sur la période suivante. La France a déjà utilisé 90 % de ce qui lui était alloué, mais la recapitalisation de la Banque européenne d'investissement (BEI) va lui donner une capacité d'investissement supplémentaire de 60 milliards d'euros par effet de levier. Pour la France, cela veut dire trois fois 7 milliards d'euros pour 2013, 2014 et 2015, soit un total de 21 milliards.

Comment s'assurer que ces sommes profiteront à l'économie française ?
Nous nous rendons compte qu'entre la décision qui a été prise par le Conseil et la réalité opérationnelle, il faut plusieurs mois. Il a fallu assouplir les règlements d'utilisation de la BEI et ouvrir l'accès aux fonds au secteur hospitalier et au secteur universitaire pour un total de 1,6 milliard d'euros, alors qu'ils en étaient exclus et qu'ils manquaient d'argent pour financer des projets. Ensuite, le problème, c'est que la BEI est un organisme central. Il faut donc des relais sur le terrain pour que l'argent du pacte de croissance européen redescende plus vite vers les entreprises. Nous avons signé en fin de semaine dernière un accord avec la Caisse des dépôts et consignations pour qu'elle offre des moyens supplémentaires dans ce but. La BPI transmettra les fonds de la BEI vers les grandes entreprises, et les banques de détail seront chargées d'aller toucher les PME. Avec traçabilité obligatoire des fonds. Deux formules seront proposées : des prêts de trente à quarante ans pour les collectivités territoriales et de six à sept ans pour les PME, à un taux inférieur à ceux habituellement proposés.

Où en est-on sur le sujet de l'emploi des jeunes ?
C'est la priorité de la réunion des 27 et 28 juin. Sur ce point, l'Allemagne nous rejoint. Naguère, elle n'était pas pour la création d'une ligne dédiée dans le budget européen. Aujourd'hui, elle est d'accord pour demander la mobilisation le plus rapidement possible des 6 milliards d'euros qui y ont été inscrits. Et nous demandons conjointement à la Commission de voir comment en raccourcir la période d'utilisation sur 2014-2015 au lieu de 2017, pour un effet de levier plus important. Nous souhaitons aussi élargir le programme Erasmus aux formations par l'alternance. Pour cela, il faudrait faire passer la ligne de 8 milliards à 13 milliards d'euros.

Y a-t-il un tournant dans la position allemande en Europe ?
Il y a une évolution, par exemple sur l'Europe sociale. Dans le texte franco-allemand du 30 mai, nous nous sommes engagés à travailler sur ce point. Et elle a accepté le dialogue. C'est une novation substantielle. De même sur le projet d'union bancaire, France et Allemagne se sont engagées à avancer sur un sujet où les positions n'étaient pas les mêmes. Angela Merkel, là aussi, ne refuse pas le dialogue. Elle doit certes mener un dialogue germanoallemand pour convaincre dans son propre pays, mais il y a désormais un discours en Europe, y compris en Allemagne, qui est plus porté vers la relance.

Comment expliquer cette « conversion » allemande ?
Par la conjonction de trois éléments. D'abord, la présence de leaders politiques qui portent ce discours. C'est le cas de François Hollande, mais aussi des nouveaux dirigeants italiens, maltais ou encore slovènes. Ensuite, par l'analyse de la situation économique. La solution prônée au cours des dernières années n'a pas produit les effets escomptés et la crise internationale n'avait pas été anticipée. Enfin, il y a les élections allemandes [22 septembre ; ndlr] et européennes, du 25 mai 2014. Il faut faire vite pour prendre des mesures qui parlent aux gens.

Quelle forme prendra l'Europe sociale ?
Le texte franco-allemand propose de s'attacher à des éléments précis comme des salaires minimaux dans chaque État de l'Union. L'Eurogroupe devra utiliser comme instrument de travail des indicateurs sociaux qui seront construits par les États. Les ministres du Travail, des Affaires sociales ou de la Recherche pourront se réunir en format « zone euro ». Il ne s'agit pas d'imposer un modèle social, mais d'ouvrir un débat avec les autres États membres pour parvenir à une convergence vers le haut des pratiques sociales, en prenant en compte l'histoire et les habitudes de chaque État, mais en définissant un cadre général. Quels résultats ressortiront de ce dialogue ? C'est difficile à dire, plusieurs années seront sans doute nécessaires.

