La fragilité, source d'humanité

[Rencontres Capitales] Le réel, dit Lacan, c'est ce à quoi on se cogne. En se cognant, on se fait mal, on a mal. Mal de voir ces situations inacceptables qui changent si peu et si difficilement. Mal d'observer que les maux nous résistent, quand ils ne s'aggravent pas, au point de nous narguer, constatant notre impuissance ou notre détermination chancelante pour transformer ce qui devrait l'être.
Le dur enferme ; la fragilité ouvre les coeurs
Le dur enferme ; la fragilité ouvre les coeurs (Crédits : DR)

Qui n'entend pas ces familles qui se cognent à une insuffisance de ressources, avec comme conséquence le refus d'un logement ? Leur avenir se fait plus incertain, pour se cogner à une réalité qui suscite, avec le désarroi, la perte de confiance : je n'y arriverai pas. Pour une maman seule, c'est l'angoisse : que vont devenir mes enfants ?

Le réel n'est plus seulement ce à quoi on se cogne, mais ce qui vient vous cogner ; il maltraite. Que de victimes de la précarité et de la pauvreté sont montrées du doigt comme responsables, si ce n'est coupables de leur situation ! Le peu d'espoir, qui déjà étreint, fait surgir un réel qui gifle. Le drame naît de l'indifférence quand il n'y a personne pour aider à voir clair, non point pour rappeler l'histoire, mais pour en susciter une nouvelle. La dureté blesse le discernement. Ce monde a besoin d'une plus grande attention à la fragilité, clé de la fraternité. Le dur enferme ; la fragilité ouvre les coeurs.

Ouvertures inespérées

Qui n'a pas en mémoire Aylan, cet enfant syrien de 3 ans, retrouvé mort, échoué sur une plage ? L'impact de sa photo fut considérable. Les consciences furent réveillées. La fragilité éclate, rendant insupportable la dureté du monde qui se replie dans ses peurs jusqu'à faire plier la vie. Cet enfant sait-il qu'il a fait naître des ouvertures inespérées ? Je pense à ce maire refusant l'accueil de Syriens et d'Irakiens. Bouleversé devant la photo de cet enfant, il me téléphone. Mon père, me dit-il, était un résistant. Il s'est levé contre la cruauté du nazisme. Si Aylan est mort, c'est toujours la même barbarie aveugle. Insupportable ! Immédiatement, il me donne l'autorisation d'accueillir des réfugiés mais, plus encore, il offre un magnifique engagement que bien de ses administrés partageront, quittant une hostilité pour entrer dans une hospitalité créatrice d'un monde plus fragile, plus humain.

Cette fragilité n'est pas une émotion, mais la promotion d'une société attentive à la question du sens. S'éloignent alors les intranquillités pour accorder du prix à la fragilité. Ces femmes et ces hommes, après avoir accueilli ces Syriens et Irakiens, ont reçu d'autres frères quittant la violence et la haine qui les cognaient. Le dur s'est effacé, les vulnérabilités partagées ont donné à chacun des raisons de vivre autrement.

Défendre l'homme conduit toujours à se placer du côté de la fragilité.

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RENCONTRES CAPITALES

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Commentaire 1
à écrit le 18/04/2018 à 11:20
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Dommage que tout ces articles sur des thèmes aussi intéressants soient tous payant non ? Avouez que cela ne peut que diminuer le nombre de lecteurs potentiels alors que pourtant d'un intérêt prioritaire sur les buzz médiatiques du moment. Pay...

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