CCI 3/4 : l'impact de la loi PACTE en Nouvelle-Aquitaine, Grand Est, Occitanie, Région Sud

Face à une chute drastique des crédits, le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) doit réinventer son modèle économique et social au moment où les territoires réclament plus de reconnaissance.
La Cité du vin, à Bordeaux.
La Cité du vin, à Bordeaux. (Crédits : Reuters)

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NOUVELLE-AQUITAINE

Des initiatives pour faire évoluer les compétences

« On est au fond de la piscine, on essaye de remonter à la surface en vendant nos prestations, mais ça n'a rien d'évident puisque nous accompagnons à 90 % des TPE... »

Françoise Cayre, la présidente de la CCI de la ­Corrèze, ne cherche pas à enjoliver la situation de la chambre dont le budget dépend à plus de 60 % de la ressource fiscale. « On a réduit notre effectif d'une trentaine de postes, vendu des bâtiments et coupé dans les dépenses, mais on ne peut aller au-delà si on veut pouvoir proposer des prestations premium », poursuit-elle.

Dans toute la région, les CCI cherchent en effet à « construire un parcours de services aux entreprises allant du pré-diagnostic gratuit jusqu'à des prestations à valeur ajoutée partiellement ou totalement payantes », explique Jean-François Clédel, le président régional, qui confirme cependant que « certaines missions ne sont pas facturables comme auprès des TPE et des entreprises en retournement ou en cession ». Mais, après la colère, les CCI néoaquitaines se montrent volontaristes : « Elles s'organisent, mutualisent et s'entraident et, de ce point de vue, cet électrochoc financier est positif. »

  • Une plateforme pour commercialiser les offres

À Bordeaux, la CCI de Gironde, dont seul un quart du budget provient de la fiscalité, devrait supprimer 40 postes sur l'ensemble du mandat et a mis fin à près de la moitié de ses subventions aux associations. « Nous avons créé Soluccio, une plateforme pour commercialiser nos offres qui a été adoptée par d'autres CCI. On se positionne sur le champ quasi concurrentiel et cela suppose de faire évoluer nos compétences. Nos collaborateurs en sont conscients », témoigne Patrick Seguin, son président. Il peut s'appuyer notamment sur le salon Vinexpo et le florissant aéroport de Bordeaux pour diversifier ses ressources. Rien de tel en Corrèze : « On mutualise déjà des compétences avec la CCI de Dordogne et il y a une solidarité régionale, mais si l'État ne débloque pas une aide pour les 17 CCI hyper-rurales de France, ça ne tiendra pas ! », plaide Françoise Cayre. Et d'ajouter : « Si des TPE renoncent à se faire accompagner parce qu'elles n'en ont pas les moyens, ce sera parfaitement contre-productif. »

Pierre Cheminade, à Bordeaux

Lire aussi : "Il faut sauver les 17 CCI hyper-rurales !", alerte Françoise Cayre qui préside la CCI de Corrèze

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OCCITANIE

Le modèle va être repensé

Depuis l'adoption de la loi de Finances, qui prévoit une diminution de 400 millions d'euros d'ici à 2022 des crédits alloués aux chambres de commerce et d'industrie, la CCI Occitanie doit composer avec une baisse de ses moyens. Le réseau qui regroupe 13 CCI de la Région Occitanie, dont celles de Toulouse et Montpellier, a vu son budget annuel amputé de 7,5 millions d'euros en 2019. En 2020, l'établissement public prévoit une coupe de 10 millions d'euros. Pour la période 2021-2022, il perdra 8,7 millions d'euros par an. Son budget annuel passera de 112 millions d'euros en 2012 à 28,7 millions d'euros, dix ans plus tard, en 2022.

  • Une réduction drastique

« Nous aurons eu, entre 2012 et 2022, une baisse de 75 % de nos ressources fiscales. Ce n'est pas un effort, mais un sacrifice. Pour la majorité des CCI, c'est la fin », s'insurge Alain Di Crescenzo président de la CCI Occitanie et 1er vice-président de CCI France.

