L'information répond à un besoin fondamentalement humain, celui de savoir. Au-delà de notre propre expérience, elle est un moyen de comprendre le monde qui nous entoure, de nous forger une opinion, de participer au débat. Sa véracité est constitutive de la qualité de notre vivre-ensemble. Longtemps, seuls les journalistes, experts ou politiques avaient le contrôle de sa production et de sa diffusion. Ce système a volé en éclats avec l'arrivée du numérique où nous sommes tous devenus « journalistes », postant et diffusant des informations.
Face à une masse inédite de contenus où la concurrence des points de vue s'exprime sans filtre, l'information de qualité se trouve diluée dans un océan, pollué de fake news et de propos haineux. Dans ce flux, les chaînes d'information en continu se livrent une concurrence exacerbée, tentant par tous les moyens de se différencier, jouant la polarisation des débats ou le positionnement aux extrêmes. D'autres, n'hésitent pas à produire des émissions qui mêlent politique et divertissement, assumant l'amalgame, faits, opinions, commentaires. Toutes participent de cette confusion générale à laquelle le Conseil d'État demande de mettre fin. Et il revient à l'Arcom de veiller « autrement » au respect du pluralisme et des opinions de pensée.
Certes, c'est une exigence qui sonne comme un impératif indispensable au moment où notre démocratie est fragilisée. Mais avec quels outils ? Comment ne pas tomber dans le fichage politique ? Comment ne pas alourdir encore un peu plus les obligations des chaînes alors qu'elles sont les seules, à la différence des plateformes et des médias sociaux, à avoir pour mission la production d'une information fiable ? Comment, à la veille du renouvellement des fréquences de quinze chaînes, ne pas désin-citer de futurs opérateurs à investir encore la plateforme TNT alors même que l'on sait sa sénescence engagée ?
Peut-on vraiment demander en six mois de revoir un seul élément d'un tout qui ne tient plus ? Car si le Conseil d'État soulève l'inefficacité réelle de la mesure du pluralisme des courants de pensée, ce n'est pourtant pas la seule pierre d'achoppement que rencontre la loi de 1986. Citons quelques exemples : le dispositif de mesure anticoncentration est depuis longtemps désuet et le marché pertinent de l'information ne considère pas nos usages numériques. L'IA, assortie bientôt de l'IA générative, occupe une place grandissante dans les salles de rédaction sans balisage d'usages ; les conditions loyales et équitables d'accès aux données, avec une éthique et une transparence algorithmique ne sont toujours pas garanties. Ou encore, les Gafam, qui contrôlent et verrouillent les accès à l'information, l'organisent, la sélectionnent et l'orientent en siphonnant la majeure partie des revenus publicitaires en ligne des chaînes. Si la question du pluralisme est essentielle, c'est à une refonte complète de la réglementation qu'il convient impérativement de s'attaquer !
* Dernier ouvrage paru : Le Nouveau Monde des médias - Une urgence démocratique, Odile Jacob, 2023.
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