Le temps des fleurs à Plomeur

Dans le Finistère, à la pointe de La Torche, une société horticole renoue avec une tradition délaissée depuis plus de quinze ans en France : la culture du narcisse.
Champ de bulbes de jacinthe à Plomeur (Finistère).
Champ de bulbes de jacinthe à Plomeur (Finistère). (Crédits : © LTD / Laurent Guichardon)

À la pointe de la Torche, il n'y a pas que des spots de surf réputés. La presqu'île naturelle barrant l'extrémité sud-est de la baie d'Audierne, en Finistère du Sud, vaut aussi le détour pour les couleurs chatoyantes de ses champs de fleurs. Encore en pleine floraison en cette fin de mois de mars, les tulipes de plein champ, rouges, violettes, jaunes, sont à elles seules un motif de balade et égaieront la côte bretonne jusqu'au 10 avril, date à laquelle elles seront coupées. Ces hectares d'herbacées bulbeuses jouxtent d'autres champs parfumés et colorés, ceux des jacinthes et ceux d'une nouvelle production florale emblématique du printemps : le narcisse.

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Dans la commune de Plomeur, la maison centenaire Ernest Turc vient de relancer cette production absente depuis quinze ans en France.Plantés à l'automne sur près de 200 hectares, les premiers champs sont en pleine floraison tout le mois de mars. « La production de bulbes de narcisse a pratiquement disparu en France au profit de l'Angleterre, qui concentre 85% du marché mondialindique Matthieu Velé, le dirigeant de la société horticole Ernest Turc, à la tête de la structure familiale depuis 2022. En 2022, la France a importé 300 millions d'euros de fleurs coupées et un peu plus de 100 millions d'euros de bulbes. Rien n'est produit localement, alors que cultiver des fleurs sur notre territoire nous savons le faire. »

Fondée en 1912 par son arrière-grand-père, l'entreprise familiale a profité jusqu'en 2006 des terres sablonneuses et du climat doux de Bretagne pour cultiver le narcisse. À côté des iris et des muscaris, elle remet aujourd'hui ce savoir-faire au goût du jour. « L'objectif est de produire 1 million de bulbes de narcisse d'ici trois ans et 4 millions dans les années suivantesnote l'entrepreneur, fier de participer au mouvement Slow Flower, qui s'étend en Europe et vise à favoriser la diversité florale et l'horticulture locale et de saison. Pour contribuer à la relocalisation de la filière florale, nous produisons sous le label Fleurs de France. Mais, face à l'importation massive du Royaume-Uni, la commercialisation reste compliquée. »

Des fleurs pour les sites des JO

Premier producteur en France de bulbes à fleur, également spécialisé dans les graines potagères et florales, l'entreprise Ernest Turc anime une équipe de 50 passionnés et emploie jusqu'à 85 personnes en pleine saison de production sur ses terres en Bretagne et en Anjou. Chaque année, elle vend 18 millions de bulbes aux particuliers, aux professionnels des plantes (jardineries, paysagistes...), aux entreprises et aux collectivités. Cet été, Ernest Turc fleurira ainsi la ville de Paris et la Seine-Saint-Denis autour des sites des JO Paris 2024.

Nous allons convertir 10 hectares supplémentaires au bio, mais le marché n'est pas encore assez mûr

Matthieu Velé (Ernest Turc)

Les nouveaux bulbes de narcisses bretons seront pour leur part vendus en partie aux horticulteurs, tandis que les plus petits, les bulbilles, seront replantés afin qu'ils grossissent. « Nous créons plus de 500 variétés de fleurs à bulbe - agapanthes, dahlias, iris, narcisses... - en privilégiant un travail naturel de sélection et des solutions de circuit courtexplique Matthieu Velé. Ces trois dernières années, nous avons créé dix variétés, dont des alliums, destinées à des fermes florales, et avons profité du travail pollinisateur des abeilles. Le renforcement des variétés de fleurs de saison et de plein champ [pas sous serre] est essentiel pour contribuer au renouveau de la filière française. En revanche, le bio, qui réclame un travail plus manuel et davantage de surveillance, représente pour le moment 15% seulement de nos surfaces [1% du chiffre d'affaires]. Nous allons convertir 10 hectares supplémentaires, mais le marché n'est pas encore suffisamment mûr. »

En fleur, les champs de narcisses et bientôt ceux d'iris et d'allium de l'horticulteur sont visibles à la pointe de la Torche. À Loire-Authion, près d'Angers, il organise des portes ouvertes, chaque mois de septembre, pour une cueillette de fleurs fraîches, locales et de saison. Alors que la traçabilité est obligatoire dans l'alimentaire, elle n'existe pas dans la filière des fleurs. Aux floriculteurs de mener cette prise de conscience, juge l'entreprise. Pour gagner en visibilité, Ernest Turc met d'ailleurs l'accent sur la vente directe. Outre son site Internet, qui commercialise aussi des bulbes d'importation, l'entreprise a créé la marque Ernest au jardin !, présente dans certaines grandes surfaces alimentaires.

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