Black Friday  : l'écologisme contre l'emploi et le pouvoir d'achat

OPINION. La consommation des ménages est un moteur de la croissance économique. Or au nom d'une conversion médiatique à l'écologisme, nombre de responsables politiques stigmatisent le Black Friday, alors même que les entreprises ont déjà intégré la nécessité de réduire le gaspillage et de favoriser le recyclage pour précisément satisfaire la demande des clients. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'ESSEC
Marc Guyot et Radu Vranceanu.

Le Black Friday est une tradition de soldes aux Etats-Unis qui se diffuse dans le monde entier, soit à l'identique, soit dans un esprit propre à chaque pays. Il faut dire que le principe d'un jour dédié à une grande braderie n'est pas une nouveauté et est plutôt populaire par nature. Cette année, le Black Friday, qui semble être massivement adopté en France, a provoqué chez un certain nombre de responsables politiques des réactions surprenantes.

Dans le modèle économique de base expliquant la conjoncture de court terme, modèle consensuel utilisé aussi bien par les libéraux que par les interventionnistes, l'évolution mensuelle du chômage dépend de l'évolution mensuelle de la croissance du PIB qui lui-même dépend essentiellement de la vigueur de la consommation des ménages. A court terme, un accès de pessimisme des ménages qui les amènerait à consommer moins et à épargner plus conduirait à un tassement de la croissance et une moindre création d'emplois.

La consommation des ménages vitale pour la croissance

La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et le ralentissement des échanges mondiaux pèsent sur les exportations nettes et l'investissement, ce qui génère un ralentissement de la croissance mondiale qui touche aussi l'économie française. Dans ce contexte, le maintien d'une croissance suffisante pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail dépend du maintien de la consommation des ménages à un bon niveau. C'est vital aux Etats-Unis mais aussi dans tous les pays du monde. La consommation intérieure doit prendre le relais de l'investissement et des exportations pour que la machine à créer des emplois continue de tourner.

La conversion médiatique d'un certain nombre de responsables politiques à l'écologisme déconnecté de l'espace-temps complique un peu la donne. En effet, elle crée un dilemme entre la création d'emplois tirée par la consommation et une décroissance fantasmée comme la solution au changement climatique accompagnée d'injonctions flétrissant le consumérisme des masses populaires manipulées, comme il se doit, par les multinationales.

Camp du bien

Dans le monde d'incantations et d'immédiateté de l'écologisme médiatique, l'innovation, les incitations et les taxes intelligentes comme la taxe carbone n'existent pas. En revanche, il existe des bons et des méchants et le camp du bien doit non seulement renoncer à prendre l'avion mais aussi interdire aux rustres sans conscience de surconsommer aux prétextes de soldes géantes à l'odieux accent yankee.

La révolte des gilets jaunes, autre sous-catégorie d'assimilés rustres consommant odieusement du gasoil, est venue en réaction à ce même type d'insensibilité face aux enjeux de pouvoir d'achat d'une part et aux enjeux d'espace-temps d'autre part, ici la mobilité dans les zones rurales.

Le succès du Black Friday est avant tout une conséquence normale d'une perception d'augmentation du pouvoir d'achat et un coup de fouet bien venu à la consommation dans une période de temps, anciennement appelé l'Avent, qui ouvre la période de Noël et l'achat des cadeaux.

Course au vert

Le problème avec ces contempteurs de rustres c'est que les vrais problèmes ne sont pas traités. Le recyclage, la diminution des emballages, l'optimisation de ce qui peut l'être ne se font pas à grand coup de condamnation mais avec des incitations appropriées venant des pouvoirs publics et en lien avec les entreprises. En effet, les firmes du secteur de la distribution et de la grande consommation savent à quel point, contrairement à ce qu'affirme l'écologisme-médiatique, les consommateurs sont devenus sensibles aux problématiques d'environnement. Les grandes firmes les plus réactives ont commencé une réflexion sur la baisse des quantités d'emballage et communiquent sur la recyclabilité de ceux-ci.

Le contexte concurrentiel, alimenté par la pression des consommateurs et des ONG, ne laisse pas d'autre choix qu'une course au vert qui devance la loi et les normes. Les entreprises cherchent d'autant plus à être ingénieuses dans cette course au vert que leurs collaborateurs les plus jeunes s'y retrouvent sincèrement et sont moins disposés à travailler dans des entreprises sans initiatives environnementales.

