Hubert Haberbusch redonne la vie aux carrosseries d'antan

SÉRIE D'ÉTÉ - ÉPISODE 1/5. Les métiers du luxe en Alsace. L'atelier HH Services s'est spécialisé dans la restauration de voitures anciennes. Il souhaite rester à l'écart du mouvement spéculatif qui touche l'automobile de collection.
Hubert Haberbusch (au centre), entouré par Romain Gougenot et Isaak Rensing, repreneurs de son entreprise strasbourgeoise de restauration de voitures anciennes.
Hubert Haberbusch (au centre), entouré par Romain Gougenot et Isaak Rensing, repreneurs de son entreprise strasbourgeoise de restauration de voitures anciennes. (Crédits : Olivier Mirguet)

Son garage aménagé dans une ancienne filature à l'abandon ressemble à un atelier d'artiste. Un bateau s'est échoué dans la cour où une cabane haut perchée émerge au-dessus des arbustes. Un piano décore le bureau. Une chaîne hi-fi diffuse du rock années 1970, du blues et du jazz. L'ensemble occupe 750 mètres carrés dans un quartier industriel de Strasbourg, tout près de la frontière allemande. L'endroit est voué à la renaissance des voitures anciennes.

Bienvenue chez Hubert Haberbusch, maître d'art dans la restauration des voitures de collection. Une centaine de photos des réalisations passées, collées au mur, témoignent de l'éclectisme et du savoir-faire du patron. On reconnaît des Bugatti, des Jaguar, des Porsche et d'autres marques plus rares : une Pegaso Type Z espagnole, une Tatra fabriquée en Tchécoslovaquie. L'atelier (huit salariés, dont deux en apprentissage) restaure une dizaine de voitures à la fois, sans trop se soucier de la rentabilité. "Ce travail n'a rien de rationnel. Comment voulez-vous expliquer à un client que vous allez peut-être passer plusieurs heures à essayer de régler sa portière ?" s'interroge Hubert Haberbusch. Il n'y a aucun tarif pré-établi pour la main d'oeuvre, comme un garagiste traditionnel en aurait l'obligation. Pas de devis non plus. Le coût horaire s'élève in fine entre 50 et 80 euros. Le chiffre d'affaires s'est établi à 403 000 euros en 2019 , "une belle année" en croissance de 10 % par rapport à l'exercice précédent. "On essaie d'adapter notre facturation au train de vie des clients. Il faut seulement faire attention à ce que le client ne décède pas en cours de chantier, surtout quand une restauration dure plusieurs années", plaisante Hubert Haberbusch.

La Bugatti Type 50, un chef-d'oeuvre

Le grondement de la cintreuse à olive accompagne le claquement du marteau. Dans l'atelier, le bruit des outils couvre l'ambiance musicale. "On sait refabriquer toutes les pièces, y compris les emboutis. Mais on ne touche pas aux moteurs, ni à la sellerie", précise Hubert Haberbusch. Les pièces en aluminium sont façonnées à la main, à l'aide d'une roue anglaise, un outil qui sert à former les galbes de la tôle. La restauration en cours depuis deux ans d'une Bugatti Type 50 relève du chef-d'oeuvre. La voiture sera reconstruite à partir de documents photographiques datant du début des années 1930. C'est un retour aux sources pour ce modèle rare, fabriquée initialement à Molsheim. La structure de la carrosserie Landaulet, en bois, a été entièrement refaite. Les longues ailes noires, qui mettent en valeur le diamètre exceptionnel des roues avant, ont été reformées à la main. Le système de capote de la Bugatti a nécessité à lui seul 300 heures de travail.

"Observez bien, la capote ne fera aucun pli", suggère Hubert Haberbusch.

Formé dans les années 1960 en apprentissage chez un carrossier industriel strasbourgeois, après avoir exploité une affaire de réparation d'automobiles dans le nord de l'Alsace et vendu des motos de cross Husqvarna, Hubert Haberbusch s'est installé à Strasbourg en 1989. Fasciné par les collections du Musée national de l'automobile à Mulhouse, il est aussi devenu vice-président de la Fédération française des véhicules d'époque, en charge des métiers et des formations. En 2010, il s'est trouvé embarqué "par hasard" à l'exposition universelle de Shanghai. Les conservateurs d'un musée de l'auto local, en manque d'expertise sur leurs collections européennes, ont voulu l'embaucher. Il a refusé le job en Chine, privilégiant les contacts avec ses clients en Alsace, parfois en Suisse ou en Belgique. L'un d'eux, monomaniaque, a rassemblé tous les millésimes des Traction 15 en version anglaise (volant à droite). Un autre lui a commandé une réplique de la Renault 4 CV de son enfance, sous forme d'exercice de style en aluminium brut. Récemment, le ministère de la Culture lui a confié la restauration d'une Panhard 1936, en piteux état, pour le musée du Château de Compiègne.

"Parfois, les clients sont fous avec leurs jouets d'adultes. Ici, il n'y a pas de spéculateurs. Je flaire tout de suite les propriétaires qui voudraient réaliser une opération financière. Ils peuvent aller voir ailleurs", promet Hubert Haberbusch, qui se vante de ne posséder aucune voiture de collection.

A 67 ans, le créateur de l'atelier HH Services passera la main cet automne à deux de ses salariés. Les repreneurs, Romain Gougenot et Isaak Rensing, sont trentenaires. Ils ont intégré l'entreprise strasbourgeoise depuis une dizaine d'années. Rien ou presque ne devrait changer avec les nouveaux propriétaires, qui reprennent une affaire saine et pourront même s'offrir le luxe de choisir leurs clients. "On n'a pas eu besoin de s'endetter pour racheter l'entreprise. On a seulement réduit le capital", explique Romain, dont le profil commercial semble compléter le savoir-faire manuel d'Isaak, plus discret. Retiré des affaires, Hubert Haberbusch aimerait s'impliquer davantage dans ses relations avec les musées.

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