Cette réduction drastique ne sera pas sans conséquences pour les 1 400 agents des CCI territoriales d'Occitanie : 200 collaborateurs seraient sous la menace d'un licenciement.

Depuis la signature, en octobre dernier, d'une convention d'objectifs et de moyens avec l'État, le réseau de chambres consulaires concentre son activité sur cinq missions : l'entrepreneuriat, l'appui aux entreprises dans leur mutation, l'accompagnement à l'international, la représentation et l'appui aux territoires, parfois au détriment des autres. « L'aide au développement durable ou la digitalisation sont devenues facultatives alors que la France est en retard », regrette Alain Di Crescenzo. Dès mars prochain, une offre de services payants va être déployée avec une centaine de prestations premium telles que des études ou de l'accompagnement de projet. « On ne transforme pas un établissement public en une entreprise commerciale du jour au lendemain. L'idée est de vendre des prestations additionnelles et non pas en ­compétition avec nos entreprises », conclut le président de la CCI Occitanie.

De son côté, la CCI Hérault a vu la taxe pour frais de chambre (TFC) qui lui est affectée passer de 11 à 7,5 millions d'euros en trois ans. Elle a mandaté le cabinet parisien Goodwill, en 2018, pour réinventer un nouveau modèle économique. Le développement de prestations facturées, un an plus tard, semble porter ses fruits, notamment en matière de formation à l'entrepreneuriat, de conseil dans l'accès aux marchés publics ou dans le parcours digital, qui génèrent des recettes régulières. De même, la CCI Hérault crée des synergies d'action avec les collectivités territoriales, en coorganisant des opérations de type « Grand Bazar » (promotions et ambiance festive) pour booster le commerce de centre-ville ou en réalisant des études pour certaines d'entre elles, comme Sète. « Nous sommes moins impactés que d'autres par la baisse de la TFC, ce qui nous permet de tenir les cinq axes définis par notre contrat d'objectifs et de performance », assure le président André Deljarry. Lequel s'active pour trouver de nouvelles ressources, en toute lucidité.

Si la chambre a revendu la quasi-totalité de ses parts dans l'aéroport de Béziers, elle garde ses 25 % au capital de celui de Montpellier, qui a aligné sa sixième année de croissance consécutive en 2019 (1,9 million de passagers).

Israa Lizati, à Toulouse, et Anthony Rey, à Montpellier

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GRAND EST

Alsace Eurométropole : l'attrait de l'Allemagne

La perte de 15 millions d'euros de recettes perçues sous la forme de taxes pour frais de chambre (TFC), pour un budget de 40 millions d'euros, a obligé la chambre de commerce de l'Alsace et de l'Eurométropole à réorienter sa stratégie. Cinq ans après la fusion des chambres locales à Strasbourg, Colmar et Mulhouse, les effectifs cumulés sont passés de 600 à 280 salariés par le non remplacement des départs.

« La réforme nationale étouffe le rôle des CCI comme outils de développement des entreprises. On a cassé un système de solidarité, c'est une aberration », juge Jean-Luc Heimburger, son président.

Pas question de se fondre parmi les consultants privés. La chambre de commerce a choisi de se positionner comme « tiers de confiance » et de labelliser les meilleurs prestataires dans la palette des services qui relèvent de son action, notamment dans l'accompagnement à l'international. Elle entend se rémunérer en prélevant un pourcentage sur leurs prestations en entreprises. La location de bureaux et d'espaces de réunion est une autre priorité, directement rémunératrice. Les locaux du campus de formation, en périphérie de Strasbourg, peuvent accueillir jusqu'à 650 congressistes. à ­Colmar, le parking voisin de l'ancien siège local a été vendu à un promoteur qui cèdera, en retour, des bureaux neufs à la chambre de commerce. Celle-ci pourra les louer. La formation, enfin, sera renforcée avec un objectif annuel de 10 000 apprentis et adultes en formation continue.

