« Pourquoi nous diffusons "Shoah" », par Delphine Ernotte-Cunci, Stéphane Sitbon-Gomez et Alexandre Kara

OPINION - Le 30 janvier, France 2 diffusera de manière exceptionnelle « Shoah », tout au long d’une soirée et d’une nuit. Nous souhaitons faire de cette programmation plus qu’un événement : une façon d'interpeller notre mémoire commune.
Delphine Ernotte-Cunci - Présidente de France Télévisions, Stéphane Sitbon-Gomez - Directeur des antennes et des programmes, Alexandre Kara -
Directeur de l’information
Delphine Ernotte-Cunci - Présidente de France Télévisions, Stéphane Sitbon-Gomez - Directeur des antennes et des programmes, Alexandre Kara - Directeur de l’information (Crédits : © PHOTOS DELPHINE GHOSAROSSIAN ET NATHALIE GUYON/FTV)

Pourquoi, près de quarante ans après sa sortie, l'œuvre-monument de Claude Lanzmann reste-t-elle à ce jour la meilleure démonstration de l'horreur ? Pas seulement à cause du choc que sa projection suscita dans le monde entier, mais parce qu'hier comme aujourd'hui elle porte en elle une vérité brute. C'est ainsi que Claude Lanzmann l'avait imaginée, sans débats, sans fioritures, simplement avec la cruauté des archives : parce que la barbarie humaine est indicible.

Dans une époque où tout se commente et se noie en vaines polémiques, la force de l'œuvre est de pouvoir dépasser l'onde instantanée d'une remise en question manipulatoire. Et pourtant, il y a urgence, une urgence existentielle à se saisir de ce film historique pour le plonger dans la réalité du présent.

Nous croyons au pouvoir de la mémoire : c'est parce que nous savons nous souvenir que notre société peut avancer

Depuis des semaines, nous voyons surgir, là où naissent ces querelles, le poison du relativisme. Pour la première fois depuis des décennies, la mémoire de la Shoah tend à s'effacer. Elle est convoquée pour être comparée aux violences d'aujourd'hui, alors même que la pensée contemporaine a démontré que c'est la folie sans limite de cette destruction qui en fait le caractère singulier.

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Comment être humain après Auschwitz ? Voici le questionnement sur lequel se sont reconstruites nos démocraties, il nous semble plus que jamais utile et nécessaire de le rappeler. Quiconque a mis les pieds une fois dans sa vie sur les vestiges des camps de concentration a ressenti au plus profond de sa chair l'horreur absolue. Il y a urgence à afficher l'impensable aux yeux du plus grand nombre car, sondage après sondage, débat après débat, nous voyons les faits et les dates s'évaporer, laissant place au négationnisme, qui sert une idéologie bien connue dont l'ignorance et le doute sont le terreau.

Oui, il nous faut sans cesse rappeler et marteler notre humanité fondamentale. Notre refus de l'antisémitisme repose sur un universalisme à défendre : aucune haine ne peut être justifiée, toutes les vies humaines doivent être préservées. Nous croyons au pouvoir de la mémoire : c'est parce que nous savons nous souvenir que notre société peut espérer avancer.

Cet engagement résolu au service du souvenir n'affecte en rien notre devoir d'informer ici et maintenant. Nous le faisons avec énergie, rigueur et équilibre sur le terrain. Nous documentons les faits par un travail journalistique d'ampleur aujourd'hui à Gaza ou sur les traces du massacre du 7 octobre, comme nous le faisons aussi depuis près de deux ans en Ukraine.

Le devoir de mémoire et le devoir d'informer vont de pair : ils sont les deux vecteurs indispensables à la mission d'instruction civique de la nation. À sa modeste place, la télévision publique partage avec le plus grand nombre les parts d'ombre et de lumière de notre histoire comme de notre présent. Le 27 janvier est la date anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau et la Journée internationale d'hommage à la mémoire des victimes de la Shoah. Il nous faut plus que jamais le marteler lorsque surgit le doute. Mais il y aura d'autres anniversaires, il faudra répéter et commémorer, pas seulement se souvenir mais aussi saisir leur profonde actualité. Toujours, le service public de l'audiovisuel répondra présent.

Shoah, le 30 janvier à 21h10 sur France 2 (durée : 9 h 30).

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Commentaires 4
à écrit le 29/01/2024 à 9:19
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Sa dernière diffusion date de 2018. C'était sur Arte.Si mes souvenirs sont bon, cela dure 9h00 au total.D'ailleurs les polonais ne sont pas épargnés surtout le passage ou Claude Lanzmann ,leur demande à qui appartenait la maison avant la guerre dans ...

à écrit le 29/01/2024 à 7:57
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Hypocrites !

à écrit le 28/01/2024 à 15:15
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Ça commence à bien faire ... Macron pour l'Algérie avait parler de rente mémorielle, il est temps d'ouvrir aussi le dossier d’Israël car se servir systématiquement du génocide comme un bouclier qui protège ou protégera ad vitam æternam Israël de tout...

à écrit le 28/01/2024 à 15:03
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Nous parlerons surtout du seul peuple qui n'a pas voulue s'intégrer aux autres par simple orgueil !

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