La région Pays de Loire courtise la matière grise

La région des Pays de la Loire lance un second appel à projets pour renforcer la R&D et favoriser la venue de chercheurs de haut niveau sur son territoire. La première vague a fait émerger vingt-cinq programmes de recherche et attirer cinq personnalités.
Qui, à terme, prendra en charge les salaires des "nouveaux" chercheurs, pour l'heure financés pendant cinq ans par la région ?

Spécialiste international des calculs intensifs, Thierry Coupez avait le choix entre un poste aux Usa, un à Polytechnique, un autre en Italie... ou dans les Pays de la Loire. A 54 ans, ce chercheur de haut niveau, intervenant au sein de la technopole Sofia-Antipolis pour l'école des Mines de Paris, a finalement décidé d'abandonner les terres niçoises pour rejoindre l'Ouest de la France et l'Ecole centrale de Nantes. Changement de climat et changement de ministère. "Ce qui m'a motivé, c'est la dimension collective du projet. S'il existe bien des lois pour favoriser la mobilité des chercheurs, ce sont bien souvent des candidatures individuelles devant s'intégrer dans des structures. Or, ici, on m'a présenté un projet et j'ai pu venir avec trois personnes de mon équipe. Et ce dernier point est loin d'être anecdotique", explique Thierry Coupez arrivé en avril 2014 à Nantes pour monter un calculateur intensif de dimension régional et diriger l'Institut du calcul intensif (ICI) au sein de l'Ecole centrale.

5000 coeurs à disposition

Le système va nécessiter quelques 2 millions d'euros d'investissement, en partie financé par la région des Pays de la Loire.

"La région était faiblement représentée dans ce domaine, observe le chercheur. Le calcul numérique intensif est un outil indispensable pour la recherche et l'industrie : une sorte de simulateur qui permet de réduire les essais, facilite l'optimisation, favorise la créativité et l'exploration de nouvelles solutions".

Dédié à la fois à la recherche et au développement, ce meso-centre de calcul intensif, qui doit être opérationnel au cours de l'été prochain, aura la particularité de disposer d'une plateforme ouverte aux ETI et PME de la région. Autrement dit, chacune d'elle pourra bénéficier de la puissance d'un calculateur de 5000 cœurs, soit l'équivalent de la puissance de 2500 à 5000 PC. Surtout, elles n'auront plus à investir dans des logiciels coûteux et paieront l'utilisation du calculateur à l'heure. Actuellement composé de dix personnes, l'effectif de l'ICI de l'école centrale de Nantes devrait rapidement atteindre 20 à 30 personnes.

Attractif vu de l'étranger

"C'est tout l'enjeu de l'opération Connect Talent que nous avons lancé l'an dernier", explique Maï Haeffelin, vice-présidente du Conseil régional des Pays de la Loire en charge de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Car, avec 13432 salariés et 1142 millions euros affectées (Insee 2011) à la recherche et au développement, le territoire occupe, dans ce domaine une peu glorieuse 8ème place dans le classement des régions françaises. Pour le moins pas au goût de la  deuxième région agricole et industrielle, cinquième PIB français.

"La jeunesse de nos universités et la vocation industrielle et agricole de la région explique en partie les choses, justifie Stéphane Cassereau, directeur général de l'IRT Jules Verne. Avec la création de nombreuses grandes écoles, on a réduit l'écart pendant deux décennies, mais c'est encore insuffisant même si un cercle vertueux s'est mis en place à l'image des Mines, de Centrale, des Technocampus, de l'IRT Jules vernes, etc... Aujourd'hui, nous avons une feuille de route jusqu'en 2020 , et vus de nombreux pays d'Europe, d'Amérique du Sud  ou d'Asie, nous sommes des privilégiés qui avons les moyens. Nous sommes devenus attractifs pour les chercheurs étrangers".

 Notamment pour ceux qui débutent leur carrière.

Regarder ailleurs pour passer une marche

Dans une région où le taux de chômage est relativement contenu et le développement économique plutôt  soutenu, les premiers accompagnement en faveur de la recherche et de la formation pour enrayer le déficit du nombre de chercheurs remontent à 2004.

"Nous avons ensuite cherché à structurer les formes existantes puis les projets collectifs. Aujourd'hui, à travers les programmes des laboratoires d'excellence Labex, des instituts hospitalo-universitaires (IHU), des Technocampus ou de l'IRT Jules vernes, les chercheurs ont montré qu'il savaient travailler entre eux. Mais pour leur permettre de passer une marche, il fallait aussi regarder ailleurs."

Lancée en avril 2013, l'opération "Connect Talent" a donc eu pour vocation d'attirer des compétences internationales en lien avec des projets de développement du territoire. L'Institut du calcul intensif de l'école Centrale fût donc l'un des vingt-cinq projets sélectionnés parmi les trente-deux proposés. "Ca a extrêmement bien fonctionné. On ne pensait pas avoir autant de retour...", avoue Maï Heaffelin. "De part son approche collective, la démarche est véritablement originale dans ce secteur" acquiesce Thierry Coupez. Qui plus est, l'opération offre à la fois une dimension locale ou européenne, et est plutôt bien répartie sur le territoire. A l'instar, par exemple, du projet "Plurisanté", porté par l'Université d'Angers, qui vise à rénover en profondeur la formation de première année commune aux études de santé (PACES) pour lutter contre l'échec d'un grand nombre d'étudiants en première année de médecine, de pharmacie... et d'ouvrir le cursus aux bacheliers non scientifiques. Ou encore le projet "Hublmac", initié par le laboratoire d'acoustique de l'université du Maine, au Mans, qui cherche à créer une villa Médicis de l'acoustique où six chaires de chercheurs seront créées au cours des cinq prochaines années.  Le laboratoire de planétologie de Nantes a vu lui l'arrivée de l'expert italien Giuseppe Mitri, venue constituer une équipe de recherche dédiée à l'étude des satellites des systèmes de Jupiter.

De l'académique à l'industriel

De l'oncologie à l'interdisciplinarité des cultures numériques, de la médecine mitocondriale à l'épi-génétique (amélioration des plantes), "Connect Talent" balaye large. Jusqu'à la création d'une filière européenne de radio-pharmacie. C'est l'enjeu du projet Isotop4life Cluster porté par Jean-François Gestin, directeur de recherche à l'Inserm de Nantes et vice-président du pôle Atlanpole biothérapies "Il existait des trous dans la raquette" résume le chercheur.

Dans le sillage d'isotope4life créé il ya deux ans pour fédérer les acteurs ligériens du nucléaire de la santé, Isotop4life Cluster veut aller plus loin. En s'appuyant sur le cyclotron Arronax et des acteurs locaux, le projet vise à la fois la  création d'un centre de production d'isotopes radiopharmaceutiques (La Fabrique) et d'un centre d'imagerie multimodale appliquée, allant du petit animal à l'homme et devrait devenir catalyseur d'activités.

"Un des intérêts de Connect Talent est de pouvoir obtenir des financements pour la recherche académique jusqu'aux phases de développement industriel. L'intérêt est d'autant plus grand que l'Inserm et le CNRS n'embauchent plus personne", dit-il. La question sera aussi de savoir qui, à terme, prendra en charge les salaires des "nouveaux" chercheurs, pour l'heure financés pendant cinq ans par la région. Celle-ci a, en tout cas, décidé de lancer un deuxième appel d'offres pour que les compétences régionales deviennent encore plus prescripteurs et boucher davantage les trous dans la raquette.

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