Le trou noir chinois

CHRONIQUE. L'économie chinoise est une étoile supermassive, mais qui menace de s'effondrer sur elle-même. Dans un tel scénario, le trou noir chinois pourrait alors avaler tout ce qui gravite autour de lui. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : David Gray)

Lorsque l'on parle de la Chine, on doit lever les yeux au ciel. On ne raisonne plus au niveau du pékin moyen, mais à l'échelle cosmologique. Depuis son envol en 2001 (entrée dans l'OMC), la Chine a pulvérisé tous les standards économiques. Une croissance insolente, dopée par un commerce extérieur désinhibé, des investissements pharaoniques, et une main-d'œuvre inépuisable à bas coût. La Chine représentait 10% du PIB mondial il y a 20 ans ; elle en représente désormais 20%, devant les États-Unis et la zone euro tous deux à 15% (FMI, données en parité de pouvoir d'achat). La Chine est devenue un ogre.

Mais aujourd'hui l'ogre est bedonnant, et ses statistiques en pâtissent. Feu la croissance à 10%, la Chine peine désormais à atteindre les 5% et demain on lui promet seulement 2%. La faute à ses deux moteurs, devenus deux boulets. Il y a le vieillissement de sa population, inexorable, anticipant une contribution négative de la population active à la croissance économique. Et il y a la décélération de la productivité du travail, phénomène mondial mais exacerbé en Chine par des investissements massifs pas toujours bienvenus. La crise Covid a pu un temps cacher tous les problèmes sous le tapis, prétextant le confinement comme source majeure de déconvenue économique. Mais depuis, les mauvaises nouvelles s'accumulent. Et parmi elles, une nouvelle venue : la déflation.

 Il faut réaliser que ni la Chine ni le Japon n'ont connu l'hystérie inflationniste post déconfinement qu'a pu connaitre le reste du monde. Si le Japon semble aujourd'hui enregistrer enfin quelques tensions sur les prix, ce n'est pas du tout le cas de la Chine bien au contraire. Les prix chinois sont même en baisse symbolique de -0,3% sur les 12 derniers mois. Pour comparaison, ces mêmes prix sont encore en hausse de près de 5,5% en zone euro et 3,2% aux États-Unis. Plus inquiétant, les prix à la production chinois sont en baisse de -4,5%, sachant que ces prix sont les indicateurs les plus fidèles des bénéfices à venir des entreprises. Certes, les experts semblent moins inquiets, insistant sur des mouvements de prix plus rassurants sur la période plus récente. Mais le mal est fait.

Le déclinisme chinois déjà dans les marchés

Ces mauvais chiffres économiques semblent surprendre beaucoup de monde. Mais pas du tout les investisseurs. Cela fait bien longtemps qu'ils n'anticipent plus grand-chose du marché d'actions chinois. Un marché qui fait du surplace depuis 10 ans, et il faut compter sur les seuls dividendes versés pour contenter l'actionnaire. En cause, une croissance des bénéfices des entreprises quasi - nulle sur la période, malgré une croissance du PIB en valeur proche de 10%. Certes, il faut dire que la classe émergente dans son ensemble ne fait guère mieux sur la période. Seule l'Inde tire son épingle du jeu parmi les grosses pointures avec une hausse de 100% ! Mais le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud déçoivent, comme la Chine.

Si l'ensemble du bloc émergent est assez décevant, seule la Chine inquiète vraiment. Pour une raison très simple : la Chine est devenue un acteur incontournable de la scène économique mondiale. Probablement la Chine ne peut pas faire sans le reste du monde. Mais c'est réciproque.  Les exportations chinoises ne sont peut-être plus aussi fringantes, le retour à un certain protectionnisme aidant. Mais on ne démêle pas aussi facilement des chaines de valeur. L'économie chinoise est partout. Les élasticité-prix des économies aux produits chinois sont peut-être fortes qu'avant, signifiant un rôle accru de la concurrence, mais les produits chinois vampirisent toujours les étalages de nos magasins. Personne ne peut rester insensible au sort de l'économie chinoise, parce qu'on imagine mal comment faire sans.

La Chine c'est Venise ! un amplificateur d'émotions, pour paraphraser Philippe Sollers. Si la Chine est de bonne humeur, le reste du monde chante à tue-tête. Si la Chine n'a pas la tête à ça, le reste du monde est pris d'une migraine intense.

Le quasar chinois

Une étoile qui meurt est un spectacle étourdissant. Mais une étoile supermassive qui meurt est plus angoissante. Pour information, nous avons alors affaire à un trou noir. Et la physique d'un trou noir économique est peu réjouissante. Il aspire alors tout ce qui gravite autour de lui, tous les corps, même la lumière qu'ils émettent. En poussant la métaphore jusqu'au bout, on imagine alors la disparition de toutes les économies plus ou moins dépendantes de l'économie chinoise. La Chine avec. On n'en est pas encore là.

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Commentaires 3
à écrit le 20/08/2023 à 15:07
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 13/08/2023 à 14:41
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Votre analyse est tres compliquee. L’economie chinoise a ete dopée par des annés de fortes balances econoques defavorables envers l’Europe et les USA a cause du déficit d’exporatations de ces derniers vers la Chine. Avec les USA, cela change consider...

à écrit le 13/08/2023 à 8:32
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Merci beaucoup de vous arrêter sur ce phénomène économique qui est quand même particulièrement remarquable étant donné que l'ascension économique de la Chine, gavée par la finance internationale, dure depuis 40 ans et en effet s'arrête brutalement pu...

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