Restriction des libertés individuelles

Le plus grand tort qu'on puisse faire à la défense de l'environnement c'est de laisser les nostalgiques du collectivisme s'approprier le sujet. Sous l'objectif apparent de contenir le réchauffement climatique et la pollution, ils alimentent des peurs servant à justifier la restriction des libertés individuelles, la mise sous tutelle de la propriété privée, de la libre entreprise et du marché concurrentiel en faveur d'une société planifiée du contrôle supposée nous conduire vers le bien commun tel qu'ils l'auraient défini. Les résultats du planisme sont prévisibles en cela qu'ils ont été les mêmes partout : pauvreté, restriction des libertés, corruption destruction de la nature et catastrophes écologiques majeurs.

Un succès du Black Friday à la française serait une bonne nouvelle pour la croissance et en aucun cas une mauvaise nouvelle pour l'environnement. Les enjeux climatiques se traitent à moyen terme avec un mix intelligent entre l'action publique et les initiatives privées grâce au contexte de prise de conscience générale des problématiques environnementales.

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Commentaires 29
à écrit le 27/12/2019 à 22:35
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Cet article a le mérite de clarifier les tenants et aboutissants de notre système actuel : Liberté = consommation. Chacun en tirera ses propres conclusions.

à écrit le 04/12/2019 à 10:46
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Dans un monde aux ressources en matières premières définies et non renouvelables quelle loi de la physique peut permettre une croissance infinie ?

à écrit le 03/12/2019 à 11:40
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C'est assez étonnant de "découvrir" les soldes par le Black Friday alors qu'elles existent en France depuis des décennies. Il en est ainsi de bien de choses qui, parce-qu'elles viennent des US, sont forcement nouvelles et meilleures. Halloween a fait...

à écrit le 03/12/2019 à 8:24
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Démonstration par l'absurde de pourquoi il est urgent de remettre les économistes à leur place: derrière des bureaux dans l'administration et pas au parloir de la politique. Ces affligeantes personnes n'ont rien compris ou sont restés bloqués dans...

le 03/12/2019 à 11:50
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Kwel. J'approuve tout à fait votre commentaire, mais voilà, la puissance du fric, l'outil médiatique que souvent il domine, sont des armes difficiles à combattre. Mais qui peut avoir ces réflexions politiques qui sont aussitôt mises au rang d'élucub...

le 03/12/2019 à 22:01
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l'ESSEC est une école de commerce, pas un centre de recherche économique. Ils forment des responsables commerciaux de haut vol pour qu'ils soient les plus efficaces possible dans le ratissage des clients, pas des scientifiques rigoureux. Les prix...

à écrit le 03/12/2019 à 6:58
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Je me suis arrêté à « nombre d’entreprises ont pris des mesures pour arrêter le gaspillage »... C’est comme faire attention à sa consommation d’eau sous la douche. C’est dépassé ! On en n’est plus là ! Savez-vous que la différence de température moye...

à écrit le 02/12/2019 à 23:05
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Ces auteurs ne manquent pas d'air. Ils disent "[...] alors même que les entreprises ont déjà intégré la nécessité de réduire le gaspillage et de favoriser le recyclage pour précisément satisfaire la demande des clients." Et cette nouvelle façon de pe...

le 03/12/2019 à 7:33
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Et ou voulez vous en venir ? la prise de conscience collective ne doit pas aboutir à une restriction des libertés, est ce si grave ou difficile à comprendre ? Par exemple une bonne action politique consisterait à obliger les fabricants de produits ma...

le 03/12/2019 à 11:56
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réponse à PIC SOUS,...le bien nommé. Ces produits à "prix attractif" que vous vous réjouissez d'acheter ne vous font jamais poser la question de savoir d'où ils viennent, c'est à dire dans quelles conditions d'exploitation ils sont produits. Cela, v...

le 03/12/2019 à 18:08
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@ PIC SOUS: vous dites "[...] obliger les fabricants [...]". Mais enfin, comment osez-vous ? Une telle restriction de liberté !!

