« Ne décourageons pas les vocations des pompiers volontaires » (Jean-Paul Bosland)

OPINION - Jean-Paul Bosland, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, défend le modèle français de la sécurité civile, fondé sur l’engagement citoyen, face aux critiques portant sur le régime social dérogatoire des volontaires.
Jean-Paul Bosland, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France
Jean-Paul Bosland, Président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (Crédits : © FNSPF/AFP)

Qui en veut aux sapeurs-pompiers volontaires (SPV) ? Dans un avis récent, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe a estimé que notre activité ne respectait pas la Charte sociale européenne, autrement dit le droit du travail. Cet organisme a été saisi il y a cinq ans par un des neuf syndicats de sapeurs-pompiers professionnels des services départementaux d'incendie et de secours. On s'interroge tout particulièrement sur la légitimité d'une défense des droits sociaux des sapeurs-pompiers volontaires par une organisation syndicale de sapeurs-pompiers professionnels.

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L'avis estime donc que les sapeurs-pompiers volontaires devraient être assimilés à des « travailleurs » et qu'ils sont, actuellement, victimes d'un traitement discriminatoire en matière d'indemnisation et de temps de travail. Il condamne l'implication de sapeurs-pompiers âgés de 16 à 18 ans dans les opérations de lutte contre les incendies. S'il était suivi par les membres de l'UE, le système du volontariat (qui existe ailleurs en Europe) disparaîtrait purement et simplement.

Pourtant, la sécurité civile reste une prérogative des États, l'Union européenne ne disposant que d'une compétence de soutien. En France, notre secteur est régulé par deux lois, votées lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur puis sous sa présidence. Ainsi, la loi du 20 juillet 2011, adoptée à l'unanimité par le Parlement après avis du Conseil d'État, dispose clairement que « l'activité de SPV, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel, mais dans des conditions qui lui sont propres » et que « ni le Code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables ».

Le sujet de l'engagement citoyen est trop important pour être abandonné à la polémique politicienne

En outre, l'occultation du caractère purement consultatif et non contraignant de cet avis du Comité européen des droits sociaux traduit une volonté manifeste de faire pression sur le gouvernement et les autorités de gouvernance des services d'incendie et de secours (SIS) pour remettre en question notre modèle de sécurité civile fondé sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires.

Les pompiers volontaires représentent 80 % des effectifs et réalisent 67 % des missions de secours et de lutte contre les sinistres. Ils sauvent des vies et évitent des catastrophes dans les endroits reculés de nos territoires, se mettant à l'œuvre parfois quelques heures par an. Leur présence est donc indispensable, mais l'embauche d'un pompier professionnel à leur place n'aurait pas de sens puisque le volume horaire des interventions ne le justifie pas.

Dans notre modèle français, les pompiers professionnels et les pompiers volontaires cohabitent harmonieusement. D'autant qu'il s'agit souvent des mêmes personnes : plus de la moitié des professionnels ont signé un contrat de volontaire. Ainsi, ils peuvent intervenir si nécessaire en rentrant chez eux, parfois dans leur village, en dehors de leurs horaires légaux. Veut-on vraiment s'en priver ?

Le sujet du volontariat, de l'engagement citoyen est trop important pour être abandonné à la polémique politicienne, enfermé dans de mauvaises questions ou mis en cause par l'instrumentalisation d'un texte européen qui traite d'autres problèmes. Au contraire, nous sommes favorables à l'élaboration d'une directive portant sur l'engagement citoyen et la protection civile, qui poserait un cadre à l'action de tous nos collègues dans l'UE. Avec un socle commun, nous pourrions mieux partager nos techniques face à la violence des feux de forêt, des tornades, des orages et autres phénomènes amplifiés par le changement climatique, qui n'ont pas de frontières.

Les pompiers volontaires sont un rouage indispensable à la vie de la nation, parmi d'autres. Dans les zones de désertification médicale, ils assurent des transports de malades de plus en plus longs. L'été prochain, ils seront en renfort pour les Jeux olympiques, à une période de l'année où la vigilance est maximale dans les régions à fort risque d'incendie. Les besoins restent immenses. Aujourd'hui, nous sommes 197 000 volontaires et 41 000 professionnels. Au plus vite, nous espérons atteindre respectivement 250 000 sapeurs-pompiers volontaires et 51 000 sapeurs-pompiers professionnels. Nous n'avons pas de difficulté à susciter les vocations. Elles sont là, ne les décourageons pas.

Nous exprimons dans les prochains jours à Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, le besoin urgent de rassurer les sapeurs-pompiers et de clarifier les intentions du gouvernement sur la trajectoire qu'il entend suivre, aux niveaux national et européen, tant pour développer l'engagement citoyen altruiste, socle des secours de proximité et de la résilience des territoires face aux crises, que pour conforter notre modèle de sécurité civile.

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Commentaire 1
à écrit le 03/03/2024 à 11:13
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Le rapport commandé par le ministre de l’intérieur à l’inspection générale de l’administration en mars 2023 vient d’être diffusé et contredit les prises de position du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Que dit-il ? ...

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