L'automobile favorisera-t-elle une révolution plus globale des villes  ?

Le Mondial de l'Automobile a montré que tout converge vers une remise en question des acquis de notre société industrielle. Le triptyque mobilité-bâti-énergie va connaître une mutation avec l'émergence de nouveaux modèles économiques reposant sur les services. Par Emmanuel François, président de la Smart Buildings Alliance for Smart Cities (SBA)
En combien de temps la voiture thermique, à commencer par la voiture diesel, sera-t-elle remplacée dans nos villes et nos territoires par un véhicule hybride ou électrique et bientôt autonome ? Et avec quels impacts sur les villes, services, systèmes et modèles ?
En combien de temps la voiture thermique, à commencer par la voiture diesel, sera-t-elle remplacée dans nos villes et nos territoires par un véhicule hybride ou électrique et bientôt autonome ? Et avec quels impacts sur les villes, services, systèmes et modèles ? (Crédits : Reuters)

Comme nous venons de le constater au travers du dernier Mondial de l'Automobile, la mobilité est en train de vivre une complète révolution impactant profondément toute l'industrie automobile avec des répercussions majeures tant sur notre économie que notre société. Cette révolution est comparable à celle que l'humanité a connue il y a 120 ans avec l'arrivée de la voiture thermique : à cette époque, il n'avait fallu que 10 ans à New York pour passer de la voiture à cheval à la voiture thermique. Saurons-nous opérer la même transition ou trainerons-nous des modèles obsolètes et lourds ? Posons-nous la question : en combien de temps la voiture thermique, à commencer par la voiture diesel, sera-t-elle remplacée dans nos villes et nos territoires par un véhicule hybride ou électrique et bientôt autonome ? Et avec quels impacts sur les villes, services, systèmes et modèles ?

Partage et mutualisation

Une erreur serait de comparer les véhicules thermiques aux véhicules électriques, dans un périmètre égal - celui dans lequel l'usager reste propriétaire de son véhicule. Avec internet qui favorise le partage et la mutualisation, nous sommes rentrés dans l'ère de l'utilisation par opposition à celle de la possession, avec la possibilité d'offrir et de profiter de plusieurs services autour d'un seul produit. En bon Homo Practicus, agissant de manière rationnelle, il y a fort à parier que nous allons vite délaisser notre voiture personnelle coûteuse et encombrante pour une mobilité propre et économe. A minima, cette offre flexible viendra remplacer la deuxième voiture familiale - celle qui dort toute la semaine au garage.

Ainsi le véhicule électrique va pouvoir supporter et agréger, telle une plateforme, d'autres services générateurs de valeur. On pense notamment au stockage d'énergie, le véhicule électrique représentant une capacité de stockage de plusieurs kW (au moins 7.000 W). Le véhicule devient alors une brique intégrée à la ville durable, en s'inscrivant dans un réseau d'énergie intelligent, le Smart Grid. A proximité d'un bâtiment ou d'un équipement extérieur (éclairage public ou autre...), ce réservoir d'énergie peut dès lors être utilisé notamment pour stocker les énergies renouvelables produites localement et/ou pallier les pics de consommation. Sans oublier que différents modèles de publicité peuvent également contribuer à valoriser un véhicule, surtout dans le cas d'un véhicule autonome, le passager étant potentiellement disponible pour recevoir des informations durant son trajet. Et dans le cadre d'une mobilité partagée, le véhicule pourrait passer d'un taux d'utilisation moyen de 4% à plus de 50%. Les modèles économiques autour d'un véhicule étant foncièrement appelés à évoluer, il est tout à fait imaginable de voir émerger des offres de services de mobilité gratuites, ou à prix excessivement concurrentiels, dès lors que d'autres services comme l'énergie, la publicité, le transport de biens ou autres viendront valoriser l'investissement.

Rééquilibrer progressivement les territoires

Les aménageurs et les villes vont vite se saisir de cette mobilité servicielle : un promoteur immobilier pourra proposer une mobilité gratuite entre un lieu excentré et un centre-ville, une gare ou autre centre de vie, à partir du moment où cet investissement viendrait valoriser un foncier acquis à faible coût par exemple. C'est une vraie opportunité pour redynamiser l'espace rural et contribuer à rééquilibrer progressivement les territoires. Les collectivités seront certainement les premières à encourager cette mutation, susceptible d'avoir un impact immédiat sur la qualité de l'air, la réduction massive des nuisances sonores, le décongestionnement de la ville (jusqu'à 70% du trafic en moins si nous passons en véhicule autonome) et bien sûr la libération de la chaussée pour d'autres activités (50% de la superficie d'une ville étant aujourd'hui dédiée à la voiture). Pour la collectivité, le véhicule autonome et a minima partagé est un véritable atout en termes d'attractivité et d'amélioration de la qualité de vie de leurs administrés.

Les bâtiments et la mobilité sont liés. Ils vont contribuer à redessiner la ville et l'énergie est au cœur de cette mutation. Il faut donc revoir complètement notre approche énergétique et ceci dès aujourd'hui car l'évolution des usages et la transition vers une mobilité électrique va aller beaucoup plus vite que l'on ne le pense. Et avec elle, la généralisation du courant continu, point de convergence entre production énergétique, stockage et usages locaux. En effet, alors que le transport et la transformation du courant produit génèrent une déperdition de l'ordre de 20%, on comprend que le courant continu soit une réponse plus adaptée aux villes de demain, d'autant qu'elles seront évidemment éclairées en LED.

Le Mondial de l'Automobile est une occasion de plus de constater que tous les sujets convergent vers une remise en question des acquis de notre société industrielle. Il y a donc fort à parier que nous allons assister dans les 10 prochaines années à une profonde mutation du triptyque mobilité-bâti-énergie avec l'émergence de nouveaux modèles économiques reposant sur les services qui viendront naturellement rendre obsolète l'ancien modèle. Celui-ci a contribué à générer les problématiques planétaires actuelles, qui s'accentuent, tant sur le front du social que de l'environnemental. Il est temps de changer de modèle. C'est une opportunité unique et inespérée qui se présente à nous. Les technologies existent, le marché est prêt, n'attendons pas, saisissons cette chance d'embrasser une transformation holistique de nos villes. La mobilité est une belle porte d'entrée.

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