Coronavirus : le roi dollar en passe d'asphyxier les marchés financiers

Expert et consultant en Finance, Marc Verspyck explique comment les annonces récentes des banques centrales et des gouvernements pour contrer les effets de la crise économique et boursière provoquée par le coronavirus risquent d'accentuer la volatilité des devises et d'entraîner un recours accru au dollar américain. Selon lui, la victoire du dollar fragiliserait davantage les circuits financiers.
(Crédits : Dado Ruvic)

Ces dernières semaines les marchés financiers sont frappés par les baisses spectaculaires des indices boursiers. 2020 ? Une année qui devait apporter sa croissance « normalisée », fût-ce dans un contexte commercial tendu et ses opérations financières massives pour accompagner la mondialisation de nos économies. Bref, tous les acteurs étaient prêts pour rejouer la copie de 2019, en mieux bien entendu.

Au vu du krach actuel, il est légitime que les personnes physiques se préoccupent de leur patrimoine financier qui aura perdu - pour la classe des actions - plus de 30% de valeur en quelques semaines. Au-delà des particuliers, les économistes tentent d'évaluer l'impact sur la croissance du Covid-19 et de la pertinence des plans de relance et des mesures court-terme proposées par les différents gouvernements.

Et maintenant, la guerre des devises

Mais une autre menace existe : la guerre des devises. Quelques chiffres pour illustrer la volatilité des cours et la vitesse de propagation : le rouble a perdu 20% face au dollar en tout juste un mois (effet immédiat de la baisse du prix du pétrole) ; la livre s'est effacée de près de 13% en quinze jours face au dollar ; plus étonnant, pour un couple traditionnellement stable (voir « peggé » comme disent les spécialistes), le dollar canadien est au plus bas depuis 2015 face au dollar US. On notera également que  si l'euro se maintient face au dollar US autour de 1.10 (après un plus bas à 1.06 mi-mars), la volatilité de la paire euro-dollar est au plus bas depuis janvier 2017.

On connait le contexte de certains pays qui ont structurellement des difficultés à tenir leur devise et qui sont mis à mal par le système financier (mais en raison initialement de gestion budgétaire domestique déficiente): l'Argentine sous le poids de sa dette en cours de discussion avec le FMI, le Liban qui n'a plus de réserve de change et l'Equateur qui a annoncé le 20 mars dernier un probable défaut de paiement sur sa dette souveraine (pays dollarisé totalement, par ailleurs). Des situations qui se multiplient et le FMI a annoncé le 23 mars avoir reçu des demandes de prêt de la part de 80 pays. Non, la surprise vient des mouvements sur les devises que nous avons citées, mais aussi sur les émergents, avec le Vietnam et bien entendu la Chine.

Recours accru au dollar US

Dans ce contexte, les annonces des banques centrales et des gouvernements risquent d'accentuer cette volatilité et un recours accru au dollar US, devise et valeur refuge. Il est difficile de chiffrer les effets combinés des différents plans, notamment en raison de la nature différente des diverses mesures (rachat d'actifs, garantie d'état, actions sur les stocks de devises). S'agissant des flux et des stocks de devises, si l'on regarde l'économie chinoise, on observe à la fois un volume considérable de papiers « US treasury bills » détenus par la banque centrale (1 000 Milliards de dollars à fin 2019), mais en parallèle des encours de dettes en USD qui risquent de ne pas être honorés par des acteurs para-publics et privés (8 000 milliards de dollars, selon la Banque des règlement internationaux à fin 2019). La solution envisagée ? Un nantissement des « US T bills » pour permettre à l'économie chinoise de tourner ? Cela supposerait également un accroissement des lignes de swap que la Federal Reserve US accorde à d'autres banques centrales, la chinoise en l'espèce. Pour l'heure quatorze pays peuvent bénéficier de ce mécanisme (dont la zone Euro), mais le Fed n'a pas augmenté l'enveloppe pour la Chine, contrairement à celle de neuf autres pays.

On touche là une face cachée de ce marché dont le volume quotidien dépasse en moyenne les 6 000 Milliards de dollar. Depuis la crise de 2008, les banques et les économies non étatsuniennes dépendent de plus en plus de ces lignes de swap, cette liquidité du dollar - à la main de la Fed.

Les différentiels de taux ne sont plus la boussole des marchés

Si la technique de « dévaluation compétitive » classique des années 1960 fonctionnait à l'époque, en d'autres termes permettait de recouvrer un peu de croissance par des exportations, la gestion technique des devises n'est plus organisée de la même manière aujourd'hui : les différentiels de taux ne sont plus la boussole qui guident les marché et l'évolution des parités de change. Dès lors, comment vont réagir des pays comme la Chine, la Russie ? Par ailleurs, les prêts du FMI et de la Banque Mondiale libellés majoritairement en US Dollar accentuent le phénomène de dépendance et de création des « court-circuits ».

Si une guerre des devises a commencé, il ne risque d'y avoir qu'une devise gagnante et une fragilisation supplémentaire de nos circuits financiers : est-il encore temps de réagir?

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Commentaires 7
à écrit le 27/03/2020 à 20:50
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c'est ce qui devait arriver : la guerre des QE, avec naturellement un " léger " différentiel de volume entre la FED et la BCE, et après un virage à 180° et 3 métros de retard de mémé Lagarde et c'est l'U€ qui meurt à la fin !

à écrit le 27/03/2020 à 13:47
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La Chine anticipe en extrayant et en stockant des tonnes d'or. A la sortie de la crise, que vaudra le dollar ? Qu'elle sera le montant de la dette US? Quelle confiance dans cette monnaie qu'on nous dit indétrônable ?

à écrit le 27/03/2020 à 10:23
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Sans faute: Si les dragons célestes réinjectaient leur immense fortune planquée dans les paradis fiscaux dans l'économie réelle cela redonnerait un temps soit peu de valeur à leur argent. Il faudrait encore leur attacher leurs lacets à ceux-là ma...

le 29/03/2020 à 6:26
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Il reste encore des erreurs dans votre commentaire (un tant soit peu, par ex).

le 29/03/2020 à 20:30
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A la limite du message codé même tellement yen a d'énormes..

à écrit le 27/03/2020 à 10:07
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Si les dragons célestes étaient un temps soit peu éclairés ils remettraient dans le circuit économique réel l'argent qu'ils ont planqué dans leurs paradis fiscaux afin de redonner un temps soit peu de cet argent qu'ils ont temps, mais voilà ce ne son...

le 27/03/2020 à 14:46
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C'est quoi un dragon celeste?

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