Effets spéciaux : à Vendargues, silence, on truque !

À Vendargues, près de Montpellier, dans ces studios de France Télévisions dédiés aux effets spéciaux, on tourne des films ou des feuilletons comme «Un si grand soleil».
Cécile Chaigneau
Avec la technologie « VFX on set », les décors virtuels sont incrustés et visualisés en temps réel.
Avec la technologie « VFX on set », les décors virtuels sont incrustés et visualisés en temps réel. (Crédits : © Les Tontons Truqueurs)

Ils ne ventilent pas façon puzzle, ils truquent. Leur arme favorite : une technologie issue des jeux vidéo, pour concevoir des effets spéciaux numériques destinés aux tournages. C'est dans les coulisses de la série quotidienne de France 2 Un si grand soleil que les Tontons truqueurs (aujourd'hui filiale de France.tv Studio) déploient leur ingénierie. L'équivalent d'une petite révolution dans le monde de la production audiovisuelle. Il faut imaginer: sur l'un des plateaux des vastes studios de France Télévisions à Vendargues, près de Montpellier, les comédiens jouent devant la caméra sur fond vert, et seuls les décors avec lesquels ils vont interagir sont réels (table, canapé, frigo...). Tout le reste a été modélisé en amont par les Tontons truqueurs avec un photoréalisme soigné. Ces décors virtuels sont incrustés en temps réel et visualisés en direct par retour caméra.

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« Il ne faut pas se rater ! »

Cette technologie, dite « VFX on set » nécessitera ensuite un rapide travail en postproduction pour peaufiner le raccord entre virtuel et réel. « Cette année, plus de 7500 plans truqués avec des images 3D temps réel ont été tournés pour Un si grand soleil, indique Pierre-Marie Boyé, directeur des productions chez les Tontons truqueurs. Ce procédé permet de changer cinq fois de décor dans un studio de 200 mètres carrés avec une grande facilité! » À raison de 260 épisodes par an (1345 ont été diffusés) d'Un si grand soleil, on comprend aisément comment cette technologie vient faciliter une production à flux tendu: décors réalistes et interchangeables, confort et sécurisation de tournage, gain de temps, meilleur bilan carbone (moins de transport de matériel et de déplacement d'équipes), réduction du nombre de personnes mobilisées et maîtrise de l'environnement. « On contrôle le soleil puisqu'on peut simuler l'ensoleillement en fonction de l'heure de la journée ou des saisons, souligne Pierre-Marie Boyé, et les décors sont réutilisables et modifiables à l'infini. »

Il y a un mois, les Tontons truqueurs ont franchi un nouveau cap : l'un des plateaux des
studios héraultais est équipé de quatre écrans LED (trois murs et un plafond) d'une centaine de mètres carrés chacun, sur lesquels ils affichent les décors virtuels pendant le tournage. Cette fois, les comédiens voient les décors dans lesquels ils jouent. « Cela supprime la postproduction effets spéciaux, car l'intégration des images virtuelles et des images réelles se fait directement dans la caméra, explique Pierre-Marie Boyé. L'image est définitive, c'est l'avantage du "tourné-truqué", mais il ne faut pas se rater ! C'est une nouvelle façon de tourner pour le chef opérateur et le réalisateur, qui ne doivent pas se laisser accaparer par la technologie au risque de perdre la dimension artistique du projet. »

Cette technologie n'a pas vocation à remplacer les tournages classiques en studio et en décors naturels. « Aujourd'hui, un peu moins d'un tiers des plans sont fabriqués en studio et on vise les 50 %, indique la directrice générale des Tontons truqueurs, Hafida Théodore. On ne fera jamais du 100 % virtuel, mais cela permet d'ouvrir d'autres marchés pour des personnes qui n'allaient pas vers le VFX, car cela coûtait trop cher. La série Un si grand soleil est un exercice d'industrialisation et s'y prête bien. » La série de France Télévisions Les Pennac(s) a été en partie tournée avec cette technologie, et les Tontons truqueurs comptent bien désormais démocratiser et commercialiser leur savoir-faire.

Dans le cinéma, ça rechigne...

Une première incursion au cinéma est déjà dans la boîte, soit deux séquences du film Les Complices, long-métrage signé Cécilia Rouaud, avec François Damiens et William Lebghil (sorti en avril 2023). Dans le cinéma, pourtant, ça rechigne... Les effets spéciaux ont la réputation de coûter cher, mais surtout ils sont encore persona non grata dans cette discipline où l'exigence artistique des réalisateurs ne s'accorde pas très bien avec le recours à des artifices. « La Nouvelle Vague avait promu les décors naturels, et cette école de pensée a toujours cours, rappelle Pierre-Marie Boyé. Le cinéma français est très avare d'effets spéciaux, comme si c'était un peu honteux pour une discipline aussi noble, alors qu'une récompense existe depuis longtemps [1940] aux Oscars. En France, l'Académie des Césars a ajouté cette catégorie à son palmarès en 2022. Les choses évoluent... Les plateformes comme Netflix nous regardent. Et les nouvelles générations sont intéressées par cette approche, qui permet de faire revenir des projets de science-fiction avec des budgets plus raisonnables. Globalement, il y a aujourd'hui une telle demande et une telle frénésie de productions qu'il y a de la place pour tout le monde. Cette technologie doit rester un outil, ce n'est pas une fin en soi. »

Cécile Chaigneau

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