Les déficits durables, conséquence de la fiscalité et non de la fraude

La fraude fiscale en France est estimée à 60 milliards d'euros, l'exact montant du déficit public. Pour certains, c'est simple il suffirait de renforcer la lutte contre la fraude pour faire disparaître le déficit. Une évidence qui est loin d'être une solution, au contraire. Par Nicolas Marques, Institut économique Molinari.
(Crédits : Reuters)

Il existe une croyance répandue. En France, la persistance des déficits s'expliquerait pour partie par la fraude fiscale. Sans rien changer à nos habitudes, nous pourrions assainir nos comptes. Il est vrai que les ordres de grandeur semblent correspondre : plus de 60 milliards pour la fraude fiscale selon certaines estimations, pour un déficit public de 60 milliards l'an passé. Mais peut-on vraiment en conclure que faire disparaître la fraude fiscale ramènerait les finances publiques à l'équilibre ? Certainement pas.

Un sophisme

On sait que plus la fiscalité est significative, plus la fraude est tentante. En France, les recettes des administrations publiques représentent 53,9% du PIB, le record de l'Union européenne. Prétendre résorber les déficits (2,6% du PIB) en réduisant d'autant la fraude relève du sophisme pour toute une série de raisons. D'une part, les comportements individuels ne vont pas changer du jour au lendemain. D'autre part, la lutte contre la fraude est coûteuse. Mais surtout, l'espoir de réduire significativement la fraude sans obérer l'activité économique est illusoire. Les dépenses collectives à financer sont très significatives (56,5% du PIB). Très peu de pays ont réussi à atteindre un tel niveau de recettes publiques au cours des dernières années. Seules la Suède (1996 à 2000), l'Islande (2016), ou la Norvège (2005 à 2008) l'ont fait sur des périodes de temps très restreintes. On sait que ces niveaux de recettes publiques, associés à des prélèvements obligatoires massifs, découragent l'activité et affaiblissent significativement le développement économique à long terme.

Des effets pervers de deux ordres

Penser qu'on pourrait atteindre ces niveaux sur la longue période en France relève de la pure croyance et génère des effets pervers de deux ordres. A court terme, cela nous conduit à relativiser l'importance d'un rééquilibrage des comptes publics articulé autour d'une baisse des dépenses, contrairement à ce qui a réussi chez nos voisins. A long terme, cela nourrit un débat politique construit autour d'une alternative caricaturale et anxiogène pour l'opinion publique : accepter de maintenir la pression fiscale à des niveaux très élevés ou se résoudre à une remise en cause du « modèle social » français.

Or, les comparaisons avec nos voisins montrent que l'enjeu est différent. Elles attestent qu'il est possible de financer un niveau significatif de dépenses publiques (19.300 euros par habitant en France) sans multiplier les déficits (900 euros par habitant en France). L'Autriche ou la Belgique ont des dépenses publiques supérieures aux nôtres (de l'ordre de 21.000 euros par habitant) avec des déficits moindres (de l'ordre de 300 euros par personne). Le Danemark et la Suède ont des dépenses collectives bien supérieures (de l'ordre de 25.000 euros par habitant) avec des excédents (500 euros par personne ou plus). Ces pays financent des dépenses publiques significatives, avec des déficits moindres ou inexistants. Leur recette : une pression fiscale plus mesurée et une économie plus développée. L'écart de production de richesse par habitant est conséquent, il va de 4.400 euros par an en faveur de nos voisins Belges à 15.900 euros en faveur des Danois.

Des contextes plus favorables à la création de richesses

Ces écarts ne sont pas le fruit du hasard. Ils découlent de contextes plus favorables à la création de richesses et à la préservation des patrimoines. Ces approches pragmatiques, loin de profiter à une minorité nantie, irriguent en profondeur ces sociétés caractérisées par plus de libertés économiques et des prélèvements obligatoires plus cléments.

Aussi, au lieu de rester dans le déni et de continuer à tabler sur une hypothétique réduction des déficits lié à une augmentation de la pression fiscale, nous gagnerions à nous inspirer de ces voisins. Ils ont compris qu'une fiscalité trop élevée nuisait à l'activité et fragilisait le financement des dépenses collectives. Cela leur a permis de mieux développer leurs économies et donc de financer des niveaux significatifs de dépenses publiques, sans multiplier les dettes. Pour les Français, souvent enclins à penser l'économie comme un jeu d'antagonismes, l'enjeu est de taille. Il est temps d'accepter qu'un enrichissement significatif est le préalable à tout développement soutenable de la dépense publique. Il y a 350 ans, Jean de la Fontaine nous y invitait déjà, en s'élevant contre ceux qui, sacrifiant la Poule aux œufs d'or, transformaient la richesse en pauvreté.

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Commentaires 18
à écrit le 27/06/2018 à 15:13
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Il est amusant de constater que seuls des sophismes servent votre argumentaire. Soit, à la manière d'une fausse manif' de droite, vous espérez susciter l'amusement, soit vous sur-estimez la naïveté de vos lecteurs. Les causes des déficits durables...

