Durabilité : ces réglementations qui bouleversent le modèle d'affaires des entreprises

Le 8 novembre prochain se tiendra la 4e édition de l'Observatoire des transitions sociétales : "Durabilité et nouveaux modèles d'affaires".​ Cette année, l'événement est organisé en partenariat avec la prestigieuse école HEC Paris, HEC Paris Society & Organizations Institute (S&O) et La Tribune. L'occasion de faire le point sur les nouvelles réglementations et tendances contentieuses en lien avec les enjeux de durabilité comme le devoir de vigilance et la directive CSRD.

Renforcement du devoir de vigilance, extension des obligations de reporting extra-financier, augmentation de la pression RSE sur les organes de gouvernance... Les entreprises sont entrées dans une nouvelle ère. Une ère dans laquelle leur contribution à un monde durable, respectueux de l'humain et de la planète, est au cœur de l'équation des transitions écologiques et sociales.

Longtemps portés par des entreprises pionnières, agissant de leur propre initiative, les engagements ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) s'inscrivent aujourd'hui dans des réglementations de plus en plus ambitieuses. La directive CSRD, qui entre progressivement en vigueur à partir du 1er janvier 2024, harmonise les indicateurs de durabilité et exige leur reporting par 55 000 entreprises (soit 5 fois plus que la directive NFRD qu'elle modifie). Afin de prévenir les risques sociaux et environnementaux, la directive CS3D prévoit de mettre en place un devoir de vigilance qui concernerait 20 % des entreprises européennes (contre 5 % dans la règlementation française actuelle).

Et le recul du devoir de vigilance à la française en 2023 ne doit pas masquer cette évolution profonde. Avec l'échec de plusieurs procédures en justice menées par des ONG contre de grandes entreprises, le nombre de nouvelles procédures s'est écroulé cette année (3 contre 12 en 2022, soit 4 fois moins). Cela traduit un certain attentisme des acteurs dans la perspective de la prochaine directive européenne CS3D qui sera plus stricte et contraignante que la réglementation française.

Ces évolutions réglementaires entrainent un changement de modèle d'affaires des entreprises. Nous, qui les accompagnons au quotidien, en sommes les témoins directs. Des administrateurs en charge des politiques durables sont nommés, les comités exécutifs et de direction suivent de près ces enjeux devenus stratégiques. Et pour cause. Les conséquences d'un manquement sur ces sujets sont lourdes : mauvaise réputation auprès des clients, des actionnaires et des financeurs qui se détournent des entreprises sanctionnées ; pénalités financières atteignant 5 % du chiffres d'affaires mondial ; responsabilité des administrateurs en matière de droits humains et environnementaux de plus en plus recherchée...

Au-delà de la gouvernance, tous les métiers de l'entreprise sont impactés : la direction financière qui intègre l'information extra-financière dans ses relations avec les investisseurs, la direction juridique de plus en plus sollicitée pour vérifier la conformité de cette information ou des plans de vigilance, les directions RSE et RH au cœur de cette transformation durable... Et de nouveaux outils apparaissent afin de prévenir les risques associés à ces enjeux, à l'image des « Dispute Boards » que mettent en place certaines grandes entreprises soucieuses de mieux piloter les conséquences de ces évolutions.

Cette tendance est mondiale, comme le montrent les travaux menés par l'ISSB qui a publié, cet été, ses propres normes climatiques internationales que plusieurs pays se sont déjà engagés à appliquer. Ces normes sont compatibles avec leurs homologues européennes, afin d'éviter aux entreprises un double reporting extra-financier qui serait fastidieux et coûteux. C'est un engagement qu'Emmanuel Faber, président de l'ISSB, et Patrick de Cambourg, président du SRB de l'Efrag (en charge des normes européennes de durabilité), avaient pris vis-à-vis des acteurs économiques qui avaient exprimé leur inquiétude en la matière.

Cependant, cette contrainte réglementaire croissante peut rapidement avoir ses limites. Si les politiques de durabilité des entreprises se résument à de la "compliance" et à "cocher les cases", si l'investissement dans le reporting détourne les entreprises d'une transformation en profondeur, alors tous ces efforts se révèlent vains et contre-productifs. Plus de transparence doit nécessairement s'accompagner d'une approche stratégique réelle. S'engager dans la CSRD doit dépasser la simple démarche de communication ou de recherche de financement. Les dirigeants et leurs collaborateurs doivent réfléchir profondément aux transformations nécessaires pour exercer leur activité économique dans les limites planétaires et dans le respect des besoins sociaux fondamentaux.

Car ces tendances contribuent également à changer nos perspectives sur le rôle de l'entreprise. La directive CSRD la conçoit comme un corps vivant, avec des parties prenantes (salariés, clients, prestataires, territoires et communautés...) qu'elle doit impliquer dans sa transition. Reste à savoir si cette vision, encore très européenne, réussira à dépasser les frontières de l'UE. Un enjeu clé pour nos entreprises qui, dans la compétition mondiale, en sortiraient renforcées.

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Bénédicte Faivre-Tavignot est professeur associée à HEC Paris, co-fondatrice de l'Institut S&O (Society & Organizations), et Louis de Gaulle, président du groupe De Gaulle Fleurance, avocats et notaires

Le 8 novembre prochain se tiendra la 4e édition de l'Observatoire des transitions sociétales : "Durabilité et nouveaux modèles d'affaires".​ Cette année, l'événement est organisé en partenariat avec la prestigieuse école HEC ParisHEC Paris Society & Organizations Institute (S&O) et La TribuneUn panel d'experts, composés de professeurs d'HEC Paris, Bénédicte Faivre-TavignotMarieke HuysentruytArnaud VAN WAEYENBERGE, d'avocats de De Gaulle Fleurance, Louis de GaullePierrick Le GoffBruno DeffainsAlexandra Nowak, et Jordan Le Gallo, ainsi que du Chief Citizenship Officer de Schneider ElectricGilles Vermot Desroches, analysera les nouvelles réglementations et tendances contentieuses en lien avec les enjeux de durabilité.

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Commentaire 1
à écrit le 07/11/2023 à 8:50
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HEC où quand le mal se prend le bien. Déluge il y a et il y aura donc.

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