Logistique urbaine  : les ZFE ne doivent pas devenir des Zones à Faible Engagement  !

OPINION. Un collectif d'acteurs, associations et entreprises, appelle le gouvernement à ne pas renoncer à la lutte pour la qualité de l'air en ville et à fixer une date butoir ambitieuse pour l'interdiction de circulation des poids lourds polluants (CritAir 2 et plus) au sein des Zones à faibles émission Mobilité (ZFE-m).
(Crédits : DR)

À l'heure de la lutte contre la pollution de l'air et du changement climatique, alors que l'apaisement et le partage de la voirie en ville sont devenus une priorité, la logistique urbaine est en pleine mutation. Les camions resteront un maillon central de la logistique urbaine durable, complémentaire aux nouvelles solutions, telle que les vélo-cargos.

Mais de quels camions parle-t-on ? On parle ici de camions « zéro émission ».  Rappelons qu'à Paris, le transport de marchandises représente 15 à 20% du trafic et génère 35 à 45% des oxydes d'azote et 45% des particules fines. Rappelons également que les camions de livraison urbaine émettent cinq fois plus de CO2 que les camions longue distance. L'électrification des poids lourds aura ainsi des bénéfices rapides tant sur la qualité de l'air que sur le climat. On parle aussi de camion quasi silencieux pour lutter contre la pollution sonore.

L'offre de poids lourds électriques existe déjà et se développe rapidement. Cette nouvelle motorisation permet de repenser le poste de conduite pour offrir plus de confort pour les conducteurs et plus de sécurité pour les autres usagers de la route, et ainsi mieux s'intégrer dans un environnement urbain partagé. La recharge s'effectue aujourd'hui essentiellement de nuit au dépôt et n'entrave donc pas les opérations et la productivité des transporteurs. Ce qui fait de cette transition une étape dès à présent bénéfique et réalisable.

Pour que cette vision devienne réalité, il est impératif que les Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) soient mises en œuvre.

Les ZFE-m, en interdisant progressivement la circulation des véhicules les plus polluants dans les agglomérations, visent à réduire la pollution de l'air, ses impacts sur la santé humaine et son coût, estimé à 100 milliards d'euros par an selon un rapport du Sénat de juin 2023. Les ZFE-m sont donc un moyen de protéger nos concitoyens, en particulier ceux qui vivent et travaillent dans les zones densément peuplées, où la pollution est la plus prégnante. En contribuant au déploiement de l'électromobilité, les ZFE-m sont aussi un moyen de lutter contre le réchauffement climatique à un moment où les canicules créent des îlots de chaleur dans nos villes, difficilement supportables pour tous et en particulier pour les plus vulnérables d'entre nous, enfants et personnes âgées.

Aujourd'hui, nous prenons la plume pour interpeller les élus et le gouvernement : il est indispensable de fixer une date butoir ambitieuse pour l'interdiction de circulation des poids lourds polluants (CritAir 2 et plus) au sein des ZFE-m. Il serait dangereux de se contenter de reporter après 2030 toute décision concernant la circulation de ces poids lourds diesel dans ces zones. Un tel report ne ferait que nier le sentiment d'urgence sanitaire et climatique et stopperait précocement les avancées et décisions d'investissement des transporteurs dans la transition énergétique. Cette position, si elle était définitivement endossée par le gouvernement, enverrait un signal extrêmement négatif aux métropoles ambitieuses, Lyon, Strasbourg, Montpellier, Grenoble, qui avaient souhaité des avancées sanitaires concrètes pour leurs populations en fixant une date d'interdiction de ces poids lourds, et les contraindrait de facto à reculer leur calendrier.

Fixer une date butoir servira de cap, permettant aux transporteurs de prévoir leurs investissements, aux institutions de planifier les aides, et ensemble de concrétiser ainsi cette transition. Les technologies sont matures, les capacités de production existent et doivent être planifiées dans le temps pour répondre à la forte demande à venir. Il manque avant tout une volonté politique résolue pour accélérer cette décarbonation du transport routier de marchandises.

Toutefois, cela ne suffira pas. Pour accompagner cette transition, des mesures concrètes doivent être mises en place, en commençant par des incitations vis-à-vis des acteurs du secteur ayant d'ores et déjà amorcé le verdissement de leurs flottes. Cela créera des incitations efficaces pour le reste du secteur. En complément, il est primordial de créer une enveloppe financière pluriannuelle pour soutenir l'achat et la location par les transporteurs de camions zéro émission et l'installation des bornes de recharge sur les plateformes de logistique. Des mécanismes de soutien adaptés aux besoins des entreprises, petites et grandes, doivent être mis en place : bonus écologique, prêt à taux zéro, appels à projets. Seules des mesures concrètes, financièrement soutenues, permettront de réussir cette transition essentielle vers un avenir plus respectueux de l'environnement et de la santé de nos citoyens. Ne reculons plus, le temps presse.

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Les signataires :

  • Sylvain Delavergne, Coordinateur France de la Clean Cities Campaign
  • Antoine Herteman, Président de l'Avere-France, association nationale pour le développement de la mobilité électrique
  • Carl-Magnus Norden, Fondateur de Volta Trucks, fabricant de camions 100% électriques pour la logistique urbaine
  • Tony Renucci, Directeur général de Respire, association nationale pour l'amélioration de la qualité de l'air et la défense des victimes de la pollution.
  • Diane Strauss, Directrice France de Transport et Environnement (T&E).

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