à écrit le 12/05/2018 à 7:08
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Le journalisme c'est la mise en contexte. Par exemple la mise en contexte des sources. "En 2006, l'Institut estime que l'existence et l'origine principalement anthropique du réchauffement climatique ne font pas l'objet d'un consensus scientifique...

à écrit le 11/05/2018 à 20:02
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Editorial incroyable ou la lutte contre la fraude devient "une augmentation de la pression fiscale," ces "créations de richesses irriguent en profondeur ces sociétés", la fameuse théorie du ruisselement que meme le FMI reconnait qu'elle est fausse.....

à écrit le 11/05/2018 à 7:51
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Le principe consiste à répartir les prélèvements sur la production et sur la consommation, TVA et impot sur l'énergie. Voir la note n°6 du CAE et l'étude de Coe-Rexecode sur la réforme fiscale.

à écrit le 10/05/2018 à 10:51
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Je constate que les pays cités pour avoir un système fiscal plus efficace que la France (capacité à financer des dépenses publiques élevées sans creuser les déficits ni générer de fraude fiscale excessive) ont en commun d'avoir un taux de TVA plus fo...

le 11/05/2018 à 7:56
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Il faut envisager un prélèvement sur la consommation d'énergie. Voir la note n°6 du CAE.

le 17/05/2018 à 12:02
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entièrement d'accord avec votre commentaire . j'ajouterai que le choix du pouvoir d'augmenter très fortement l'impôt de solidarité qu'est la CSG contre une diminution des systèmes assuranciels -assurance chômage et assurance maladie - est une orien...

à écrit le 10/05/2018 à 8:51
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Approche très censée. Il est clair que si l'on veut ne pas tomber sous le joug de la fiscalité il faut optimiser. Optimiser c'est aussi réduire sa production au minimum (ce que je fais) pour éviter de devenir esclave du système. Nous disposons aujour...

à écrit le 10/05/2018 à 7:22
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Le déficit des comptes de l'Etat est un effet du déficit des comptes extérieurs : l'Etat emprunte au Reste du Monde ce que les Français lui ont versé " en trop "en échange de marchandises et de services , l'Etat dispense ainsi l'ensemble des contribu...

à écrit le 10/05/2018 à 6:06
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Les dépenses publiques comme le CICE et diverses niches fiscales pourraient effectivement être réduites. Certaines interventions militaires extérieures, la coût de la participation à l’OTAN gagneraient à être plus débattus à l’Assemblée ou dans des d...

le 10/05/2018 à 10:38
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Non, le CICE doit être au contraire élargi et simplifié. Sans cette mesure indispensable de réduction d'un coût du travail faramineux, il n'y aurait évidemment pas eu le petit sursaut de croissance dont nous avons bénéficié. Nous devrions voir un c...

à écrit le 09/05/2018 à 16:16
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L'institut Molinari. Des gens doués avec les mots. Et champions pour choisir les bons exemple. Je trouve interessant que la pupart des comparaisons se fassent avec des petits pays ou avec une allemagne en décroissance démographique. Parler de bai...

à écrit le 09/05/2018 à 15:11
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Pas gagne vu les reactions a l article... Sans compter que l auteur est assez partial. La belgique ou l autriche ne taxent moins que les detenteurs de capitaux. Si vous vivez de votre travail, c est plutot un enfer fiscal (grosso modo entre le salair...

à écrit le 09/05/2018 à 13:52
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"D'une part, les comportements individuels ne vont pas changer du jour au lendemain. D'autre part, la lutte contre la fraude est coûteuse. Mais surtout, l'espoir de réduire significativement la fraude sans obérer l'activité économique est illusoire. ...

le 09/05/2018 à 15:15
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meme si l argument est extreme, il faut bien comprendre que la chasse a la fraude fiscale a un cout (pas que financier, le jour ou il n y aura plus de cash, la fraude aura peut etre reculee (quoique) mais surtout votre banquier et l etat seont tout d...

à écrit le 09/05/2018 à 13:03
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Voilà le discours typique avec les refrains habituels . En fait si il y a des fraudeurs, il faut les comprendre, les impôts sont dramatiquement élevés ... Par contre un type qui fraude la CAF pour gratter 100€ par mois est une sangsue qui mérite cer...

à écrit le 09/05/2018 à 12:24
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Cet article est sponsorisé par le consortium financier européen. Évasion fiscale simple et pratique, l'union européenne vous accompagne dans toutes vos démarches permettant de frauder le fisc vous permettant ainsi de ne payer aucun impôts ou seulemen...

le 09/05/2018 à 18:27
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Par contre je sais que le sujet est "sensible", enfin sensible si on était en démocratie il n'y aurait pas de souci hein, mais comem d'habitude je préfère que l'on me sucre mon commentaire plutôt que de lui imposer un boulet, merci.

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