COP28 : et si les entreprises alliées aux consommateurs étaient les véritables décideurs de la décarbonation  ?

OPINION. Après quinze jours de dramaturgie à Dubaï, durant lesquels tous les yeux étaient tournés vers les représentants des deux cents pays participants pour trouver in extremis un accord diplomatique, désaxons notre regard. Par Natasha Pouget*, ancienne membre de la mission Grand Paris pour le Président de la République et ancienne directrice du développement de l'Institut de l'entreprise.
(Crédits : DR)

Posons-le du côté de ce qui nous est proche, sur ce que nous connaissons : les entreprises. A côté des Etats, elles sont l'un des bras armés de la décarbonation du monde. Ce sont elles qui sont amenées à mettre en œuvre les engagements et les objectifs fixés lors des événements diplomatiques internationaux dédiés au climat.

Mais ne nous y trompons pas, l'action des entreprises en faveur des enjeux climatiques ne relève ni de la philanthropie, ni d'un élan du cœur de leurs dirigeants. Que cela soit pour sécuriser leurs approvisionnements pour celles qui utilisent des entrants agricoles dans leurs procédés de fabrication, pour préserver leurs sites industriels en cas d'aléas climatiques majeurs ou pour conserver une clientèle solvable en mesure de consommer, elles y ont tout simplement intérêt.

Une vision pragmatique des conséquences

Le réassureur Swiss-Re anticipe ainsi que la France perdrait de -1 à -10% de son produit intérieur brut au cours des cinquante prochaines années en cas de réchauffement mondial à +2°C. Du côté des assurances, les experts évaluent que le coût des sinistres nationaux dus aux événements naturels pourrait s'envoler de 93 % lors des prochaines années pour atteindre 143 milliards d'euros en cumulé sur la période 2020-2050.

L'attention que portent les entreprises pour le climat est donc pragmatique et économique. Et c'est tant mieux ! En économie, il n'y a en effet pas de meilleur ressort d'action que celui visant à préserver et défendre ses propres intérêts.

Cette nécessité de lutter contre le réchauffement climatique et d'agir pour endiguer le recours aux énergies fossiles pour les acteurs économiques est d'autant plus évidente que la sophistication des dispositifs de taxation carbone combinée à une meilleure prise en compte des externalités négatives dans le coût complet de leurs productions va rebattre les cartes de la compétitivité des entreprises entre elles. Le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), le nouvel instrument règlementaire européen, qui vise à soumettre les produits importés dans le territoire douanier de l'Union Européenne à une tarification du carbone équivalente à celle appliquée aux industriels européens fabriquant ces produits en est l'un des exemples. Sa mise en œuvre effective est programmée en janvier 2026.

Un « Nutri-score pour l'environnement »

Mais au-delà de s'adapter à un cadre réglementaire européen ou international de plus en plus exigeant, les entreprises ont à répondre à la demande sociétale croissante pour plus de transparence sur les émissions associées aux produits ou services consommés. Dès lors, sur le modèle du Nutri-score utilisé dans l'agroalimentaire ou sur celui qui caractérise la consommation énergétique de l'électroménager nous pouvons considérer que l'affichage du coût complet de l'empreinte carbone des produits et services pourrait avoir un effet direct sur les modes de consommation. Les citoyens savent que ce qui influe sur leur empreinte carbone, est ce qu'ils achètent. Ce nouveau critère introduit dans les décisions d'achats déformerait la demande existante, actionnerait les mécanismes concurrentiels et modifierait les équilibres de marché actuels qui ne prennent pas ou peu en compte les émissions de CO2. Sur ce fondement économique, mis en œuvre par les entreprises elles-mêmes, le prix ne serait plus la seule mesure qui dicterait les choix objectifs des consommateurs. Celui lié à l'empreinte carbone clairement affichée modifierait la structure de la demande, et conduirait les industriels à ajuster leur offre en prenant en compte l'empreinte carbone de leurs produits ou services.

Ainsi, l'Éco-Score, sorte de Nutri-Score appliqué à l'impact environnemental d'un produit (qui devrait s'imposer en France dans l'alimentaire et le textile en 2024) pourrait ouvrir la voie à un plus large dispositif de notation en fonction des émissions carbones. Il pourrait être étendu à l'ensemble des produits manufacturés ou services délivrés en France.

Cette idée de fournir une information claire et transparente aux consommateurs défendue lors de la Convention citoyenne pour le climat doit aujourd'hui être portée par les entreprises elles-mêmes. Le droit à disposer d'une information régulière, sincère et qui donne une image fidèle ne doit plus se cantonner à la sphère financière et au champ des reportings extra-financier. Il doit devenir un principe général de marché pour les entreprises et les consommateurs. Produire et consommer, c'est aussi agir pour le climat !

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(*) Natasha Pouget a débuté sa carrière en banques d'affaires et en salle de marché ce qui l'a conduite à contribuer au rapport de l'ONU sur la « Recherche de solutions pratiques pour l'assainissement des marchés financiers » dont elle a intégré le comité de réflexion. À l'issue de ces travaux, elle a rejoint le think tank patronal l'Institut de l'entreprise comme directrice du développement. En parallèle elle était tuteur pédagogique à Sciences Po et professeur en finance d'entreprise en Prep ENA gérée par l'IGPDE (Institut de la gestion publique et du développement économique du ministère de l'Économie et des Finances). En 2018, elle est membre de la Mission du Grand Paris et a contribué au rapport pour le Président de la République. Depuis janvier 2019, elle est Senior Manager en charge des Engagements extérieurs de Philip Morris France.

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Commentaires 4
à écrit le 15/12/2023 à 9:29
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Bref ! On ne remettra jamais en cause l'effet des publicités commerciales dans la consommation ! C'est comme nier l'effet des directives de Bruxelles dans notre politique ! On en parle pas !

à écrit le 15/12/2023 à 8:45
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Un « Nutri-score pour l'environnement » : Non, ca n'aura aucun effet. Les gens n'achèteront jamais de consommer pour sauver la planète

le 15/12/2023 à 18:23
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Détrompez vous aujourd'hui les locataires regardent le classement dpe avant de faire leur choix et avec le temps tout le reste suivra, comme on l'a déjà vu avec la consommation des voitures qui est un argument de vente ...

à écrit le 15/12/2023 à 8:44
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Non, nous n'avons pas un rapport d'égal à égal, nous sommes obligés d'acheter tel ou tel produit selon nos revenus d'abord et avant tout, nous n'avons pas de choix et les entreprises se reposent d'abord et avant tout sur une force de vente, voir plus...

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