Climat : une centaine d'agriculteurs de Côte-d’Or se tournent vers l’agroénergie pour diversifier leurs revenus

Situés sur des terres en prise avec le changement climatique, 150 agriculteurs du Châtillonnais (Côte-d’Or), ont répondu favorablement à un projet de construction de méthaniseur coopératif, à Cérilly. L’unité injectera son biogaz d’ici quelques semaines. Une solution qui leur permet de dégager un revenu complémentaire.
Du seigle fourrager : une culture intermédiaire à vocation énergétique (Cives)
Du seigle fourrager : une culture intermédiaire à vocation énergétique (Cives) (Crédits : AMANDINE IBLED)

Selon l'Insee, le revenu moyen agricole pourrait reculer de 9% cette année après deux de hausse. Très souvent mis sur la table, le thème du revenu des agriculteurs est le point central de la crise actuelle. Les syndicats réclament alors l'application stricte de la loi Egalim qui doit garantir la juste rémunération par la sanctuarisation du prix des matières premières pour les agriculteurs. Face cette problématique, et si la solution venait de la diversification de leurs revenus ?

Un triptyque « blé, orge, colza » à la peine

C'est la question que se sont posée dès 2018 Dijon Céréales et Alliance BFC, union qui rassemble la coopérative côte-d'orienne avec Bourgogne du Sud (Saône-et-Loire) et Terre Comtoise (Doubs). Le premier projet concerne les agriculteurs du Châtillonnais, un territoire au nord de la Côte-d'Or, en limite de trois départements (Yonne, Aube et Haute-Marne), qui est caractérisé par sa situation en zone intermédiaire. « Ce sont des terres à faible potentiel, où les agriculteurs se heurtent à une problématique agronomique », souligne Laurent Druot, chargé de développement en énergies renouvelables chez Dijon Céréales.

Lire aussiClimat : l'agrivoltaïsme est-il l'avenir de l'agriculture ?

« Le fameux triptyque blé, orge, colza est en souffrance parce que les rendements ne sont pas toujours à la hauteur et que les prix du marché varient fortement », poursuit-il. Le changement climatique, avec des épisodes de sécheresse ou de froid au printemps, encore des chaleurs importantes avant la moisson, est venu régulièrement impacter les récoltes ces dernières années.

Autre problématique, l'interdiction d'utiliser certains produits phytosanitaires pour maîtriser les ravageurs sur colza. « Sur le Châtillonnais, les agriculteurs ont vu rapidement leurs rendements descendre entre 50% et 70% des moyennes décennales, économiquement cela devenait compliqué», précise Laurent Druot. Cette culture qui était largement répandue en Côte-d'Or, a vu ses surfaces fortement reculer.

Allier culture alimentaire et énergétique

Dijon Céréales et Alliance BFC ont ainsi rassemblé les agriculteurs de ce territoire pour créer un projet qui réponde à leurs problématiques agronomiques et économiques. « L'objectif était de passer d'une rotation triennale (blé, orge, colza) à une rotation plus longue », explique Laurent Druot. En théorie, ce sont des leviers agronomiques connus de la filière, mais pas toujours faciles à mettre en place, et surtout il restait à trouver les bons débouchés. La méthanisation cochait beaucoup de cases.

Lire aussiColère des agriculteurs : Gabriel Attal annule la hausse de la fiscalité sur le gazole non routier (GNR)

« Nous avons participé à une première grande réunion où le projet méthanisation nous a été présenté avec des chiffres, des itinéraires techniques agricoles. Nous avons pu percevoir les avantages que les Cives (culture intermédiaire à vocation énergétique, ndlr) pouvaient nous apporter », confie Mélanie Bornot, agricultrice à Buncey, près de Châtillon-sur-Seine. Cette dernière est productrice de Cives pour Sécalia, la filiale de Dijon Céréales et Nature Energy qui porte le projet du méthaniseur de Cérilly.

« Les Cives ne sont pas pénalisantes pour l'alimentation humaine, puisqu'elles viennent s'intercaler entre deux cultures principales », insiste Laurent Druot. Elles représentent environ 10% de la production des fermes. L'agriculteur planifie trois cultures sur deux ans : il peut commencer par semer du seigle en septembre, le récolter en mai, puis semer du tournesol et ensuite partir sur du blé, par exemple, sur une année. D'où un complément de revenus pour les agriculteurs.

« C'est l'addition de ces cultures intermédiaires à vocation énergétique et des cultures principales pour l'alimentaire, qui permettent à l'agriculteur, en se diversifiant, de prendre moins de risques », souligne Laurent Druot. D'autant plus que les coopératives rachètent les Cives à un prix rémunérateur et fixe sur quinze ans. Ainsi, les agriculteurs ne subissent pas la volatilité des marchés.

Un cercle vertueux en circuit court

La culture des Cives s'inscrit dans un cycle de développement cohérent par rapport au réchauffement climatique. Sur le plan agronomique, la culture des Cives couvre les sols en hiver et allonge le cycle de la rotation. « Le processus de la méthanisation, en plus du biogaz, produit un digestat, un engrais vert très intéressant que nous pouvons utiliser pour nos cultures », détaille Mélanie Bornot. Sécalia revend ce digestat aux agriculteurs, à un prix inférieur au marché des engrais classiques. « Tout cela s'inscrit donc dans un cercle vertueux, y compris en termes de bilan carbone », précise-t-elle.

Finalement ce sont donc 150 exploitations, toutes implantées dans un rayon de 25 kilomètres en moyenne autour du méthaniseur, qui se sont impliquées dans ce projet coopératif à l'échelle d'un territoire. « C'est un vrai mouvement qui s'engage à travers l'agroénergie pour les agriculteurs », souligne Mélanie Bornot.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 05/02/2024 à 16:00
Signaler
Au Danemark cela existe déjà dans les élevages où plutôt que déverser les lisiers dans la nature ou la mer ils sont stockés dans des méthaniseurs .

à écrit le 30/01/2024 à 9:11
Signaler
Une bien belle photographie, bravo et merci !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.