Crise sanitaire et quête de sens  : ne soyons pas naïfs  !

OPINION. Pour conserver leurs talents ces prochains mois, nos entreprises devront bien entendu renouer avec la rentabilité, mais aussi avoir une position claire et affirmée quant à leur impact sur un modèle de société rudement mis à l’épreuve. Par Caroline Renoux, fondatrice et CEO de Birdeo*.
Certains des secteurs de prédilection des reconversions dites « de sens » (restauration, hôtellerie, artisanat, autres métiers de bouche...) comptent parmi les plus sinistrés aujourd'hui.
Certains des secteurs de prédilection des reconversions dites « de sens » (restauration, hôtellerie, artisanat, autres métiers de bouche...) comptent parmi les plus sinistrés aujourd'hui. (Crédits : iStock)

L'expérience nous l'a suffisamment prouvé : il y a toujours les vœux pieux d'une jeunesse urbaine et privilégiée d'une part, et la réalité d'un terrain miné par la crise d'autre part... La réalité d'une société qui basculerait tout entière vers une plus grande justice sociale et une plus profonde préoccupation environnementale se situe probablement un peu entre les deux. Si la période que nous traversons pousse naturellement tout un chacun à l'introspection professionnelle, il est d'ores et déjà permis de s'interroger quant aux conséquences réelles qu'elle aura sur les reconversions professionnelles dites « à impact », en France.

2000-2019: de quelques pionniers inspirés à des milliers de professionnels engagés !

Il y a une quinzaine d'années, souvenons-nous, il fallait être sacrément convaincu et courageux (certains diront même « marginal »), pour renoncer à un salaire fixe, régulier et évolutif, comme à un plan de carrière souvent tracé, et se lancer dans la désormais célèbre « quête de sens ». D'autant que rares étaient alors les employeurs en mesure de tenir cette promesse d'un impact social et/ou environnemental positif. Ils étaient donc peu nombreux, mais excessivement militants.

Les choses ont réellement commencé à bouger entre 2016 et 2017, au lendemain de la COP21 et de l'accord de Paris qui s'en sont suivis. Les préoccupations écologiques étaient enfin partagées au plus haut niveau de gouvernance... Mais il aura fallu attendre l'année 2019 pour atteindre un véritable point de bascule, tant dans les prises de conscience individuelles et collectives, que dans la tenue d'initiatives concrètes de la part de nos politiques et de nos entreprises. L'entrée en vigueur de la loi Pacte, introduisant le statut d'entreprise à mission en janvier dernier, ou encore le succès de labels internationaux ambitieux tels que « B Corp », en sont des traductions incontestables. Forts de ces avancées, nous serions a priori tout à fait autorisés à prédire une radicalisation évidente des talents pour 2020, amplifiée par une remise en question profonde, expiatoire presque, au lendemain de la crise sanitaire la plus importante de notre siècle.

2020: un optimisme bienvenu certes, mais un optimisme à nuancer !

Côté entreprises, si je ne doute pas que cette lame de fond perdure après la crise, je m'interroge en revanche sur la place qu'elle prendra au sein d'une économie non plus seulement chamboulée, mais bel et bien dévastée, qui devra prioritairement retrouver sa productivité. Quel qu'en soit le coût... En 2008 déjà, au lendemain de ce qui faisait pour nous jusqu'ici référence en termes de marasme économique, cette petite phrase « l'écologie, ça suffit ! » avait vu s'écrouler bon nombre d'espoirs et de démarches écoresponsables dans nos organisations.

Côté candidats, si l'envie de tout plaquer saura être forte, le premier impact de la crise sera inévitablement pour certains le report, voire l'abandon d'une telle vocation, par crainte du chômage et de la précarité qu'il entraîne. Par ailleurs, certains des secteurs de prédilection des reconversions dites « de sens » (restauration, hôtellerie, artisanat, autres métiers de bouche...) comptent parmi les plus sinistrés aujourd'hui. Enfin, si les « carrières de sens » se démocratisent, elles appellent désormais dans le même temps de nouvelles exigences (salaires, perspectives, confort de travail...), que peu d'entreprises seront en mesure d'offrir cette année malheureusement.

Ne soyons donc surtout pas candides, mais bien stratèges et tactiques, pour conserver nos talents, en attirer de nouveaux, et leur permettre de satisfaire cette aspiration qui va aller croissant. Car cette quête de sens ne regardera pas qu'en direction des entreprises estampillées « sociales », mais bien en direction de toutes les organisations, exigeant une discipline et une exemplarité morale qui ne dépende plus d'un contexte économique ou social particulier. Nos entreprises ne pourront plus être dans un entre-deux : soit elles répondront à des exigences court-termistes et devront l'assumer, soit elles se positionneront (ou se renforceront) dans une démarche absolue de contribution positive des parties prenantes. Les salariés en quête de sens de 2021 seront en effet exigeants et intransigeants. La bonne nouvelle, c'est que pour toutes celles qui embrasseront à bras le corps cette ambition, le recrutement des talents sera plus évident que jamais, et plus prolifique chaque jour. Tant mieux, car tout doit désormais changer, pour que notre société retrouve rapidement, mais durablement, la prospérité qui entraînera les nouvelles solidarités.

___

*Birdeo est un cabinet de recrutement et de chasse de tête spécialisé dans le développement durable et la RSE.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 14/05/2020 à 22:07
Signaler
Ne soyons pas naïfs en effet : toutes les entreprises se foutent de la quête de sens, comme de la justice sociale d'ailleurs, de toute façon, c'est clairement pas leurs buts. Dans la majorité des secteurs, la politique rh de ces quarante dernière...

à écrit le 14/05/2020 à 19:51
Signaler
Message pour les jeunes diplômés et cadres : Arrêtez d’être naïf : ne vous fiez pas à la notoriété des grandes entreprises, ne vous laissez pas piétiner comme des paillassons , mettez un cadre de vie sain car le plus important est la santé et nos le...

à écrit le 14/05/2020 à 19:39
Signaler
En bref! On s'aperçoit de ce qui compte quand le reste est au aboie!

à écrit le 14/05/2020 à 18:58
Signaler
La dictature financière ajoutée à l'éradication de la nationalité en UE a dégoûté les citoyens du travail, ils n'y voient plus qu'une contrainte afin de payer leurs crédits et un salarié contraint n'est pas le meilleur des salariés. Je peux parle...

à écrit le 14/05/2020 à 18:45
Signaler
parler de manque de justice sociale en france, ca fait d'autant plus sourire qu'a force de decourager les gens, la france en est devenu le leader du modele insiders outsiders! les incantations et l'utopie, ca mene aux petits moustachus pas liberaux ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.