Assurance-vie : le palmarès des fonds euros

Avec un taux moyen de rendement qui devrait s'être établi entre 3,2 % et 3,3 % en 2010, les fonds en euros d'assurance-vie font grise mine. Une baisse de forme qui n'est pas passagère...
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Entre 2,85 %, le taux le plus bas, sur un « livret » de la Macif, et 4,51 %, le taux le plus élevé chez la toute jeune compagnie Axéria, les rendements des fonds en euros d'assurance-vie ont fait, en 2010 - comme les années précédentes -, le grand écart.

Mais globalement, tous sont en baisse, et souvent sensible. L'emblématique contrat de l'Afer a ainsi abandonné 60 points de base (0,6 %) par rapport à 2009 pour distribuer 3,52 %. Dans ce concert de baisses, seul Generali joue fortissimo en relevant ses rémunérations. Une performance à nuancer toutefois puisque, pour l'essentiel, elles avaient beaucoup plus diminué que les autres en 2009.

Quoi qu'il en soit, cette forte érosion ne surprend guère les professionnels : les fonds en euros sont victimes de la baisse continue des taux obligataires. Collectant chaque année des dizaines de milliards d'euros qu'ils investissent dans des emprunts d'États ou d'entreprises dont les coupons sont de plus en plus bas, ils diluent les rendements plus élevés procurés par les obligations anciennes. L'an dernier, du fait des inquiétudes sur les pays périphériques de la zone euro, les taux des obligations des États français et allemands ont ainsi atteint des records historiques de faiblesse, à 2,4 % pour le taux à dix ans français. L'impact sur des portefeuilles qui rapportent environ 4 % en moyenne (avant dotation des réserves et frais de gestion) est facile à imaginer...

Climat déprimé

Faute de mieux, de nombreux assureurs ont ainsi préféré jeter le dévolu sur les obligations émises par les entreprises, un peu plus rentables et jugées parfois moins risquées que celles des États, voire sont restés partiellement liquides en attendant que les taux reprennent des couleurs. « Nous avons maintenu une poche de liquidité autour de 11 %, confie ainsi Jean-François Boulier, le gestionnaire de l'Afer, en attendant que les taux remontent. »

Pas de chance pour les assureurs : les marchés monétaires n'ont quasiment rien rapporté en 2010 et n'ont pas permis de contribuer aux performances. Si l'on y ajoute la bourse qui a fait du surplace et n'a pas permis de réaliser des plus values, le tableau est complet !

Dans ce climat déprimé, la plupart des assureurs prédisent une poursuite de la diminution des rendements. « Nous ne voyons aucun signe de retournement », déplore par exemple Marcel Khan, directeur général de la Macsf, une mutuelle habituée des podiums et qui sert encore plus de 4 % en 2010. Même manque d'entrain au Conservateur, un autre habitué des récompenses : « Les fonds en euros ont été les produits miraculeux des années 80 et 90, mais maintenant, c'est fini », tranche Gilles Ulrich, son directeur général.

À moins, bien sûr, de se tourner vers les très rares fonds de nouvelle génération, comme ?urocit de Ag2r La Mondiale qui associe une poche action conséquente tout en continuant à garantir le capital : il a rapporté 5,14 % l'an dernier (pour plus de détails, sur ces fonds à gestion « coussin », lire le dossier le n°4611 de « La Tribune », du 3 décembre 2010). De quoi redonner espoir dans la gestion sans risque!

 

4 grandes catégories de contrats à la loupe

1 - Les contrats des établissements bancaires restent à la traîne

Principaux pourvoyeurs d'assurance-vie en France, les établissements bancaires continuent à proposer les fonds en euros ayant, globalement, la plus faible rentabilité. Les taux 2010 des grandes enseignes sont ainsi massivement rassemblés entre 3,2 et 3,4 %. La clientèle d'entrée de gamme reçoit la plupart du temps un peu moins (3 à 3,2 %). Pour la clientèle patrimoniale et les contrats les plus élitistes, les taux montent en revanche parfois au-dessus de 3,5 %. La baisse moyenne est cependant inférieure à celle du marché : une résistance qui s'explique principalement par la faiblesse des rémunérations distribuées depuis plusieurs années.

Tous les établissements n'ont cependant pas encore communiqué leurs performances : les Banques Populaires, la Banque Postale, le Crédit Mutuel de Bretagne gardaient toujours le silence sur les taux en milieu de semaine.

Le niveau limité de la rémunération des fonds en euros des banques s'explique principalement par une gestion très sécuritaire ; elle-même dictée par des fonds propres limités ? les maisons mères n'affectent en général à leurs filiales d'assurance-vie que le minimum réglementaire ? qui interdisent les diversifications importantes. De plus, les contrats des bancassureurs supportent fréquemment des frais de gestion plus lourds : un poids qui compte d'autant plus qu'il est fixe (0,5 à 1 % du capital chaque année), alors que la rémunération, elle, diminue.

2 - Les mutuelles sont toujours aussi généreuses

Un coup d'oeil sur les meilleures performances suffit à s'en rendre compte : les mutuelles d'assurance font maintenant la course en tête en matière de rendement. Avec des taux qui sont souvent situés au dessus de 4 %, elles dament le pion de tous les intervenants, à l'exception des nouveaux fonds en euros (lire plus loin).