Compte tenu de la position de certains pays sur le sujet, comme le Royaume-Uni ou la Suède, peut-on imaginer une « coopération renforcée » dans le domaine social ?
L'esprit du texte franco-allemand est de n'exclure personne. Comme pour la monnaie unique, certains peuvent choisir des instruments plus intégrateurs. Mais il reste essentiel de maintenir les autres pays associés à la discussion en permanence. Avec le temps, certains pourront rejoindre ce partenariat.

En février, Angela Merkel s'était alliée avec David Cameron sur le budget européen. Y a-t-il, là aussi, un rapprochement vers les positions françaises ?
La France et l'Allemagne se sont engagées à régler le problème du cadre budgétaire européen le plus rapidement possible. Il y a un élément de calendrier qui incite à avancer rapidement : les élections allemandes ont lieu le 22 septembre. Si le Bundestag ne valide pas ce cadre avant, il faudra attendre la fin de l'année. Globalement, il y a eu des avancées, sur l'emploi des jeunes, sur l'augmentation des lignes budgétaires pour les infrastructures de transport et la recherche et sur le maintien de l'aide alimentaire aux plus démunis que François Hollande a véritablement arraché. Il y a par ailleurs des avancées réalisées grâce aux demandes du Parlement européen, comme celle d'introduire plus de souplesse dans le budget ou comme l'idée de doter le budget européen de ressources propres. Le contexte du dialogue est désormais meilleur et l'urgence est de débloquer des leviers pour aider les États et les entreprises européennes.

 

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Commentaires 11
à écrit le 28/06/2013 à 20:37
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encore un mot : ne jamais "donner" d'argent aux entreprises, mais ne surtout pas empêcher celle-ci de naître, de croître, ou de mourir en paix !!! les emplois aides sont un véritable cancer pour le budget de l'Etat, pour le salarie ( l'argent va au p...

à écrit le 28/06/2013 à 20:30
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Aider les Etats ? mais il faudrait que ceux ci soit capable de gérer un budget ! le bon sens paysan : quand il faut marcher dans la boue, on met des bottes.certain ne savent pas s'adapter a leur environnement parce qu'il sont nés avec une cuillère en...

à écrit le 28/06/2013 à 17:49
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l'urgence est de sortir de cette europe , maillon faible de la modialisation . La mondialisation est une machine VOULUE par les financiers americains , pour augmenter leur profits . Il en resulte mathématiquement un appauvrissement des peuples , qui ...

à écrit le 27/06/2013 à 21:14
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Ah ben ! si plusieurs années seront nécessaires pour commencer à construire une europe sociale, autant dire que c'est du bla bla bla stérile et manipulateur. Les peuples européens vont réagir bien avant ça contre cette europe mortuaire.

à écrit le 27/06/2013 à 11:21
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Vous les enarques arrogants, petris de certitudes apprises par coeur sous les dorures de la Republique : "Laissez les entreprises tranquilles, vous n'y connaissez rien en matiere d'economie !!"

à écrit le 27/06/2013 à 10:48
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Bonjour, c'est le titre d'un livre de José SARAMAGO, prix NOBEL de littérature, en 1999. Ce livre relate" la perte de vue" chez un homme ordinaire, il s'avère que c'est une épidémie et que tout le monde sur ce continent, perd la vue, à l'exception de...

le 27/06/2013 à 11:26
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Toutes ces aides, c'est pour maintenir à flot les entreprises et matraquer par les charges pour casser la concurrence, ainsi elles sont plus docile, on leur enlève leur dignité, une mise en esclavage moderne et surtout pas de profits (dès que vous av...

à écrit le 27/06/2013 à 10:28
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pourquoi investir si c'est pour être matraqué d'impôts ????

à écrit le 27/06/2013 à 10:12
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Rigolo c est trop tard, elle ont toutes fermées et même si on me donne de l'argent pour monter une affaire, certainement pas en France, le plus grand stand de racket organisé de la planète pour nourrir des chômeurs, des sans papiers, les banquiers, e...

le 28/06/2013 à 14:14
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+1. La caste politique a tué tout ce qui constituait notre industrie, notre économie, tout ça à coups de milliards pour eux mêmes et surtout pour le clientélisme. Pour eux l'intérêt général est une notion du passé et la valeur travail n'existe pas. S...

à écrit le 27/06/2013 à 8:50
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les etat europeens doivent allez vers une egalites des drois sociaux .. l europes et tres riche le partage des richesses passe par LA.. ETc est aussi un enorme levier pour la RELANCE ECONOMIQUE voila ce qu attendent le peuple qui crois a l avenir d...

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