Récession manquée, la faute aux indicateurs avancés

CHRONIQUE. Les indicateurs avancés anticipaient la récession, elle n'est pas venue. Et on ne l'attend plus. Une erreur de diagnostic inhabituelle chez ce type d'indicateurs. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : SIMON DAWSON)

Un indicateur avancé décèle dans le présent des traces du futur proche. Et lorsque cet indicateur chute, le pire est donc à venir. Un indicateur avancé qui chute est tel l'éclair précédent le grand fracas d'un orage.

« Un rai d'un jaune bref a voilé l'obscurité sourde,... avant que ne resonne brusquement, d'un autre endroit, le coup de point de ce son saccadé... », Fernando Pessoa, L'intranquille.

Mais lorsque l'indicateur avancé chute et que rien ne vient, alors vous obtenez un éclair sans grand fracas pour lui succéder. Nous y sommes.

Les meilleurs indicateurs avancés nous annonçaient une récession en zone euro pour la fin 2022 et le début 2023. Or, nous n'avons et n'aurons ni l'un ni l'autre. Au contraire, les indicateurs avancés sont en train de corriger le tir, comme s'ils tentaient d'effacer ce qui ressemble à une fausse alerte. Les marchés n'ont donc plus le monopole de l'exubérance. Les indicateurs avancés sont aussi capables d'exagérer le réel.

L'hirondelle ne fait plus le printemps

Nous avons été victimes de ce que l'on appelle un faux-positif. Il s'agit de ce cas où « il y a de la fumée sans feu ». Lorsque l'alarme sonne alors qu'il s'agit seulement du chat. Lorsqu'un spam est détecté alors qu'il s'agit d'un mail de votre patron, etc. Dans notre cas, les indicateurs avancés de l'économie ont chuté à des niveaux signalant la récession économique, c'est-à-dire une contraction du PIB d'au moins 2 trimestres consécutifs, alors que nous n'observons qu'un essoufflement modéré de la croissance. Une situation plutôt inhabituelle et gênante.

En effet, il se trouve que l'indicateur avancé en question était jusqu'alors le lanceur d'alerte le plus efficace. Il s'agit du PMI introduit plus haut, l'indicateur le plus surveillé par le monde de la finance de marché. Et pour cause, il n'existe (existait) pas de variable capable de prévoir autant avec si peu. Le PMI nous renseigne sur l'évolution du PIB, sur l'appétit pour le risque des investisseurs, la croissance des bénéfices à venir, les anticipations de politique monétaire, les préférences sectorielles des investisseurs, les styles de gestion à privilégier, etc.

Mieux encore, si l'on s'intéresse à certaines composantes de ce PMI et qu'on les tord un peu, alors on obtient de l'information sur l'inflation à venir, l'emploi à venir, et même sur... le PMI à venir (ratio nouvelles commandes sur stocks) ! Bref, on obtient un indicateur avancé de l'indicateur avancé. Même l'arrivée en fanfare d'indicateurs surfant sur le Big Data armés du Machine Learning n'a pas réussi à voler à la vedette au PMI.

Ainsi le PMI semblait résumer à lui seul tout ce que l'on avait toujours voulu savoir sur l'état du monde économique et financier. Conséquemment, les yeux de tous étaient rivés sur lui. Sauf que cette fois - ci, le PMI a prévu ce qui n'est pas arrivé.

Une faute partagée

A sa décharge, on pourra dire que le PMI n'est pas le seul à s'être trompé. Puisque nombre d'institutions vénérables ont aussi craint le pire (OCDE, FMI, BCE...). De plus, le PMI n'était pas le seul indicateur avancé à donner un signal alarmiste. Du côté de la confiance des consommateurs, le signal était bien plus noir encore.

Il est aussi avancé que tout ou partie de cet acte manqué du PMI peut s'expliquer. Essentiellement parce que les prix de l'énergie ont connu une accalmie inattendue, et bienvenue. En effet, il faut rappeler que la principale raison d'être du scénario de récession, et donc de la chute des PMI, est la hausse des prix de l'énergie motivée par le conflit Ukrainien. Ces tensions étaient supposées provoquer un effondrement du pouvoir d'achat des ménages et de l'activité des entreprises, et motiver une double peine avec la hausse des taux directeurs de la Banque centrale afin de lutter contre l'inflation indésirable. A la place, un miracle eut donc lieu : la détente des prix de l'énergie, qui coupa l'herbe sous le pieds des PMI.

Peut-être la récession est - elle simplement en retard ?

Enfin, il y a aussi ceux qui n'abandonnent pas. Ceux qui pensent que le PMI finira par avoir raison. Comme si le train de la récession était juste en retard, et qu'il allait passer plus tard. Sauf que depuis, les PMI ont rebondi, emboitant d'ailleurs le pas des marchés financiers qui ne parient plus sur la récession depuis 3 mois maintenant.

Certes, peut - être tous ces gens se trompent-ils. Peut-être les PMI ont - ils eu tort de rebondir, et les marchés d'en faire autant. Peut-être l'inévitable va-t-il finir par advenir : la récession. Une telle posture dite contrariante inciterait alors l'économiste ou l'investisseur à aller contre le sens du vent : opportuniste mais risqué. En fait, c'est plutôt l'adage suivant qui prévaut : « mieux vaut une erreur commune qu'une vérité mal partagée », Pascal, Pensées.

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