« Nous n'avons pas de capital ni d'actionnaire à rémunérer, c'est une vraie différence », constate Marcel Khan, à la Macsf. Les assurés récupèrent donc une partie des gains qui reviennent habituellement aux actionnaires. Mais c'est surtout leur forte solvabilité qui fait la différence : dotées de capitaux propres souvent très conséquents, elles s'autorisent une gestion plus diversifiée et dynamique de leurs actifs. Laquelle est souvent payante. A la Macsf, 15 % du portefeuille est par exemple consacré aux obligations convertibles. À la Maaf, le bon taux 2010 est en partie le fruit de la réalisation de plus values latentes sur actions et convertibles achetées au creux du marché en 2008 et 2009 : « Cela nous permis de dégager 0,7 % de rendement supplémentaire, dont 0,3 % ont été mis en réserve », explique Fabrice Gilbert. Des réserves qui représentent ici 1,8 % des capitaux gérés. De quoi améliorer l'ordinaire dans les prochaines années...

Seule la Macif fait figure d'exception dans ce concert, avec 2,85 % sur son principal contrat. À sa décharge, il ne supporte aucun frais d'entrée et il est vendu comme un produit très liquide.

3 - Les contrats des associations d'épargnants rentrent dans le rang

Longtemps au firmament des rendements, les contrats des associations indépendantes d'épargnants ne se distinguent plus de leurs concurrents. C'est le cas de son plus emblématique représentant, l'Afer, géré par Aviva Vie, dont le taux de 3,52 % reste supérieur à la moyenne, mais il se retrouve bien au-dessous des premiers de la classe. L'Agipi, dont les fonds sont pilotés par Axa, a fait un peu mieux avec 3,70 %. Le Gaipare a distribué 3,83 % dans son fonds en euros estampillé Allianz.

Seule la Fapès a finalement réussi à sauver le seuil symbolique des 4 % pour ses contrats Épargne Retraite 1 et 2, gérés également avec Allianz. Après 4,05 % en 2009, c'est l'un de ceux qui résistent le mieux, en partie grâce à une poche d'actions importante, qui pèse 13 % de l'actif et qui fait l'objet d'une gestion dynamique. « Pour nous, une gestion en bon père de famille n'est pas synonyme de gestion à la papa », justifie Didier Brochard, son directeur général.

Pour les adhérents des associations indépendantes (toutes ne le sont pas, malgré les évolutions réglementaires !), il reste cependant des motifs de satisfaction : leurs contrats ont des frais faibles (0,36 % par an à la Fapès par exemple) et ils bénéficient tous de la même rémunération, quelle que soit leur ancienneté.

Ce n'est pas le cas dans la plupart des autres familles, où les produits sont régulièrement renouvelés et où les vieux clients écopent des taux au rabais.

4 - La prime aux nouveaux venus et aux contrats Internet

Loin du marasme des grands réseaux, les nouveaux fonds en euros qui ont été lancés juste avant la crise de 2008 continuent à se faire remarquer. En premier lieu celui d'Axéria Vie (désormais filiale du Crédit Agricolegricole), avec 4,51 % contre 5,01 % en 2009. Il est proposé par plusieurs contrats d'assurance-vie vendus sur Internet, sans frais d'entrée, et par des réseaux plus traditionnels.

Apicil Assurances, autre fonds récent, a connu un sort moins enviable, avec une forte baisse de 68 points de base qui le maintient tout juste au dessus de 4 %. Lui aussi est disponible dans plusieurs contrats sur Internet.

Toujours sur la toile, la baisse est également au programme pour le fonds « Opportunité » présent dans tous les contrats assurés par ACMN Vie (Crédit Mutuel). Après avoir distribué un très beau 4,6 % en 2009, il est descendu à 4,2 %, faute d'opportunités à saisir sur les marchés. C'est toujours mieux que le fonds en euros classique d'ACMN, qui a affiché un taux de 3,5 %

Quant aux nombreux contrats assurés par Generali et sa E-Cie Vie (Boursorama Vie, ING Direct Vie, Altaprofits Vie...), ils bénéficient eux aussi d'un rebond des performances, qui passent de 4,05 à 4,1 %. Pour des contrats sans frais d'entrée, avec de faibles frais de gestion et des gammes de supports très larges, c'est un résultat plus qu'honorable.

 

Interview Guillaume Leroy, Actuaire chez Winter & Associés

Une baisse des rendements d'une telle ampleur était-elle prévue ?

Non, la profession anticipait une diminution plus limitée début 2010, mais la faiblesse des taux obligataires et monétaires pendant la majeure partie de l'année et l'absence de reprise des marchés d'actions ont eu un impact négatif. De plus, les assureurs n'ont pas été incités à distribuer beaucoup, car les produits concurrents, notamment à court terme, restent plus faiblement rémunérés.

Aujourd'hui, le rendement de l'OAT à 10 ans dépasse le rendement moyen des fonds en euros, du jamais vu depuis 30 ans. Est-ce une tendance durable ?

Difficile à dire... A priori, l'effet d'inertie qui a profité aux fonds en euros durant la baisse des taux se retourne contre eux. Néanmoins, les sociétés d'assurance-vie ont la possibilité de manoeuvrer leurs portefeuilles d'actifs pour les adapter à la conjoncture. En France, ils ne sont pas figés par l'existence de garanties de taux trop élevées, à l'inverse d'autres assureurs européens. Ils peuvent donc diversifier un peu leurs placements et faire mieux qu'offrir une valeur pondérée des rendements passés des obligations d'État. Certaines compagnies ont ainsi pu vendre à perte des emprunts d'État à faible rendement pour réinvestir, en fin d'année, dans des obligations plus rémunératrices, notamment des titres d'entreprises. Cet écart avec l'OAT pourrait donc n'être que temporaire, sauf si les taux devaient remonter fortement et durablement.

Les fonds en euros qui détiennent le plus d'actions sont-ils donc les plus prometteurs ?

Tout dépend, bien sûr, du prix auquel l'assureur les a achetées ! Ceci étant, dans le contexte Solvabilité 2, la part des actions dans les bilans des assureurs-vie reste modeste par rapport à celle des obligations.

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