Taxer le transport aérien, c'est freiner la réduction de ses émissions de CO2

OPINION. Certains prédisaient un avenir sombre pour le transport aérien au plus fort de la crise sanitaire, force est de constater qu'il répond toujours à une demande forte des Français. Par Pascal de Izaguirre, Président de la Fédération National de l'Aviation et de ses Métiers et Thomas Juin, Président de l'Union des Aéroports Français
De g à d, Pascal de Izaguirre, Président de la Fédération National de l'Aviation et de ses Métiers et Thomas Juin, Président de l'Union des Aéroports Français.
De g à d, Pascal de Izaguirre, Président de la Fédération National de l'Aviation et de ses Métiers et Thomas Juin, Président de l'Union des Aéroports Français. (Crédits : DR)

Les chiffres de cet été confirment la reprise même s'il convient de rester prudent au regard du contexte économique et géopolitique. Ce même engouement se manifeste d'ailleurs pour le transport ferroviaire tant ces deux modes de déplacement sont complémentaires.

Mais dans l'esprit de certaines ONG ou responsables politiques, l'avion est devenu un objet politique, un symbole à abattre, dans une vision manichéenne où il est opposé au train paré de toutes les vertus environnementales et sociales. Plutôt que de s'employer à décarboner un transport aérien sachant répondre aux besoins de mobilité des Français, l'objectif est ouvertement de revenir sur sa démocratisation en augmentant lourdement les tarifs des billets d'avion.

Cette philosophie est reflétée dans deux études récentes(1) dénonçant la différence de prix entre le train et l'avion au sein de l'Union européenne. Si les résultats de ces comparaisons démentent - s'il en était besoin - la fiction du transport aérien réservé aux riches, les études véhiculent des éléments factuellement faux et en omettent sciemment d'autres.

Figurent ainsi pêle-mêle l'affirmation selon laquelle le train sur les trajets internationaux serait soumis à la TVA et pas l'avion ou encore que seul le train paierait des « péages » pour l'utilisation de ces infrastructures. Naturellement, l'exonération de taxation du kérosène est brandie sans préciser les raisons juridiques de droit international qui l'empêchent dans la pratique  Accords aériens internationaux liant les Etats de l'OACI ») ainsi que le détail des nombreuses autres taxes pesant sur l'aérien en France.

La réalité est que le régime de TVA applicable en France à l'avion comme au train est identique et que le transport aérien, contrairement au ferroviaire, s'auto-finance et couvre l'intégralité du coût de ses infrastructures (aéroports, navigation aérienne) et même celui de son administration de tutelle par les taxes et redevances acquittées ! Le transport aérien est donc déjà lourdement fiscalisé et les diverses taxes et redevances représentent déjà près de la moitié du tarif d'un billet sur une liaison européenne.

Le comble de la mauvaise foi est atteint lorsque sont pointées les subventions accordées à l'aérien qui expliqueraient les tarifs aériens trop bas tout en se gardant bien de mentionner les plus de 15 milliards d'euros récurrents consacrés chaque année par l'Etat à la SNCF ainsi que les 35 milliards de reprise de dette sur la période 2020-2022(2).

Le modèle économique des transports aérien et ferroviaire ne sont pas équivalents en raison notamment des coûts de construction et de maintenance des infrastructures ferroviaires. Ainsi, les lignes ferroviaires à grande vitesse ne peuvent être rentabilisées que sur du très long terme et que sur des axes à très forts potentiels de voyageurs (plusieurs millions par an). Une ligne aérienne peut au contraire ouvrir avec quelques dizaines de milliers de passagers d'où le succès du développement des lignes aériennes régionales transversales ces 10 dernières années.

En matière de fiscalité, nous en appelons au pragmatisme des pouvoirs publics.

Avec près de 90 milliards d'euros de CA et plus de 1,142 million d'emplois directs et indirects, le poids économique de la filière aéronautique et du transport aérien est considérable pour la France. C'est une filière d'excellence qui a montré toute son importance lors du dernier salon du Bourget et qui dispose aujourd'hui d'une feuille de route solide pour préparer sa décarbonation.

Le premier défi reste l'usage des carburants durables. Le gouvernement a pris des engagements pour créer une filière française. Les 200 millions annoncés sont un premier pas, mais qui reste marginal au regard des enjeux et des surcoûts récurrents que devra assumer le pavillon français et qui sont estimés à 1 milliard d'euros en 2025 et près de 3 milliards par an à l'horizon 2030.

Les passagers subissent déjà des augmentations du prix des billets en raison de l'inflation des coûts auxquels l'aérien doit faire face et auxquels il devra faire face, notamment en matière de transition énergétique. Le transport aérien n'est pas un luxe pour les très nombreux Français de métropole ou d'Outre-mer, en l'absence durable de modes de transport alternatifs efficaces et accessibles financièrement.

La proposition d'instauration, dans le cadre du projet de Loi de Finances 2024, d'une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance qui recouvre notamment une taxation supplémentaire du transport aérien à hauteur de 600 millions d'euros sur la période 2024-2027 est à cet égard un coup supplémentaire porté aussi bien à la capacité du secteur aérien de se décarboner qu'à l'attractivité de la France et à la compétitivité des compagnies aériennes et des principales plateformes françaises.

Toute fiscalité nouvelle sur l'aérien ne devrait se concevoir en effet, dans un domaine aussi concurrentiel que le nôtre, qu'à l'échelle européenne sauf à pénaliser encore davantage le transport aérien français et doit être affectée à la seule transition énergétique du secteur.

Décarbonons l'ensemble des modes de transport, faisons en sorte de les démocratiser toujours plus et cultivons avant tout leur complémentarité plutôt que de s'acharner, par aveuglement idéologique, à les opposer !

________

(1) Études Greenpeace et Transport&Environment

(2) Quant aux coûts du transport aérien régional et des petits aéroports régionaux qui font régulièrement l'objet de critiques, est-il besoin de souligner qu'ils représentent moins de 1% des budgets transports des collectivités locales, soit une centaine de millions d'euros par an.

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Commentaires 4
à écrit le 07/10/2023 à 10:44
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Oula, il est fort ce titre. Vous ne doutez de rien ?

le 08/10/2023 à 20:38
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Je crois qu'l y a eu le même genre pour le pétrole, pour garantir la baisse future d'usage il faut quand même continuer à explorer, vu que les ressources connues baissent, ça ferait grimper les prix de n'en pas avoir assez à proposer aux consommateur...

à écrit le 07/10/2023 à 9:23
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"Président de la Fédération National de l'Aviation et de ses Métiers et Thomas Juin, Président de l'Union des Aéroports Français " J'espère qu'ils vous donnent des sous et sans sarcasme hein.

à écrit le 07/10/2023 à 0:18
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L'avion est un désastre environnemental. Point. Rien ne justifie l'usage "ludique et low cost" qui en est fait actuellement.

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