Pourquoi la question de la réhabilitation est-elle si importante quand on parle d'éco-conception en ce qui concerne le bâtiment ?

L'éco-conception est définie comme « une approche méthodique qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d'un produit ou d'un bâtiment ».

Le terme « éco-conception » m'a toujours posé un problème pour être franc. Il laisse entendre qu'une conception ne prenant pas en considération les aspects environnementaux serait légitime.

Je suis convaincu qu'une bonne conception est par essence vertueuse et pleine de bon sens.

Cela dit, quand vous réhabilitez un bâtiment, vous profitez d'une matière déjà existante. Vous puisez moins de ressources naturelles, en conservant jusqu'à 80% ou 90% de la structure, ce qui mécaniquement réduit la dette carbone du projet.

En redonnant vie à un bâtiment, vous évitez de consommer du terrain naturel et d'artificialiser de nouveaux sols.

En essayant de réemployer le maximum de votre matière existante sur votre projet ou sur un autre, en choisissant des matériaux naturels et pérennes, accessibles à proximité du chantier, en prenant en compte leur cycle de vie, depuis leur production jusqu'à leur mise en œuvre mais aussi leur fin de vie, vous contribuez également à réduire votre impact environnemental et votre bilan carbone.

Le bilan carbone est-il la seule mesure qui permet de mesurer le succès d'un projet en matière d'éco-conception ?

Il s'agit, bien entendu, d'un indicateur important. Il faut rappeler qu'en France, le bâtiment est le deuxième émetteur de carbone après le secteur de l'industrie.

Il est toujours bon d'être attentif aux choix architecturaux et techniques pour réduire notre dette carbone. Mais il ne faut jamais céder au dogme. Il faut utiliser le bon matériau au bon endroit.

La frugalité constructive peut être une des voies heureuses qui apporteraient des réponses aux problématiques environnementales.

Mais une frugalité mal maîtrisée peut produire du « laid ». Un bâtiment frugal, avec un bon bilan carbone, ne sera pas forcément apprécié si la dimension du beau est oubliée.

Le bilan carbone ne suffit donc pas pour dire qu'un projet architectural est réussi.

Un bâtiment durable est un bâtiment que les gens ont envie de garder avant tout.

Créer cette envie est intrinsèque à la mission d'un architecte. Un bâtiment doit provoquer le désir, le désir de s'y rendre, d'y séjourner ou d'y travailler et surtout de se l'approprier. Un bâtiment doit susciter de l'émotion, créer des symboles et engager un rapport aux sens et aux corps.

Au-delà d'abriter les corps, une architecture réussie abrite les rêves et les souvenirs de ses habitants.

C'est la philosophie prônée par votre agence ?

Le travail de DTACC Architectes est porté par cette notion de « Poéthique Urbaine et Intérieure ».

L'éthique renvoie à la nécessité d'être attentif à l'impact d'un bâtiment sur son environnement.

Quant à la poésie, c'est la notion du « beau », délicate à définir, le « beau » universel comme un coucher de soleil à travers une façade ou le « beau » subjectif, comme une réaction de l'épiderme, lorsque votre main touche et ressent la sensualité des matières naturelles dans un espace. C'est l'intangible qui crée une architecture pérenne.

Ce message est-il entendu ?

Oui. Et les intérêts se rejoignent : les Maîtres d'ouvrage veulent que leurs bâtiments soient loués et occupés. La prise de conscience est réelle sur la nécessité de concevoir une architecture meilleure.

Elle concerne à la fois les choix architecturaux à effectuer et les principes éthiques qui doivent guider tout projet dans le domaine.

Nous avons la chance de pratiquer un métier dont nous voyons et touchons la matière.

Il ne faut pas, dans l'ambiance générale de l'urgence climatique, tout à fait justifiée soit dit en passant, oublier le plaisir d'imaginer et de bâtir les abris d'un avenir meilleur.