L’hébergement touristique en région PACA tourne la page du Covid

ANALYSE. Les départements du Sud-Est français renouent avec les fréquentations de 2019 après deux ans de crise qui ne les auront pas tous impactés de la même manière. Par Dominique Torre, Université Côte d’Azur; Jean-Charles Briquet-Laugier, Université Côte d’Azur et Sylvie Rochhia, Université Côte d’Azur.
(Crédits : Ville de Nice)

La saison touristique estivale 2022 fut « remarquable » pour les professionnels français, a souligné, le 29 août dernier, la ministre déléguée chargée du Tourisme, Olivia Grégoire, en commentant les premiers bilans de l'Insee, d'Atout France et d'ADN Tourisme. Selon François de Canson, président d'ADN Tourisme et maire (ex-LR) de La Londe-les-Maures (Var), on se dirige même vers « année historique », ce qui confirmerait que le secteur est bel et bien en train de tourner la page de crise du Covid.

Les deux années précédentes, la crise sanitaire avait en effet profondément impacté l'activité touristique sur tous les continents, et particulièrement dans les pays les plus visités d'Europe, dont la France. Paris, la première destination mondiale, n'avait pas été épargnée, et les régions littorales à forte attractivité avaient à peine mieux résisté.

La région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui rassemble les départements du Sud-Est (Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse) constitue un bon baromètre de ces répercussions. Dans l'hôtellerie par exemple, la recette moyenne par chambre (RevPar) a bondi de 30% par rapport à 2019, notamment sous l'effet du retour des touristes étrangers américains et du Golfe.

La région PACA associe en effet aux zones littorales de renommée mondiale de la Côte d'Azur d'autres zones attractives comme les stations des Alpes du Sud, les sites du Luberon ou la région d'Aix-en-Provence. La métropole de Marseille y tient une place particulière avec des visiteurs professionnels plus nombreux que les touristes pendant une grande partie de l'année. Depuis 2015, la part des locations saisonnières s'est accrue dans toute la région, compte tenu essentiellement du développement des plates-formes de réservation en ligne et notamment de leur leader mondial Airbnb.

Airbnb s'en sort mieux que l'hôtellerie

Nous avons mené une étude en partenariat avec la région qui nous a permis d'utiliser des données individuelles exhaustives relatives à la plate-forme Airbnb, renseignant à la fois les localisations des hébergements touristiques, leur nombre, leur durée, leurs prix, les caractéristiques des propriétaires, et bien d'autres choses, à défaut de connaître l'identité des occupants. Nous disposions aussi, grâce à une étude antérieure portant sur la même région, des données similaires depuis 2015.

De ce travail sont ressorties quatre constatations principales.

D'abord, les locations saisonnières transitant par la plate-forme ont souffert de la crise sanitaire dans la région. Leur fréquentation a été, en moyenne, bien plus faible que lors des deux années 2018 et 2019, mais cette baisse reste moins forte que celle qu'a subie l'hôtellerie dans la région. Le nombre de jours réservés a en effet baissé de 37% entre 2019 et 2020, et les revenus locatifs ont décru de 33% quand les hôtels de la région affichaient 45% de nuitées en moins et des revenus chutant de 59%.

Cette baisse s'est accompagnée - ce qui était impossible sur le plan hôtelier - d'une contraction de l'offre, de presque 10% en moyenne, certains propriétaires ayant préféré donner un autre usage à leurs biens, voire à les occuper eux-mêmes.

Côté demande, les visiteurs de 2020, moins nombreux et français en grande majorité, ont en moyenne préféré l'hébergement individuel à l'hôtel, pour différents motifs à propos desquels on ne peut que formuler des hypothèses (clientèle plus familiale qu'habituellement, bonne perception des avantages de la location saisonnière en termes de distanciation, meilleure expérience en termes de contact avec la population locale). Côté offre, le marché a montré comme on pouvait s'y attendre plus de réactivité que l'hôtellerie, en adaptant ses disponibilités à une demande plus restreinte.

L'arrière-pays résiste plus que les villes

Deuxième constatation : la baisse de fréquentation s'est très inéquitablement répartie sur le territoire de la région. Elle a été très importante dans les grandes agglomérations, impressionnante dans les zones de forte attractivité traditionnelle, beaucoup plus faible ailleurs, certains territoires ruraux de l'arrière-pays connaissant même une embellie toute particulière. Les Hautes-Alpes et surtout les Alpes de Haute-Provence amortissent notamment la crise, voire en profitent, alors que les autres départements s'affaissent.

Les villes les plus attractives de la Côte d'Azur restent les plus touchées (les Alpes-Maritimes connaissent une chute de 46% du nombre de jours réservés et de 37% des revenus engendrés, Nice perd 50% de ses jours réservés, Cannes 49%, etc.). Alors que la baisse de fréquentation hôtelière est estimée à 82% en station de sport d'hiver entre les saisons 2019-2020 et 2020-2021, dans les deux départements alpins, les locations saisonnières en stations de sport d'hiver et transitant par la plate-forme amortissent la crise. Les chutes de fréquentation vont de 17 à 33% en 2020, Allos parvenant même à accroître le nombre de ses jours réservés.

Les hébergements situés en arrière-pays, en vallée ou en moyenne montagne s'en sortent mieux encore : dans les Alpes de Haute-Provence, ce sont 33 communes de taille modeste comme Les Mées, Castellane ou Banon, qui affichent une fréquentation en hausse. Le même phénomène s'observe à un degré moindre dans les Hautes-Alpes. Ces observations peuvent donner le sentiment que les vacanciers ont plus qu'habituellement recherché l'entre-soi, la nature et l'authenticité au sortir des confinements.

Tarifs en hausse

Troisième constatation, les séjours se sont allongés, ce qui semble être à nouveau la conséquence d'une modification de la clientèle, plus familiale qu'à l'accoutumée. À nouveau, cet allongement est plus fort dans les départements alpins et dans les zones de densité urbaine la plus faible.

Enfin, la hausse des tarifs est l'observation qui nous a le plus surpris. En bons économistes, nous imaginions que la baisse de la demande aurait poussé les propriétaires et la plate-forme à proposer des rabais, à « casser les prix ». Ce n'est pas ce qu'indiquent les données. Dans les six départements de la région, les tarifs journaliers montent, à la fois en moyenne et par personne.

Cette hausse n'est pas due à un effet de structure (ils augmenteraient parce que les hébergements sont plus grands) mais bien parce que ladite « loi de l'offre et de la demande » n'a pas joué. Les propriétaires ont-ils cherché à gagner sur le prix ce qu'ils perdaient en volume, ou la plate-forme les a-t-elle dissuadés à baisser leurs prix pour ne pas avoir à les remonter une fois la crise passée ? En tous cas, on observe que ce sont les multipropriétaires, moins enclins à suivre les recommandations de la plate-forme, qui s'adaptent le mieux en baissant parfois leurs prix, alors que ceux qui louent un ou deux logements ont tendance à ne pas changer leurs prix ou à les accroître.

Il sera à présent intéressant de voir si les phénomènes observés au plus fort de la crise amorceront de nouvelles tendances en termes d'attractivité touristique ou si le retour à la « normale » sur le plan sanitaire nous fera retourner aux distributions historiques des flux touristiques en région PACA.

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Par Dominique Torre, Professeur de Sciences Economiques, Université Côte d'Azur ; Jean-Charles Briquet-Laugier, Secrétaire général, Maison des Sciences de l'Homme et de la Société Sud-Est, Université Côte d'Azur et Sylvie Rochhia, Maître de conférences en Sciences économiques, Université Côte d'Azur.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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