  • Action transfrontière

Pour cette CCI, dont le siège est  à Strasbourg, le travail par-delà les frontières est une priorité. « On aimerait renforcer l'apprentissage transfrontalier », suggère Jean-Luc Heimburger, déçu par le manque d'attrait des jeunes Alsaciens pour cette filière : une vingtaine de contrats, pas plus. « Nous allons chercher des fonds européens pour monter de ­nouvelles missions franco-­allemandes », propose Jean-Luc Heimburger. Avec ses homologues allemands, il entend aplanir les difficultés liées à la coexistence de différents systèmes juridiques et administratifs dans ces deux pays, ainsi qu'en Suisse.

Olivier Mirguet, à Strasbourg

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RÉGION SUD

Marseille et Nice accompagnent le développement du business

À Nice, la diversification est engagée depuis... 2017, date de l'arrivée à la présidence de Jean-Pierre Savarino, qui sentait déjà le vent tourner, et qui l'intègre alors dans son projet d'entreprise appelé CAP 21. Offensive, la CCI azuréenne se positionne alors sur Port Vauban 21, emportant la délégation de service public (DSP) qui concerne la refonte du port d'Antibes pour en faire un port du IIIe millénaire, aux côtés d'autres acteurs dont la CDC et la Caisse d'épargne Côte d'Azur.

Un premier pas qui laisse en augurer d'autres, Jean-Pierre Savarino précisant que « nous serons de plus en plus positionnés sur des DSP qui touchent des réalisations, portuaires ou autres. Nous ne nous limitons pas. Nous le ferons dans une démarche partenariale ».

En septembre 2019, la filiale Carabacel Conseil a été créée, entraînant le recrutement d'un responsable commercial, prêt à accompagner les entreprises de tout profil et les collectivités sur des sujets tels que la transformation numérique, les ressources humaines, les levées de fonds, la formation, ou encore la rédaction de cahiers des charges... Autant d'activités qui ne se feront pas avec la CCI seule, tient à préciser son président, désireux de bien faire passer le message qu'il n'est pas question de concurrencer les entreprises privées dont c'est le métier, mais de travailler avec elles, « pour développer l'activité et élargir le business ». Par ailleurs, les salariés nouvellement embauchés le sont sous droit privé. « Nous enrichissons nos équipes pour faire face à nos objectifs », précise Jean-Pierre Savarino. Qui répète que c'est bien l'indépendance financière qui demeure le but ultime.

Lire aussi : Stratégie de diversification accélérée pour la CCI Nice Côte d'Azur

Du côté d'Aix-Marseille, la CCI métropolitaine se positionne aussi sur les DSP. En 2018, elle a remporté celle concernant le port de l'anse de La Réserve, à Marseille, mais s'appuie sur l'expertise de la CCI du Var, voisine, pour en assurer la gestion.

En 2020, un « work café » dédié aux entreprises prendra place au sein du palais de la Bourse qui héberge la Chambre. Un projet qui n'a pas été sans faire grincer des dents, mais que Jean-Luc Chauvin, son président, présente comme une contribution à la redynamisation du centre-ville, voulant « créer un lieu de passage et réinventer le parlement de l'économie pour que les entreprises y trouvent services et animations ».

C'est le même état d'esprit qui vaut pour la création de rIAlity, le lab axé IA, opérationnel en 2020, développé avec Microsoft. La création de CCIMP Infrastructures permet à la CCI Aix-Marseille Provence de se positionner en propre ou en groupement sur la gestion d'infrastructures aéroportuaires ou portuaires. Depuis ce 1er janvier, son association avec deux partenaires dans la société Sealar lui permet de gérer l'aéroport de Poitiers-Biard.

Laurence Bottero, à Nice et Marseille

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Retrouvez notre DOSSIER SPÉCIAL dans La Tribune Hebdo n°317 du 17 janvier 2019 :

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H317 LT2 CCI

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Commentaire 1
à écrit le 22/01/2020 à 17:22
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Les territoires ne demandent pas plus "de reconnaissance" mais simplement de pouvoir comprendre pourquoi l’État les abandonnent!

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