Coliving : quel modèle réglementaire adopter pour une meilleure flexibilité ?

La crise du logement, le développement de l'économie de partage, le besoin de flexibilité des jeunes actifs, la demande croissante d'accès au confort et aux services, sont autant de raisons mises en avant par les opérateurs du secteur immobilier pour expliquer le développement du coliving. Par Sarah Fleury, Associé au pôle droit Immobiler et Agnès Druot, collaboratrice.
De g à d, Agnès Druot et Sarah Fleury, avocates au cabinet Goodwin
De g à d, Agnès Druot et Sarah Fleury, avocates au cabinet Goodwin (Crédits : Reuters)

Cette forme de cohabitation, qui consiste à vivre en communauté dans un établissement offrant à chaque occupant un espace privatif meublé et équipé, des parties et installations communes et des services variés emprunte autant à l'hôtellerie qu'à la colocation traditionnelle, et se situe à mi-chemin entre le logement et le service.

Bien qu'il s'apparente a priori au modèle des résidences services, le coliving vise une clientèle beaucoup plus large - notamment étudiants et start up - et insiste sur la flexibilité des contrats proposés, l'idée étant de permettre aux résidents d'emménager et déménager avec des délais très courts, dans un logement « prêt à habiter »  et pour une durée variable, totalement adaptable en fonction des besoins du résident.

Or, au regard de la réglementation stricte qui encadre les baux d'habitation en France, il convient de se demander si cette promesse de flexibilité est réalisable. En effet, le cadre législatif d'ordre public ne laisse la place qu'à deux modèles, aucun des deux ne semblant toutefois pleinement correspondre à la vision idéalisée du coliving que projettent les sociétés innovantes dans ce domaine.

Le modèle du « bail d'habitation »

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014 (ALUR), la réglementation applicable aux baux de locaux d'habitation meublés est celle applicable aux locations vides, à quelques exceptions près.

Les baux meublés relèvent du titre 1er bis de la loi du 6 juillet 1989 dès lors qu'ils portent sur la « résidence principale » du preneur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.

Or cette loi contient des dispositions contraignantes et d'ordre public, relatives notamment à la durée du bail (1 an minimum pour un bail meublé ; 9 mois minimum si le locataire est étudiant) ou au délai de préavis pour mettre fin au bail (1 mois en cas de résiliation par le preneur, le bailleur ne pouvant mettre fin au bail que par refus du renouvellement du bail échu en motivant son refus de renouvellement du bail soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant), qui semblent incompatibles avec un coliving « flexible ».

Seules des circonstances particulières et limitatives permettent de déroger au régime du bail d'habitation meublé : il faut que le bailleur personne physique justifie avoir à reprendre le local pour des raisons professionnelles ou familiales ; ou encore que le locataire justifie être en formation professionnelle, stage, contrat d'apprentissage ou mutation professionnelle autorisant la signature du bail dit mobilité.

Le modèle « hôtellerie »

Pour éviter la rigidité du régime des baux d'habitation, le modèle alternatif est celui de l'hôtellerie.

A plusieurs égards, ce modèle n'est pas non plus pleinement satisfaisant. D'une part, il n'offrira qu'une situation juridique précaire puisqu'à partir de 8 mois de résidence, le logement risquera d'être qualifié de résidence principale et sera alors soumis à la loi de 1989.

D'autre part, l'immeuble devra éventuellement faire l'objet d'une autorisation de changement d'usage lorsque les locaux transformés en résidence de coliving sont originairement des locaux à usage d'habitation.

Ces deux modèles correspondent à deux logiques de location différentes, l'une moyen-terme - assez proche de l'habitation traditionnelle - et l'autre très court-terme - s'adressant à des personnes "en transition" pour quelques mois. Dans l'attente d'un éventuel régime spécifique pour les locations « flexibles » en résidences services, les opérateurs devront nécessairement se calquer sur l'un ou l'autre de ces modèles, leur choix dépendant de la clientèle ciblée.

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