à écrit le 02/12/2019 à 21:01
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On n'oblige personne à consommer le black friday. Ceci étant je considère l'écologie politique comme une quasi religion avec ses dogmes, ses rites, ses grands prêtres, ses prophètes plus ou moins illuminés, ses tendances permanentes à la culpabilisa...

le 02/12/2019 à 23:00
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On peut renverser votre message sans trop de difficultés: "Ceci étant je considère le néo-libéralisme politique comme une quasi religion avec ses dogmes, ses rites, ses grands prêtres, ses prophètes plus ou moins illuminés, ses tendances permanentes ...

le 03/12/2019 à 8:02
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Le néo-libéralisme n'existe pas. Il existe l'économie de marché, loi naturelle vieille comme le monde et aussi universelle que la gravitation. Même le communisme n'avait pas réussi à l'éradiquer, puisque la seule économie réelle des pays communiste...

le 03/12/2019 à 12:04
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réponse à bruno.. Vous êtes probablement le seul à dire que le néo-libéralisme n'existe pas. Par ailleurs, l'"économie de marche" n'est pas vieille comme le monde. Je pense que vous devriez lire (ou relire ) l'Histoire pour mieux vous documenter. Le ...

à écrit le 02/12/2019 à 20:29
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Quand les écolos-bobos vont-ils plutôt proposer un "Green Friday" avec une promo réservée aux biens écolos (reconditionnés, bio, etc...) ?? Plutôt qu'interdire, qu'ont-ils à proposer ?

à écrit le 02/12/2019 à 20:01
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C'est beau l'avenir : on se fera livrer des smartphones fabriqués en asie tout en crevant de chaud et de faim du fait de l'effondrement de la biodiversité.

à écrit le 02/12/2019 à 19:23
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Les tik et tak de l'ESSEC sont de retour. Comparer sans rougir LAREM à des bolcheviques planistes, il fallait oser.... Et c'est à ça qu'on les a reconnu. Vivement un petit stage dans la vallée de l'Argens pour leur remettre les idées en place.

à écrit le 02/12/2019 à 18:47
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En écologie, la logique n'a pas grande importance. A part les capitalistes (pour qui l'écologie est un business susceptible de rapporter gros moyennant le lobbying et les lavages de cerveau appropriés) et les politiques (pour qui c'est une façon de d...

à écrit le 02/12/2019 à 18:47
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Depuis des années la même constance dans la faiblesse de l'argumentation. Ils commencent par nous sortir l'argument de la consommation moteur de la croissance à court terme. Le e-commerce étant très polluants, il serait nécessaire d'arbitrer en...

à écrit le 02/12/2019 à 18:29
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Ils n’ont absolument RIEN compris les pauvres! Déprimant d’entendre ça....

le 02/12/2019 à 19:50
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C'est l'ESSEC. Un cycle de formation de trois années revient à près de 50 000€ (17 K€/année). Imaginez quel genre de public peut fréquenter ce genre d'établissement.

le 02/12/2019 à 21:28
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Réponse à normal. ... des types qui réussissent un vrai concours ... insupportable.

le 03/12/2019 à 16:00
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bof.... Je vous invite à consulter la liste des anciens élèves, sur viadeo par exemple. Aucun ne semble avoir fait de carrière intéressante. Il sont tous devenus directeur de machin, sous directeur de truc dans des grosse boites internationales...

à écrit le 02/12/2019 à 18:17
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C'est tout l'Ardéchois. Entre la consommation, la croissance, la richesse et de l'autre la vertu écologique, il faut choisir. La pauvreté est la chose la plus écologique qui soit.

le 02/12/2019 à 19:12
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rien de plus egaux egalitaristes de gauche que 2 pauvres! entre buffet et gates ou la difference est criante et se compte en milliards de dollars, et le venezuela reenchante socialiste de maduro ou tout le monde vit genereusement et socialistement ...

à écrit le 02/12/2019 à 18:07
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"La consommation des ménages est un moteur de la croissance économique" C'est pour cela que ce dumping social imposé par l'europe est tout simplement incompréhensible, comment veut on faire un pays prospère avec des salaires de misère ?

le 02/12/2019 à 22:42
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J'ai suivi leurs cours à l'Essec mais malheureusement, je crois qu'ils n'ont pas perçu l'évolution des salaires, des sécurités sociales et des services publics en Europe occidentale, ni la concurrence complètement déloyale à laquelle se livrent les p...

le 03/12/2019 à 9:11
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IL serait surtout tan de sortir des dogmes des uns et des autres élaborés à une époque différente et donc relevant de phénomènes différents:"SI ton eil était plus aigu tu verrais tout en mouvement" Nietzsche Tout ces économistes prêcheurs, ça fai...

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