Liberté et VTC : ambition inconciliable ou combat en passe d'être gagné ?

OPINION. Depuis des années, les chauffeurs VTC se plaignent de leurs conditions de travail et du manque de rentabilité de la profession. Les lois se sont succédées (loi Thévenoud en 2014, loi Grandguillaume en 2016, Loi d'Orientation des Mobilités en 2019) sans pour autant permettre au marché de se stabiliser. (*) Par Teddy Pellerin, co-fondateur de Heetch, entreprise de VTC.
(Crédits : Dan Gold)

L'année 2020 a été la plus dure de toutes puisque la crise sanitaire a particulièrement affecté le marché de la mobilité et a mis en avant le manque de protection des travailleurs indépendants les plus fragiles.

La mission Frouin, annoncée par le Premier Ministre en janvier 2020, avant le premier confinement, avait pour ambition de formuler des recommandations pour réguler les relations et le dialogue entre travailleurs indépendants et plateformes d'intermédiation, ne pouvait donc tomber au meilleur moment.

Lire aussi : Travailleurs des plateformes et rapport Frouin : soignons la méthode

Que dit la mission Frouin ?

Il n'est jamais évident de résumer, puis d'analyser, un rapport de 200 pages en quelques lignes, mais essayons ! Tout d'abord, il est à noter que la mission Frouin se concentre quasiment exclusivement sur la situation des livreurs à vélo et des chauffeurs VTC. Le statut de ces travailleurs fait débat. Sont-ils vraiment des travailleurs indépendants ? Doivent-ils être salariés ? Faut-il créer un statut intermédiaire ? La mission conclut qu'aucune solution n'est satisfaisante et que la moins mauvaise serait :

  • d'obliger tous les travailleurs indépendants à s'affilier à une société de portage ou une coopérative pour bénéficier de la même protection sociale qu'un salarié classique, tout en gardant la flexibilité d'un indépendant ;
  • de faire évoluer la réglementation du portage salarial en ce sens ;
  • d'alléger la fiscalité de ce dispositif, pour les travailleurs indépendants considérés comme plus fragiles ;
  • de mettre en place des prix plancher sur le marché du VTC afin que les chauffeurs n'aient aucun trajet à perte.

Le rapport tape en plein dans le mille : aujourd'hui, certains chauffeurs VTC souhaiteraient bénéficier de plus de protection sociale, notamment au terme de cette année 2020 si particulière, mais ne le peuvent tout simplement pas. Il me paraît cependant indispensable de rappeler que la grande majorité des chauffeurs ne souhaite pas pour autant devenir salarié des plateformes. Ils ont choisi le métier de chauffeur pour sa flexibilité et y tiennent !

Lire aussi : Historique ! La Californie accorde aux chauffeurs VTC d'Uber et Lift le statut d'employés

Laisser le choix aux chauffeurs

Dès lors, il nous semble nécessaire, plutôt que d'imposer aux chauffeurs du portage salarial, de leur permettre d'avoir un vrai choix entre être un indépendant entrepreneur - qui comme des millions d'indépendants ou d'artisans, bénéficie d'une flexibilité totale et choisit lui-même le niveau de protection sociale qu'il souhaite financer, dans une logique de gestion patrimoniale - ou un indépendant salarié - qui s'affilie, comme le préconise le rapport, à une coopérative ou société de portage afin de garder sa flexibilité : cette solution leur imposera de renoncer à une partie de leurs revenus pour financer la même protection sociale qu'un salarié classique.

Aujourd'hui, le problème de fond reste que les chauffeurs gagnent trop peu pour se payer une quelconque protection sociale. Heetch a régulièrement formulé plusieurs propositions en ce sens, notamment via sa charte qui a dernièrement été votée et validée par les chauffeurs de sa plateforme :

  • Adapter la fiscalité du portage salarial aux travailleurs des plateformes (recommandation 4 du rapport Frouin) ;
  • Créer des garde-fous financiers afin que les chauffeurs ne travaillent jamais à perte, même encas de trajet court ou d'embouteillage, via la mise en place d'un tarif minimum de 7€ net chauffeur et d'un plancher horaire de 15€/h, incluant le temps d'approche (recommandation 11 du rapport Frouin) ;
  • Évaluer le nombre de chauffeurs du marché et contrôler la croissance de celui-ci pour garder un bon équilibre entre l'offre et la demande.
  • Rendre public les algorithmes d'attribution des trajets par l'ensemble des plateformes VTC (recommandation 6 du rapport Frouin déjà appliquée sur Heetch depuis l'approbation par les chauffeurs de sa charte)

En s'attaquant au problème de la rentabilité des chauffeurs et de la fiscalité du portage salarial, il semble effectivement possible de développer le modèle de l'indépendant salarié, à côté de l'indépendant entrepreneur, afin de permettre à chaque chauffeur, de garder la flexibilité de son métier tout en ayant le choix d'ajuster le niveau de protection sociale dont il a besoin.

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Lire aussi : Heetch lève 34 millions d'euros et vise la francophonie

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Commentaires 2
à écrit le 05/01/2021 à 23:34
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les chauffeurs qui choisissent leur liberté ont la plate forme VITT basée a LYON

à écrit le 05/01/2021 à 15:00
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Donc, Teddy Pellerin est un adepte de plus de d'esclavagisme à tout prix. Bien, bien ....

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