Quand le président Macron débarque la semaine dernière à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris, c'est la surprise. Après des semaines de silence sur le sujet du Covid-19, le plus haut personnage de l'État se décide à mettre en scène son action après avoir laissé le gouvernement en première ligne. Près d'un mois et demi après les premiers signaux d'alerte venus de Chine, et les mises en garde de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'heure est venue de préparer peu à peu les Français à l'arrivée prochaine d'une épidémie sur le territoire national.
Doutes
À cette occasion, les médias présents ont relayé la colère des médecins quant à la situation difficile de l'hôpital public. Mais un autre échange aurait dû davantage attirer leur attention. Face au président, le professeur Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à La Pitié-Salpêtrière, a fait part de ses doutes quant à la réactivité des autorités :
« Je pense qu'il va y avoir une situation à l'italienne. [Parmi les derniers cas], certains n'ont pas de liens avec la Chine. Cela traduit le fait qu'il y a des chaînes de transmission autochtones en France. Cela veut dire que le virus circule déjà parmi nous. C'est la vérité qu'il faut malheureusement avoir à annoncer. »
À l'écoute de ces mots, le président, filmé en direct par les chaînes d'info, préfère répondre par une autre question. Caumes ajoute alors : « Le problème sera l'effet de nombre à gérer. [...] Nous ne savons pas combien [de personnes] sont infectées et sont asymptomatiques. »
Fébrilité
Cet échange est révélateur du hiatus d'alors entre la communication gouvernementale, qui se voulait rassurante depuis le début de la crise en Chine, et l'évolution rapide de la situation sanitaire en France. Quarante-huit heures après cette rencontre, le gouvernement est réuni en urgence à l'Élysée en conseil des ministres extraordinaire. Dans les heures qui suivent, le nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, commence à communiquer sur l'arrivée prochaine d'une épidémie de Covid-19 en France. Le « stade 2 » du plan de lutte contre le virus est annoncé, alors que le « stade 1 » n'avait pas été mis en route précédemment. On sent une précipitation des pouvoirs publics face à la montée soudaine de diagnostics positifs au coronavirus.
Cette fébrilité au plus haut niveau de l'État n'est pas un bon signe envoyé à la population. On apprend à cette occasion que le ministère de la Santé a attendu la semaine dernière pour commander 200 millions de masques FFP2, dont l'efficacité ne dure qu'entre trois et cinq heures.
Manque d'anticipation
En début de semaine, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, confirme qu'« une commande est en cours », tout en rappelant que 15 millions de (simples) masques chirurgicaux sont en train d'être distribués. Face à ce manque d'anticipation, les soignants qui se retrouvent en première ligne commencent à perdre patience. Les médecins généralistes tirent la sonnette d'alarme.
« On est en pleine impréparation, réagit l'un d'eux dans Le Parisien. On n'a rien appris des grandes épidémies passées. On aurait pu croire qu'en période calme on avait tiré les enseignements des épidémies précédentes, celles du Sras et du H1N1, qu'on aurait défini des protocoles clairs. Rien de tout cela n'a été fait. On est aujourd'hui dans l'improvisation quotidienne. Cela fait des jours que nous avons demandé des masques, par exemple, on les attend toujours. »
Trouver le bon tempo
Tout cela n'est peut-être qu'une question de réglage, de retard à l'allumage. Le « système de santé » français, que l'on présente comme un modèle, et la machine-État vont bien sûr se mettre en marche. Entre la sur-réaction de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, lors de la grippe H1N1 en 2009, et l'apathie de Jean-François Mattei, au même poste, lors de la canicule en 2003, il est bien difficile pour un gouvernement de trouver le bon tempo face à la pression médiatique, aux enjeux économiques, et à l'état de l'opinion.
Cette crise épidémique est un véritable « stress test » pour les gouvernements du monde entier, et en particulier pour nos démocraties. Face à ce virus global, l'économie mondiale doit potentiellement faire face à une crise systémique. Les décisions drastiques de confinement et de quarantaine prises en Chine ont en principe permis aux autres pays de gagner du temps, comme le rappelle The Economist.
L'hebdomadaire britannique tire trois leçons de la crise chinoise : il est nécessaire de bien informer le public, de ralentir la transmission de la maladie, et de préparer les systèmes de santé à un pic épidémique : « À l'heure qu'il est, ce travail aurait dû être déjà fait », signale le journal, qui souligne qu'entre 25 % et 70 % de la population mondiale pourrait être infectée.
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