Une inflation supérieure à 2% sera-t-elle temporaire ou persistante  ?

ANALYSE. La BCE continue d'affirmer qu'une inflation élevée est "temporaire". Mais avec les dettes publiques en forte hausse, tous les ingrédients sont présents pour que les prix montent et continuent à augmenter si aucune mesure n'est prise rapidement. Par Gabriel Gaspard, Chef d’entreprise à la retraite, spécialiste en économie financière.
(Crédits : Wolfgang Rattay)

Pour les courses au quotidien, une majorité d'Européens est sous pression budgétaire. Les prix augmentent à un rythme très rapide. Du jamais vu depuis la création de l'euro. D'après Eurostat, les prix à la consommation dans les 19 pays de l'euro ont augmenté en novembre de 4,9% sur un an. La Banque centrale européenne estime que cette hausse est "transitoire". On peut considérer que la progression des prix des denrées alimentaires est restée modérée en 2021. Cependant ce n'est qu'un répit assure les économistes : les niveaux de productions ont été détériorés en 2021 chez les principaux exportateurs à cause des aléas climatiques. Il y aura une hausse des cours mondiaux accentuée par la spéculation vu la diminution des stocks. Pour exemple, le blé meunier frôle les 300 euros la tonne sur le contrat à terme d'Euronext.

L'inflation n'est plus "temporaire" estime le Président de la FED

Généralement la BCE suit la politique de la FED mais pour la première fois il y a divergence. Alors même que la FED abrège le programme d'achat des titres souverains, la BCE au contraire envisagerait de lancer un nouveau programme de rachat d'obligations. Ce nouveau plan compléterait le dispositif courant d'assouplissement quantitatif. À l'échelle mondiale, les choix de politique monétaire sont de plus en plus divergents. Les taux d'intérêt de la BCE devraient probablement rester inchangés jusqu'en 2023, tandis que la Banque centrale chinoise devrait réduire ses taux en 2022 et prendre un chemin inverse du resserrement monétaire prévu par la FED et la Banque d'Angleterre.

Le début de cette inflation est en grande partie dû à la pandémie et plus particulièrement au variant delta

C'est un choc d'offre classique négatif qui génère de l'inflation. La BCE espère que la pandémie prendra fin rapidement en 2022 et que l'inflation commencera progressivement à se modérer. Malgré les tensions géopolitiques, la flambée des prix de l'énergie, les coûts de l'importation, les demandes d'augmentation des salaires, les effets du dérèglement climatique et une crise sanitaire qui persiste, la BCE maintient sa politique.

L'origine de cette inflation n'est pas uniquement la pandémie

La première cause de cette inflation est l'excès de liquidité crée principalement par l'endettement public. "La cause immédiate de l'inflation est toujours et partout la même : un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie par rapport au volume de production" Milton Friedman. La BCE a oublié que pour contrer les effets de la pandémie sur l'économie, elle a assoupli sa politique en augmentant massivement la taille de son bilan.

La conséquence, malgré la menace d'une hausse de l'inflation à long terme, la Bourse poursuit son embellie et les grandes entreprises, avec des profits gonflés, engagent de nouveaux rachats de leurs propres actions pour limiter le nombre des petits actionnaires et choyer les plus riches d'entre eux. Comment va réagir la BCE dont la mission première est de maintenir la stabilité des prix avec un niveau d'inflation sur un an qui doit être proche de 2% ? Une inflation forte dans la zone euro peut s'accompagner de taux d'inflation nationaux divergents et des écarts de compétitivité plus importants.

La crise d'énergie va-t-elle durer ?

D'après la présidente de la BCE, Christine Lagarde, "En septembre, le renchérissement de l'énergie représentait environ la moitié de l'inflation globale". La crise de l'énergie est devenue mondiale et tandis que l'économie se détache progressivement des énergies fossiles, le pire reste peut-être à venir, avertissent les experts.

Avec -181 milliards d'euros l'an dernier, le déficit commercial de l'Europe continue à se dégrader avec la Chine. La hausse des coûts des matières premières et du transport sur les marchés mondiaux et l'irrésistible ascension du Yuan chinois, avec un resserrement monétaire plus rapide que prévu par la Banque centrale américaine (FED), font craindre une poussée du dollar américain. La BCE pourra-t-elle maitriser une inflation venue d'une autre zone économique ?

Et les salaires ?

Avec un marché de l'emploi en pleine forme, une autre cause de l'inflation serait le partage des revenus. Comme dans les années 1970, avec la hausse des prix qui s'accélère, les salariés demandent des augmentations des salaires. En accompagnant ce mouvement pour éviter les arrêts de travail et garder leurs profits, les entreprises augmentent leurs prix de vente et participent ainsi à une spirale inflationniste hors contrôle.

Les États de la zone euro pourront-ils freiner les décisions de la BCE ?

Dans le contexte d'une dette publique massive en hausse à 100,5% du PIB dans la zone euro, d'une politique monétaire accommodante et d'un risque d'une remontée trop rapide des taux d'intérêt venant à annuler une reprise hésitante, la baisse du pouvoir d'achat de la monnaie devrait se poursuivre et se traduira par une augmentation générale et durable des prix. En clair, les États auraient intérêt à ralentir tout resserrement entrepris par la BCE pour rembourser leurs dettes avec de la monnaie dévaluée.

La note sera-t-elle envoyée seulement aux ménages ?

Le pouvoir d'achat des ménages européens sera affecté soit par les tensions inflationnistes soit par une hausse des taux d'intérêt si la BCE réagit pour freiner l'inflation soit par une nouvelle planification économique pour reconstruire l'économie de manière durable après la pandémie de la Covid-19. L'économie européenne porte encore les traces de la crise financière de 2008, la pauvreté des ménages à faible intensité de travail a été particulièrement aggravée en Europe.

Comme l'indique l'économiste Thomas Piketty, la zone euro dans son ensemble n'a retrouvé le niveau d'activité économique, qui prévalait fin 2007 avant la crise financière, qu'au 4e trimestre de l'année 2015. Les ménages européens payeront aussi la crise de la Covid-19 : avec la propagation de l'inflation, une partie des 600 milliards d'euros d'épargne supplémentaire des ménages européens serviraient à rembourser les dettes des États de la zone euro.

De même avec l'euro numérique, dont il est envisagé que chaque Européen puisse déposer directement cette monnaie auprès de la Banque centrale, une autre partie des économies de la classe moyenne se retrouvera automatiquement au passif du bilan de la BCE et pourra compenser le rachat des titres des dettes publiques et privées. Espérons que 2022 ne ressemble pas aux années 1970 où l'histoire a retenu de faux pas de la FED qui ont conduit à une période de stagflation, une forte inflation et une faible croissance.

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Commentaires 2
à écrit le 16/12/2021 à 9:26
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La BCE sait très bien que l'inflation sera persistante, tout le monde le sait, c'est un secret de polichinelle

à écrit le 16/12/2021 à 9:06
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Il serait temps de penser aux plus modestes hein, sinon notre pays n'aura bientôt plus rien à envier à l’Éthiopie.

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