La notion de care est apparue chez Gilligan pour décrire les critères des choix moraux des femmes, censés être différents de ceux des hommes, dans la mesure où ils relèveraient d'un altruisme plus renforcé, les femmes préférant agir selon des motivations privilégiant la qualité des interactions sociales et non strictement selon une approche formelle des droits et/ou des intérêts.
Dès lors, la question devient aussi celle de la préservation des relations humaines en jeu. Le care se présente comme la « capacité de prendre soin d'autrui » (Gilligan, 1982), et n'est pas sans rappeler un très large spectre définitionnel, allant de l'éthique jurisprudentielle (Éthique à Nicomaque, Aristote) à la notion de care chez Winnicott (1970), définissant la relation, l'attention et la confiance dont le traitement (cure) a besoin pour être le plus opérationnel possible. Dans les années 1990, Joan Tronto fait un pas de plus pour ouvrir la définition du care et la présenter ainsi :
« Activité caractéristique de l'espèce humaine, qui recouvre tout ce que nous faisons dans le but de maintenir, de perpétuer et de réparer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. »
Une absolue nécessité
Vivre bien suppose donc de comprendre qu'il n'y a pas les individus indépendants d'un côté et les individus dépendants de l'autre, ou encore les autonomes d'une part et les vulnérables d'autre part, mais que vulnérabilité et autonomie sont entrelacées pour décrire nos vécus d'interdépendance. L'éthique du care n'est plus strictement féminine mais renvoie à la spécificité humaine, à sa capacité primordiale de créer un monde « habitable », qui, sans cette activité créative et relationnelle, ne le serait nullement. L'analyse de Tronto est également importante pour comprendre comment la société organise l'invisibilité d'une commune dépendance au soin.
La charge du care n'est pas également répartie entre les individus, et les « pourvoyeurs » de care sont souvent déconsidérés. Le care n'est donc pas une prédisposition naturelle, celle des femmes, mais une activité absolument nécessaire pour le bon fonctionnement de la société, par ailleurs totalement dévalorisée pour permettre aux plus dominants socialement de masquer leur interdépendance structurelle.
___
RENCONTRES CAPITALES
- L'irrésistible ascension de nos amies les bactéries | par Pascale Cossart
- La fragilité ne doit pas être l'ennemi de l'entreprise | par Bertrand Collomb
- Reprenons confiance dans notre culture nationale ! | par Jean Viard
- La mémoire à l'épreuve de l'époque: l'éducation, un bel exemple? | par François Dubet
- Le compositeur et son double risque | par Karol Beffa
- Les possibilités, inédites, de créer synonymes d'une liberté, inédite, de créer? |
- par Catherine Bréchignac
- Vive le "care" ! | par Cynthia Fleury
- La fragilité, source d'humanité | par Bernard Devert
- « L'humain, maître de la nature : quelle arrogance ! » | par Gilles Boeuf
- Aimer à perdre la raison : notre société le tolère-t-elle encore ? | par J-C. Kaufmann
Sujets les + commentés