Climat : l’agrivoltaïsme est-il l’avenir de l’agriculture ?

Ecartelé entre souveraineté alimentaire d’un côté, production d’énergies renouvelables et pérennité financière des exploitations de l’autre, le développement agrivoltaïque peine à émerger en France. Le nouveau cadre règlementaire pourrait booster cette filière encore émergente. Décryptage.
Pour faire progresser l’agrivoltaïsme, ses promoteurs insistent sur la complémentarité et non le remplacement des cultures.
Pour faire progresser l’agrivoltaïsme, ses promoteurs insistent sur la complémentarité et non le remplacement des cultures. (Crédits : DR)

Les récents décrets d'application de la loi APER votée le 10 mars 2023, relative à la production d'énergies renouvelables, constituent a priori une bonne nouvelle pour la Fédération Française des Producteurs Agrivoltaïques (FFPA). A l'initiative des premières Assises de l'agrivoltaïsme, qui se sont déroulées à Tours le 1er décembre dernier, l'organisation professionnelle réclamait un taux de couverture autorisé jusqu'à 45% des terres agricoles concernées, pour les futurs projets agrivoltaïques.

Alors que la surface d'occupation maximale acceptée était jusqu'à présent de 25%, elle ne subira plus en principe dans l'avenir de restriction. Seules conditions posées par les décrets, qui doivent encore être validés par le Conseil supérieur de l'énergie le 19 décembre et par le Conseil d'Etat courant janvier 2024, que les installations ne génèrent pas une baisse de plus de 10% du rendement agricole et que la technologie photovoltaïque soit éprouvée.

Capable d'assurer 80% de l'objectif français d'énergie renouvelable

La menace que ferait peser l'agrivoltaïsme sur la souveraineté alimentaire de la France constitue jusqu'à présent le frein principal à son développement. Si les projets fleurissent partout dans l'Hexagone - une centaine rien qu'en Indre et Loire - seuls quelques milliers d'hectares de terres agricoles ont vu jusqu'à présent l'installation de panneaux photovoltaïques.

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« Ce point est difficilement recevable quand on sait que la France, qui est auto-suffisante au plan alimentaire, dispose de quelque 27 millions d'hectares de terres agricoles, assure Quentin Hans, délégué général de la FFPA. Or, seulement 135.000 hectares équipés en solaire, soit 0,5% de la totalité, suffiraient à produire annuellement 40 Gigawatts, soit plus des deux tiers de l'objectif fixé par le gouvernement en 2030 ».

De surcroît, la production d'énergie renouvelable ne remplace pas les cultures ou l'élevage, mais assure au contraire complémentarité et synergie entre les deux modes d'exploitation, toujours selon la Fédération.

Spéculation financière ou pérennité des exploitations ?

L'autre grief contre l'agrivoltaïsme, porté notamment par la Confédération paysanne, syndical agricole minoritaire, proche de la France insoumise, concerne la spéculation qu'il provoquerait sur le prix du foncier agricole. Bastien Gourdon, salarié dans une exploitation multi-céréalière (blé, colza, orge, tournesol) à Neuvy le Roi, dans le nord de l'Indre et Loire, y voit au contraire un moyen de diversifier et de sécuriser la ferme qu'il reprendra à moyen terme.

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En 2025, le groupe bordelais Valorem équipera ainsi 45 hectares de l'exploitation (sur 220 au total) en panneaux photovoltaïques. Explications : « Nous allons ainsi pouvoir non seulement ramener un élevage de 250 moutons sur la ferme mais aussi assurer sa rentabilité dès la première année, se félicite l'agriculteur. A la clé, le financement par notre prestataire d'une partie des installations nécessaires, dont une bergerie, qui seront construites début 2025. Sans les panneaux, il nous aurait fallu environ dix ans pour amortir l'ensemble ».

Alors que 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d'ici 2033, l'agrivoltaïsme semble ainsi constituer un levier pour la transmission des exploitations française, rendue très aléatoire du fait de leur manque de rendement financier.

Directives européennes

Fondée en décembre 2021, la Fédération Française des Panneaux Agrivoltaïques (FFA) recense 3.000 agriculteurs ainsi que les principaux producteurs d'énergie renouvelable français (TotalEnergies, Valorem, etc). Si la tenue d'Assises répondait à un objectif de structuration de cette filière émergente, passant par un état des lieux des surfaces équipées, la FFA devra encore batailler au plan européen pour parvenir à ses fins.

Alors que le contexte réglementaire national semble s'éclaircir petit à petit pour l'agrivoltaïsme, les dernières directives de Bruxelles, prises en juin 2023, conditionnent les subventions de la PAC à un taux maximal de 30% d'occupation des surfaces agricoles par des panneaux solaires.

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